Commencer le mois de juin avec une « fête du livre » et finir le même mois avec la « fête du mouton ». Nourrir la tête sans négliger la panse. Nous aurons donc, au début de ce mois, des milliers de gens assoiffés de lecture, de savoir, de tout ce qui éclaire l’esprit (…). Le Salon international de l’édition et du livre offrira dans la capitale du Royaume, du 1er au 11 juin, un espace d’une superficie globale d’exposition de 14 675 m² et une esplanade de 2 500 m². Pas moins de 48 partenaires médias y seront mobilisés, avec 300 stands, 700 exposants et 130 débats et rencontres.
Le premier mot du Coran est « Lis ! » (au nom de ton Créateur). Un mot qui a annoncé la fin d’une époque dénommée « Al jahiliya », celle de l’obscurantisme, faite d’adoration de pierres et de statues. C’est aussi le début d’un « âge d’or » où l’Islam a été source de lumière et d’émancipation. Pendant toute cette époque, l’apport civilisationnel de l’Islam à l’humanité a été extraordinaire, en termes de mathématiques, d’astrologie, de philosophie, de médecine et d’autres sciences, de littérature et de poésie. Cette époque prit fin avec la mise à mort de l’Ijtihad, de l’esprit libre et critique, avec l’adoption d’interprétations dogmatiques et l’assèchement d’un message qui se voulait pourtant constamment nourricier et libérateur. Pour autant, la lumière ne s’est jamais totalement éteinte. Le Salon international de l’édition et du livre est un évènement qui nous le rappelle très symboliquement, avec au rendez-vous un espace dédié à Fatima Mernissi, grand symbole des luttes pour l’émancipation de la femme marocaine. La philosophie, cette « mère de toutes les sciences », aura aussi toute sa place dans cet évènement. Avec des résonances africaines, comme pour bien nous rappeler les profondes racines continentales de la culture marocaine. Pendant 10 jours, le Royaume va vibrer au rythme de la poésie et des questions existentielles, face à ce 21ème siècle où s’entremêlent intimement inquiétudes, menaces, nouveaux défis, rêves et espoirs.
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Et c’est avec la tête qualitativement bien pleine que les Marocains pourront ainsi faire face à cet autre rendez-vous à la fin du mois, celui d’une tradition qui n’a jamais fait obstacle au progrès. La « fête du mouton » est aussi un moment hautement symbolique où les familles marocaines se réunissent et mettent de côté, provisoirement, ce réflexe individualiste, inhérent à la société de consommation, modèle occidental de plus en plus mis en doute, voire contesté. Cette interaction permanente, entre l’ancien et le nouveau, est à la base de toute transformation sociétale. Paul Pascon, ayant eu une sensation de vertige face à la complexité de la réalité marocaine, a eu recours au mot « composite » pour qualifier un mode de vie qui tire sa richesse de la diversité exceptionnelle de la formation sociale marocaine. Nourrir l’esprit sans négliger la panse est en fait cet équilibre tant recommandé par un Rabelais ou un Montaigne pendant cette époque nommée « Renaissance », en Europe, qui a précédé et annoncé le « siècle des lumières ». Evolution non irréversible et non exclusive à ce continent, aujourd’hui piégé et enfoncé dans un conflit dont l’issue est plus qu’improbable.
