Simple parenthèse ou premiers signes d’un âge d’or ? Après une série d’introductions remarquées à la Bourse de Casablanca, plusieurs champions nationaux s’apprêtent à leur tour à franchir le Rubicon, portés par un marché galvanisé et un appétit retrouvé des investisseurs locaux pour les success stories made in Morocco.
Près de deux décennies après l’IPO historique de Maroc Telecom, le BTP marocain a écrit une nouvelle page boursière. La Société Générale des Travaux du Maroc (SGTM), fleuron du BTP détenu par la famille Kabbaj, à lancé, la semaine dernière, une introduction en bourse par cession de 20 % de son capital, valorisée à 5,04 milliards MAD. Prévue pour le 16 décembre, la première cotation programmée sera la deuxième plus importante de l’histoire de la place.
Dans son sillage, Cash Plus fait également son entrée sur le marché à travers une opération hybride (cession + augmentation de capital) de 750 millions MAD (70 millions €). Fondée en 2024, le, groupe — est lui aussi un championne familiale détenue par les familles Amar et Tazi de Richbond — parle d’un « moment historique », selon son directeur général Nabil Amar. «Ce double mouvement révèle moins un effet de mode qu’un changement sociologique profond du capitalisme marocain», nous confie l’économiste Adnane Benchekroune.
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Longtemps perçue comme réservée au secteur financier et aux émetteurs institutionnels sophistiqués, la Bourse a souffert d’une longue traversée du désert: un volume de transactions tombé à 57 milliards MAD en 2020, avant de rebondir à 98,7 milliards MAD en 2024. La crise financière de 2008, puis le choc Covid-19, ont figé la dynamique pendant plus d’une décennie. Pourtant, ces quatre dernières années, plusieurs signaux forts ont fissuré le plafond de verre psychologique: l’IPO sursouscrite de CFG Bank, menée par Adil Douiri (35× sursouscrite, 23 000 investisseurs), puis l’introduction de TGCC, souscrite 22 fois par 12 000 investisseurs en 2021 — qui a ensuite permis l’acquisition de STAM (2022) et montre l’effet d’échelle rendu possible par le marché.
D’autres leaders de l’économie réelle ont depuis franchi le pas, dont Akdital ou CMGP, initiant une ère où les groupes industriels, agricoles ou logistiques ne voient plus la cote comme une sortie risquée, mais comme un levier de transmission et de croissance. Dans les coulisses, cette transformation doit beaucoup aux acteurs du private equity, notamment Mediterrania Capital Partners, présidé par Saâd Bendidi, qui a structuré des groupes désormais cotés (Akdital, TGCC, Cash Plus, CMGP) et prépare désormais Dislog, appartenant à Moncef Belkhayat, pour une IPO future.
Ce dernier a, d’ailleurs, accéléré l’échelle de son groupe via un partenariat avec Franprix et Monoprix pour 210 points de ventes prévus d’ici 2035, avec une IPO envisagée avant 2030. D’un autre côté, Diana Holding s’est alignée sur les standards de gouvernance internationaux avec l’appui de l’IFC, visant également la cote à moyen terme. Ynna Holding, à travers GPC, évoque la piste sans officialisation, révèle le confrère Africa Intelligence.
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«Aujourd’hui il faut reconnaitre que la bourse est devenue un moyen de financement stratégique pour les grands groupes marocain. Et aussi pour ces entreprises dites familiale, c’est également une bonne lucarne d’élévation des standards de gouvernance», précise Bencheckroune.
Ambition 300 entreprises cotées : objectif réaliste ?
Au rythme actuel d’1 à 2 IPO/an et 77 sociétés cotées, le Maroc devrait accueillir ~20 introductions/an pour s’aligner sur les recommandations du Nouveau modèle de développement à l’horizon 2035. À titre comparatif, la Bourse de Riyad a connu plus de 80 IPO en 2024. Pour rappel, l’introduction de Cash Plus à la Bourse a attiré en masse les investisseurs.
Selon les chiffres, ce sont près de 81.000 souscripteurs enregistrés. Cash Plus est la 1ère Fintech à s’introduire à la Bourse de Casablanca. Il s‘agit aussi de la 2ème IPO de l’année 2025, après celle de Vicenne. A la vue de ces chiffres ; le constat est clair : la barrière psychologique est tombée.