Zineb Gaouane: «L’entrée en vigueur des textes d’application marquera un tournant décisif pour notre secteur énergétique»

L’entrée en vigueur imminente des textes d’application de la loi 82-21 va bouleverser le paysage énergétique marocain. Pour Zineb Gaouane, experte en énergie et associée du cabinet LPA Law, également ancienne Conseillère spéciale de la ministre de l’Énergie, et ex-haut cadre à l’ANRE ainsi qu’au sein du Groupe MASEN, cette réforme structure définitivement l’autoproduction et ouvre des perspectives concrètes pour les ménages, les PME et les industriels, tout en renforçant la compétitivité du « Made in Morocco ».
Challenge : La publication des textes d’application de la loi 82-21 va structurer définitivement l’autoproduction électrique au Maroc. Qui en profitera en priorité : particuliers, PME ou grandes entreprises ?
Zineb Gaouane : LL’entrée en vigueur des textes d’application marque un tournant décisif pour notre secteur énergétique. L’un des textes les plus structurants est le « décret des procédures », qui fixe les trois régimes d’accès : la déclaration, l’autorisation et l’accord de raccordement selon la puissance de l’installation. C’est un jalon clé car il simplifie et clarifie les démarches.
Deux autres textes ont déjà été publiés : l’un impose l’usage de compteurs intelligents, l’autre encadre la délivrance de certificats d’origine. Ces deux éléments sont fondamentaux pour garantir la traçabilité de l’électricité produite. Ils permettent aux entreprises de justifier la nature verte de leur énergie, ce qui est crucial dans un contexte de décarbonation de l’économie, en particulier à l’export.
En réalité, tout le monde est concerné. Les particuliers, les PME, les grandes industries… Tous ceux qui paient une facture d’électricité peuvent y gagner. Le Maroc bénéficie d’un fort potentiel solaire, et la production décentralisée devient enfin possible, dans un cadre clair. Mais avant d’installer des panneaux, il est important de réaliser un audit énergétique pour bien dimensionner les installations. Dans le cas des bureaux ou entreprises dont l’activité se concentre en journée, le besoin en stockage est quasi nul : c’est un avantage économique immédiat.
Challenge : Qu’en est-il de la compétitivité à l’export grâce à l’énergie verte ?
Z.G : L’autoproduction n’est pas qu’un outil de réduction des factures, c’est un levier de compétitivité industrielle. Grâce aux compteurs intelligents et aux certificats d’origine, les entreprises pourront prouver que leur production est bas-carbone. Pour les secteurs comme le textile, l’automobile ou l’agroalimentaire, c’est un avantage stratégique. Ces outils permettront aussi de mieux valoriser l’électricité verte sur les marchés internationaux.
Challenge : Y a-t-il encore des zones d’ombre dans cette réforme ?
Z.G : Il ne reste quasiment plus de zones d’ombre, à l’exception d’un paramètre crucial : le prix de vente de l’excédent d’électricité. L’un des textes d’application encore attendus doit encadrer les modalités et conditions d’éligibilité pour injecter un surplus d’énergie sur le réseau. En revanche, ce texte ne précise pas à quel tarif l’autoproducteur pourra vendre cet excédent, laissant planer une incertitude sur la valorisation économique de l’énergie produite en surplus.
En attendant, j’encourage les futurs auto-producteurs à bien verrouiller leurs contrats, à s’assurer d’un bon accompagnement pour l’audit énergétique et surtout à garantir un service de maintenance fiable pour leurs installations.