Soutenue par une série d’introductions en Bourse, le retour massif des investisseurs particuliers et l’arrivée imminente de nouveaux produits financiers, la place casablancaise vit une phase de transformation profonde. Entre réformes structurelles et appétit renouvelé des émetteurs, la Bourse de Casablanca semble engagée dans un cycle haussier durable.
Depuis plusieurs mois, la Bourse de Casablanca connaît une accélération rare de son activité sur le marché primaire. Après plusieurs années de calme relatif, les opérations d’introduction se succèdent et redessinent progressivement le paysage financier marocain. L’entrée en Bourse du groupe Vicenne, spécialiste des technologies médicales, a ouvert la voie à un nouveau chapitre marqué par la montée en puissance d’acteurs issus de secteurs innovants et diversifiés. Désormais, c’est au tour de la fintech marocaine Cash Plus, créée il y a vingt ans, de franchir une étape majeure.
L’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux (AMMC) a validé l’IPO de Cash Plus, ouvrant la voie à sa cotation dès le 8 décembre 2025. L’opération combine une émission de 2 millions d’actions nouvelles et la cession de 1,8 million d’actions existantes, au prix unitaire de 200 dirhams, pour un montant total de 750 millions de dirhams. La période de souscription se tiendra du 19 au 25 novembre 2025.
Le produit de l’augmentation de capital servira à financer l’expansion du groupe : ouverture de nouvelles agences, digitalisation des services, et investissements dans des solutions financières innovantes. Cette opération positionne Cash Plus comme un acteur clé de la finance numérique et de l’inclusion financière, à un moment où le Maroc cherche à renforcer l’accès aux services financiers pour les PME et les populations non bancarisées.
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Dans la foulée, SGTM, fondée en 1971 par la famille Kabbaj, a obtenu le 17 novembre 2025 le visa de l’AMMC pour son introduction. La société prévoit de céder 20 % de son capital, soit un montant global maximal de 5,04 milliards de dirhams, avec des prix d’introduction fixés à 380 dirhams pour le type d’ordre II et 420 dirhams pour les types III et IV. La période de souscription s’étendra du 1er au 8 décembre.
«Nous sommes encore loin de l’euphorie de 2007-2008 avec un nombre pléthorique d’IPO, mais le rythme s’accélère progressivement», analyse Farid Mezouar, expert des marchés financiers et directeur exécutif de FL Markets. Selon lui, la valorisation actuelle des entreprises, combinée à la croissance de plusieurs groupes privés, crée un contexte favorable pour la cotation et pourrait attirer des flux significatifs d’investisseurs locaux et étrangers.
Une reprise amorcée depuis 2020
Le regain d’activité de la Bourse de Casablanca s’inscrit dans une dynamique enclenchée depuis 2020. Depuis cette date, six IPO majeures ont marqué le marché : Aradei Capital (2020), TGCC (2021), Disty Technologies (2022), Akdital (2022), CFG Bank (2023) et CMGP Group (2024). Cette série d’introductions a redonné du souffle à une place financière longtemps restée en sommeil et pose les bases d’une nouvelle ère pour les investisseurs.
En 2025, la tendance se confirme avec Vicenne, Cash Plus et SGTM. Chaque IPO représente non seulement une opportunité d’investissement, mais contribue également à la diversification sectorielle du marché. L’arrivée de Cash Plus, par exemple, élargit le spectre du marché encore dominé par banques, télécoms et BTP, en introduisant un acteur technologique centré sur l’inclusion, le digital et l’entrepreneuriat local.
Investisseurs particuliers : un retour remarqué
Le deuxième trimestre 2025 témoigne d’un marché en pleine effervescence. Selon le dernier rapport de l’AMMC, le volume global des transactions sur les compartiments central et blocs a atteint 31,1 milliards de dirhams, soit une hausse de 24,7 % par rapport à la même période en 2024. Le MASI progresse de 3 % et le MASI 20 de 3,5 %, portant leurs gains cumulés depuis janvier à +23,9 % et +25,4 % respectivement.
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Les investisseurs institutionnels restent majoritaires, avec 36,7 % du volume total, mais le véritable changement réside dans le retour massif des investisseurs particuliers marocains. Ils représentent désormais 27,9 % des transactions, un seuil inédit depuis 2017. Cette évolution traduit une démocratisation progressive de l’investissement boursier et une confiance croissante dans le marché. Les particuliers ont réalisé 7,7 milliards de dirhams d’achats et 8 milliards de ventes, soit une progression de +73,7 % et +83 % sur un an.

Cette montée en puissance du retail boursier témoigne d’une maturité nouvelle : les particuliers ne se contentent plus de spéculer à court terme mais participent activement à la dynamique globale, notamment sur les valeurs bancaires, de distribution et immobilières cotées.
Réformes et instruments financiers : vers une Bourse moderne
La Bourse de Casablanca ne se limite pas aux IPO. Plusieurs réformes stratégiques sont en cours pour transformer le marché. Le projet de loi 03-25 sur les OPCVM constitue une étape majeure. Il permettra l’introduction de produits encore absents du marché marocain : ETF (Exchange Traded Funds), fonds à règles allégées, fonds participatifs et fonds en devises.
La CDG prévoit d’externaliser la gestion de 15 milliards de dirhams à des OPCVM via des appels d’offres, un mouvement qui devrait renforcer l’attractivité du marché pour les investisseurs institutionnels et étrangers.
Parallèlement, le lancement du marché à terme, notamment sur l’indice MASI.20, offrira aux investisseurs la possibilité de couvrir leurs positions, d’optimiser les arbitrages et d’injecter davantage de liquidité dans les échanges. Les analystes estiment que ce levier pourrait rapprocher Casablanca des standards internationaux et favoriser l’entrée de nouveaux acteurs, nationaux et étrangers.

Les investisseurs ne se contentent plus de suivre le chiffre d’affaires. La priorité est désormais donnée à la résilience opérationnelle et aux marges. Les sociétés capables de maintenir une rentabilité solide dans un environnement économique mouvant attireront de nouveaux flux d’investissement, tandis que celles dont les valorisations sont jugées trop élevées pourraient connaître des corrections rapides. Cette approche pourrait accroître la volatilité et intensifier les volumes d’échanges dans les prochaines semaines.
La Bourse face à un contexte économique favorable
Le Maroc bénéficie actuellement d’un contexte macroéconomique relativement stable, avec une inflation contenue et des taux obligataires stabilisés. Ces conditions rendent le marché actions plus attractif et encouragent les entreprises en croissance à se financer via les marchés de capitaux plutôt que par l’endettement bancaire classique.
Les secteurs technologiques et financiers, à l’instar de Cash Plus, représentent un catalyseur pour la modernisation de l’économie. Leur cotation permettra de mieux refléter la diversification de l’économie marocaine, en intégrant les nouvelles dynamiques de digitalisation, d’innovation et d’inclusion financière.
Une Bourse qui se réinvente
Entre le retour des IPO, la montée en puissance des investisseurs particuliers, le développement de nouveaux instruments financiers et l’amélioration de la liquidité, la Bourse de Casablanca amorce une transformation profonde. Le marché semble désormais prêt à accompagner la croissance des entreprises marocaines tout en offrant aux investisseurs un éventail plus large de produits et de secteurs.

2025 pourrait donc rester dans les annales comme l’année où Casablanca a commencé à retrouver sa place parmi les places financières régionales les plus dynamiques, en alliant modernité, diversification et accessibilité pour un public d’investisseurs toujours plus large.