Dans ce contexte de déstockage de masse en cette période de fin d’année, la lutte contre le gaspillage vestimentaire est une réalité. Au Maroc, l’on se demande où partent les invendus à l’heure où dans certains pays la destruction demeure une option.
A chaque période de fin d’année, la majorité des grandes marques de vêtement s’adonnent à la grande braderie dans le but de faire des marges. En effet, à l’international, certaines entreprises préfèrent recourir à une autre forme de solution plus radicale : tout cramer ! Et s’’était le cas en France. Selon une étude réalisée en 2020 par l’Agence du don en nature, une association spécialisée dans la redistribution des invendus, plus de 630 millions d’euros d’articles neufs non-alimentaires sont jetés par les entreprises chaque année.
Ces destructions sont parfois justifiées, notamment lorsque ces produits présentent un défaut de conception qui les rend dangereux. « Cependant, certains produits classés comme défectueux ne présentent que des défauts d’aspects et pourraient être reconditionnés», souligne l’Agence du don en nature. Pire, il arrive encore que certaines sociétés fassent disparaître des articles parfaitement utilisables, pour la seule raison qu’ils sont passés de mode.
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Autant d’articles qui pourraient être donnés plutôt que d’être passés au broyeur, milite cette association, qui espère par cette étude sensibiliser les entreprises à ce sujet. Par ailleurs, le dernier scandale en date fut celui du géant suédois H&M qui depuis 2013 brûlait près de 12 tonnes de vêtements par an. Ce qui a poussé le gouvernement français en début d’année à prendre ses responsabilités (pressions des mouvements écologiques). Intervenant dans le cadre de l’économie circulaire, une loi visant à interdire la destruction des invendus non alimentaires est entrée en vigueur en janvier 2022.
Au Maroc, on ne brûle pas !
Du côté du Maroc, bien qu’étant également confrontés à la problématique des invendus et surtout en cette période de conjoncture, les acteurs du secteur du vêtement essayent de ventiler leur stock sans pour autant recourir à la destruction. Selon, Elfane Mohamed, président de la FMF (Fédération marocaine des franchisés), « les invendus ne sont pas brûlés, ils sont en général donnés à des associations de bienfaisance ». Selon ce dernier, à défaut de brûler les stocks de vêtements invendus, les marques au Maroc afin de déstocker s’adonnent à des campagnes de promotion agressives. Aujourd’hui sur toutes les grandes rues l’on ne peut passer sans voir les grandes affiches publicitaires annonçant les campagnes de déstockage. «Il n y a pas au Maroc de réseaux structuré de déstockage. Donc, nous avons eu du mal à écouler nos invendues », nous confie, de son côté, Amine Berrada CEO de Celio.
Abordant toujours dans le sens des contraintes, Elfane déclare : « le délai de livraison est décuplé, nous devons donc nous y prendre à l’avance ou bien s’arranger avec le fournisseur pour annuler certaines commandes…nous essayons constamment de négocier des remises avec les maisons mères (franchise à l’Etranger) ce qui n’est pas toujours possible et même de réduire les quantités pendant cette période ce qui engendre automatiquement un chiffre d’affaire bien plus faible.. »
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Par ailleurs, même au niveau du stockage, la tâche ne paraît pas facile pour ces derniers. «Les franchises stockent soit dans leurs propres locaux ou font appel à des professionnels. Dans les deux cas, l’optimisation de l’espace, la préservation des biens et la sécurité des manutentionnaires restent quelques éléments clés à respecter afin de pouvoir maîtriser régulièrement les seuils d’approvisionnement mais aussi les quantités à acheter.
De plus, d’autres contraintes s’ajoutent aux obstacles précités, comme les contraintes liées à la gestion des saisons car les acteurs du secteur du textile doivent s’assurer de l’écoulement du stock d’hiver avant l’arrivée du printemps et l’écoulement des stocks d’été et de printemps avant l’arrivée de l’hiver.
Les sirènes du consumérisme…
Au Maroc, le Black Friday dépasse largement la simple question de rabais et de produits. Il agit comme un révélateur des tensions d’une société partagée entre héritages culturels et modernité galopante. Faut-il se laisser entraîner par cette frénésie importée ? Le débat reste entier. Une chose est certaine : derrière les promesses de bonnes affaires, cette période ne vend pas seulement des articles, mais une vision de la consommation, à la fois séduisante, parfois trompeuse, et souvent éphémère. Les associations de consommateurs, elles, multiplient les alertes : prudence obligatoire. Plusieurs analyses montrent que près de 40 % des promotions affichées au Maroc durant le Black Friday ne correspondent pas à de véritables baisses de prix. De telles pratiques, loin de fidéliser, nourrissent une défiance grandissante envers ces opérations commerciales.
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Dans ce grand théâtre du consumérisme, les véritables gagnants ne sont ni les clients ni les commerçants, mais bien les stratèges du marketing. Ces architectes de l’illusion transforment les envies en besoins impérieux et jouent avec finesse sur les ressorts psychologiques d’une foule conditionnée par l’urgence et la rareté. La prochaine fois qu’une offre paraît irrésistible, il faudra donc garder à l’esprit que le coût réel pourrait être bien supérieur à celui affiché sur l’étiquette.
L’Afrique, le nouvel eldorado des vêtements invendus
Dans certaines villes africaines chaque semaine, des marchés à ciel ouvert deviennent le terrain d’exposition de ses vêtements venus principalement de l’occident. Ces vêtements arrivent par balle d’environ 50 kilos contenant chacun jusqu’à 500 pièces depuis l’Europe occidentale, la Chine ou l’Amérique du Nord : les Etats-Unis étant le premier exportateur mondial de vêtements d’occasion. La France, elle, exporte chaque année, 171.000 tonnes de friperie dont la moitié vers l’Afrique qui est son principal marché. Cependant, si les importateurs et les clients trouvent leur bonheur dans ce système de seconde vie, l’économie locale de l’habillement, elle, en souffre (des milliers d’emplois ont ainsi été détruits)
Pour contrer cet effondrement industriel local, certains pays ont mis en place une politique particulière. Au Rwanda par exemple, l’importation de vêtements est surtaxée et les fripes interdites d’importation. En 2020, le Rwanda a même multiplié par 12, les taxes sur l’importation des vêtements d’occasion dans le but de les éliminer progressivement du marché. Sur les 171.000 tonnes de fripes exportées par la France en 2018, 69.000 tonnes sont parties vers l’Afrique, 50.000 vers l’Europe et 47.000 vers l’Asie, selon le Centre du Commerce International.