Porté par la vitalité de sa classe moyenne, l’essor du commerce moderne et la montée d’une nouvelle génération d’entrepreneurs, le marché marocain de la franchise connaît une croissance soutenue depuis plus d’une décennie. Avec 745 réseaux actifs et un chiffre d’affaires avoisinant 20 milliards de dirhams, le Royaume s’impose aujourd’hui comme l’un des pôles les plus dynamiques du continent africain. À l’approche de la Coupe du Monde 2030, l’intérêt des grandes enseignes internationales s’intensifie, attirées par la stabilité du pays, son positionnement stratégique et son potentiel de consommation. Mais pour accompagner cette expansion, le secteur réclame un cadre réglementaire plus clair, des incitations fiscales adaptées et un meilleur accès au financement.
Le Maroc s’impose aujourd’hui, comme un hub régional pour les grandes enseignes internationales, mais le cadre réglementaire et fiscal reste à moderniser pour accompagner la prochaine phase de croissance. Comme le souligne Anouar El Basrhiri, Directeur général de TMS Consulting, «le Maroc est à un tournant : il dispose de tous les atouts pour devenir une plateforme régionale de la franchise, à condition d’adapter son environnement aux standards internationaux».
« La franchise a trouvé au Maroc un terrain fertile : une classe moyenne en expansion, des consommateurs en quête de qualité et d’expérience, et une génération d’entrepreneurs qui préfère capitaliser sur des modèles éprouvés », explique Anouar El Basrhiri, Directeur général de TMS Consulting, cabinet spécialisé dans l’accompagnement stratégique et la mise en place de réseaux de franchise.
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Pour Anouar El Basrhiri, la clé du succès réside dans la capacité du modèle à réduire le risque entrepreneurial tout en apportant une méthode et une notoriété immédiate : « Le franchisé ne part pas de zéro : il s’appuie sur un concept testé, une marque reconnue et un accompagnement structuré. Dans un environnement où créer seul reste complexe, cette sécurité est décisive. »
Les grandes métropoles comme Casablanca, Rabat, Marrakech, Tanger concentrent aujourd’hui la majorité des implantations et sont devenues de vrais laboratoires du retail, mais une nouvelle vague d’entrepreneurs régionaux commence à émerger. Les enseignes de restauration, de prêt-à-porter et de services de proximité sont particulièrement dynamiques.
L’Expert rappelle d’ailleurs, que « la franchise a réussi au Maroc parce qu’elle répond à un vrai besoin des deux côtés, il y a les consommateurs qui veulent des marques fiables, et les entrepreneurs veulent des modèles qui fonctionnent déjà.
Ce modèle apporte une sécurité dans un environnement où créer seul reste risqué. Le franchisé bénéficie d’un concept éprouvé, d’un accompagnement, d’une marque reconnue… et ça change tout. J’ajoute également, que les marocains aiment la nouveauté. Dès qu’une marque arrive, il y a un engouement naturel ».
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Avec la Coupe d’Afrique 2025 et la Coupe du monde 2030, le Maroc attire de plus en plus d’investisseurs étrangers. L’amélioration des infrastructures, la montée du pouvoir d’achat et la stabilité politique renforcent l’attractivité du Royaume.
« Le Maroc se positionne désormais, comme un hub régional, une porte d’entrée naturelle vers l’Afrique subsaharienne. Les grandes enseignes y voient un marché moderne, jeune, connecté et stratégiquement situé entre l’Europe et l’Afrique», souligne Anouar El Basrhiri.
Les nouveaux malls, la densification urbaine et le boom touristique devraient amplifier cette dynamique dans les cinq prochaines années. Si la croissance est au rendez-vous, le secteur reste confronté à un vide réglementaire. Le Maroc ne dispose pas encore d’un texte de loi spécifique à la franchise, ce qui crée parfois des zones grises entre franchiseurs et franchisés.
« Nous n’avons pas besoin d’une législation lourde, mais d’un cadre clair, équilibré et protecteur pour les deux parties. La transparence précontractuelle et la définition des obligations respectives sont essentielles pour consolider la confiance », plaide M. El Basrhiri.
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Il souligne également, la nécessité de mécanismes fiscaux incitatifs, notamment sur les redevances internationales et d’un meilleur accès au financement via Tamwilcom et les banques, en prenant en compte la valeur du concept plutôt que les garanties classiques.
La transformation digitale constitue le nouveau front de la franchise. Les enseignes intègrent désormais le e-commerce, la livraison et la gestion de la relation client dans leur modèle économique.
«Le client marocain est devenu digital et exigeant. Les franchises doivent adopter un modèle phygital, capable d’offrir la même expérience sur tous les canaux. Le digital, c’est aussi un outil d’équité : il donne la même visibilité à un franchisé d’Oujda qu’à un autre à Casablanca », observe Anouar El Basrhiri.
En parallèle, l’expert appelle à soutenir l’internationalisation des concepts marocains: «Nous avons des marques locales fortes, mais elles doivent apprendre à penser comme des réseaux structurés. L’avenir de la franchise marocaine passera par la capacité de nos enseignes à s’exporter et à raconter le Maroc à travers leur savoir-faire ».
À l’aube de la décennie 2030, la franchise au Maroc entre dans une phase de maturité stratégique. Les fondamentaux sont là : marché solvable, jeunes entrepreneurs, infrastructures modernes, mais le succès futur dépendra de la souplesse réglementaire, de la digitalisation intelligente et de la montée en gamme des concepts locaux.
Comme le résume Anouar El Basrhiri : « La franchise marocaine doit évoluer, se professionnaliser et se digitaliser, mais sans perdre son âme commerçante. C’est cette proximité humaine qui en fait toute la richesse ».

Interview avec Anouar el Basrhiri,directeur général de TMS Consulting
«Le Maroc regorge de concepts forts, mais beaucoup restent centrés sur le marché local»
Challenge : Le Maroc attire de plus en plus d’enseignes internationales, notamment à l’horizon 2030. Qu’est-ce qui rend aujourd’hui, le marché marocain particulièrement attractif pour les grandes marques étrangères ?
Anouar El Basrhiri : Notre pays est aujourd’hui l’un des marchés les plus prometteurs d’Afrique du Nord. Il combine stabilité politique, position géographique stratégique et croissance constante de la classe moyenne urbaine. Les grandes enseignes y voient un pays moderne, jeune et connecté, où le consommateur est curieux, exigeant et prêt à payer plus pour la qualité et l’expérience.
L’organisation d’événements internationaux comme la Coupe d’Afrique 2025 et la Coupe du Monde 2030, renforce encore cette attractivité : les infrastructures se développent, de nouveaux malls s’ouvrent, le tourisme reprend fortement.
Je peux dire que le Maroc est perçu comme un hub régional, à la fois une porte d’entrée vers l’Afrique et un marché interne en pleine mutation.
Challenge : Malgré cette dynamique, le cadre réglementaire de la franchise est souvent jugé rigide ou inadapté. Quels ajustements législatifs et fiscaux permettraient, selon vous, de mieux accompagner les investisseurs et les franchisés ?
A.E.B. : C’est vrai, le Maroc ne dispose pas encore d’un cadre juridique spécifique à la franchise. Mais ce n’est pas pour autant un frein, le droit commercial général et d’autres textes existants couvrent déjà une grande partie des besoins du secteur. Cependant, si l’on veut encourager et sécuriser davantage ce modèle, il est temps d’instaurer un cadre juridique dédié à la franchise. Non pas pour alourdir le système, mais pour le clarifier et éviter les tensions qui apparaissent parfois entre franchiseurs et franchisés, faute de références précises.
Un tel cadre permettrait d’imposer plus de transparence précontractuelle (sur les coûts, les obligations, la formation, les marges, etc.) et d’instaurer une relation plus équilibrée entre les deux parties.
Sur le plan fiscal, il faut simplifier les mécanismes liés aux redevances internationales et encourager les investissements à travers des incitations fiscales ciblées, notamment pour les franchisés marocains qui créent de l’emploi local.
Un point important également, est de faciliter l’accès au financement via Tamwilcom ou les banques pour les projets franchisés en tenant compte de la valeur du concept et non seulement des garanties classiques, serait un vrai levier de développement.
Challenge : Les franchises marocaines peinent encore à s’imposer à l’international. Quelles conditions doivent être réunies pour voir émerger de véritables “success stories” locales capables de rayonner au-delà des frontières ?
A.E.B. : Le Maroc regorge de concepts forts, notamment dans la restauration, le prêt-à-porter ou les services, mais beaucoup restent centrés sur le marché local.
Pour franchir le cap de l’international, il faut d’abord une marque bien structurée, avec un concept clair, des process standardisés, et une rentabilité prouvée sur plusieurs points de vente.
Il faut aussi une identité exportable, c’est-à-dire une marque qui raconte quelque chose du Maroc, son savoir-faire, son hospitalité, sa créativité tout en parlant un langage universel en prenant l’exemple des franchises égyptiennes.
Les franchiseurs marocains doivent apprendre à penser comme des réseaux : former, contrôler la qualité, accompagner les franchisés, et investir dans la communication. C’est cette rigueur qui permettra demain de voir émerger de vraies “success stories” marocaines à l’étranger.
Challenge : Enfin, avec la montée du digital et des nouveaux modes de consommation, comment la franchise marocaine peut-elle se réinventer pour rester compétitive et mieux répondre aux attentes des clients d’aujourd’hui ?
A.E.B. : Le digital n’est plus un choix, c’est une nécessité. Aujourd’hui, le client marocain compare, commande, donne son avis, et partage son expérience en ligne. La franchise doit donc évoluer vers un modèle phygital, où la même expérience est garantie sur tous les canaux, en boutique, sur le site web ou sur les réseaux sociaux. Les enseignes les plus performantes sont celles qui intègrent déjà des outils de CRM, de e-commerce, de livraison, et qui utilisent la data pour mieux comprendre leurs clients.
Mais le digital, c’est aussi un levier d’équité, il permet à un franchisé à Oujda, Fès ou Laâyoune de bénéficier de la même visibilité et des mêmes outils marketing qu’un franchisé à Casablanca.
A mon avis, la franchise marocaine doit se digitaliser sans perdre son âme commerçante, cette proximité et cette relation humaine qui font sa force depuis toujours.