Dossier

Autoproduction électrique. Ces industriels qui ont pris une longueur d’avance

Avant même l’entrée en vigueur des décrets d’application de la loi 82-21 sur l’autoproduction d’électricité, les industriels marocains ont massivement investi dans les énergies renouvelables, en particulier le solaire. Par choix économique, stratégique et environnemental, ils posent les fondations d’un nouveau modèle énergétique industriel, renforcé désormais par un cadre légal clair et incitatif. 

A lors que le Maroc s’apprête à déployer pleinement la loi 82-21 sur l’autoproduction d’électricité, les industriels n’ont pas attendu les derniers décrets pour passer à l’action. Des secteurs aussi variés que l’agroalimentaire, l’aéronautique, le textile, la chimie, ou encore les matériaux de construction ont pris les devants en misant sur le solaire pour produire leur propre électricité, réduire leurs coûts et améliorer leur compétitivité.

Si l’énergie solaire attire autant, c’est d’abord pour une raison simple : la stabilité et la maîtrise des charges énergétiques. Dans un contexte de hausse des prix de l’électricité et d’incertitudes géopolitiques, produire sa propre énergie devient un levier de souveraineté et de prévisibilité budgétaire.

Mais au-delà de la simple facture, c’est aussi la volonté de participer activement à la transition énergétique nationale qui motive les industriels marocains. L’empreinte carbone est devenue un enjeu stratégique, notamment pour les exportateurs confrontés aux nouvelles exigences européennes en matière de traçabilité environnementale.

Des initiatives déjà bien ancrées dans le paysage industriel

L’élan est remarquable et sa portée nationale en dit long sur la mutation en cours. De l’OCP à Nexans, en passant par Safran, Zalar Holding, Nestlé, Sothema ou encore Sonasid, les projets solaires s’accélèrent et redessinent progressivement le paysage industriel marocain. Le géant des phosphates, OCP, déploie l’un des programmes photovoltaïques les plus ambitieux du continent, avec quatre centrales totalisant 202 mégawatts à Khouribga et Benguerir, destinées à sécuriser l’approvisionnement énergétique de ses sites miniers tout en visant la neutralité carbone à l’horizon 2040. Dans l’industrie aéronautique, Safran Nacelles Morocco se positionne comme pionnier en inaugurant à Casablanca la toute première centrale solaire du secteur, couvrant déjà 20 % de la consommation du site, avec un objectif d’un tiers à terme. Dans l’agroalimentaire, Zalar Holding équipe quatre de ses sites de panneaux solaires pour une capacité totale de 2,5 MW, permettant une réduction annuelle de 2 300 tonnes de CO2. À Mohammedia, Nexans Maroc mise sur plus de 4 600 panneaux installés sur le toit de son usine, ce qui lui permet de couvrir 19 % de ses besoins énergétiques et de réduire de 2 850 tonnes par an ses émissions de CO2. À El Jadida, Nestlé alimente déjà son usine grâce à une production solaire de 1,7 GWh par an, réduisant ainsi ses émissions de plus d’un million de kilos de CO2. Dans le secteur pharmaceutique, Sothema franchit un cap symbolique avec un contrat d’achat d’électricité verte qui lui permettra de couvrir 100 % de sa consommation. Enfin, Sonasid, référence de la sidérurgie nationale, atteint près de 90 % d’énergie renouvelable dans sa production, entre ses sites de Nador et Jorf Lasfar. 

Ces exemples – parmi tant d’autres – démontrent une dynamique déjà bien enclenchée et structurée, avec l’appui de partenaires techniques locaux et internationaux.

Ce que change la loi 82-21 pour les industriels

L’entrée en vigueur des décrets d’application de la loi 82-21 marque une rupture réglementaire majeure. Jusqu’ici, les industriels se heurtaient à un flou juridique concernant le raccordement, la gestion des excédents, ou encore le stockage.

Ce vide réglementaire laissait planer l’incertitude, ralentissant des projets pourtant stratégiques. Le nouveau cadre vient lever ces freins, en apportant une clarification sans précédent sur les régimes d’autoproduction selon la puissance installée, qu’il s’agisse d’une simple déclaration, d’une demande de raccordement ou d’une autorisation formelle. Il autorise désormais la vente des excédents jusqu’à hauteur de 20 %, et même au-delà pour certains projets spécifiques, ouvrant ainsi la voie à un véritable marché secondaire de l’électricité verte. Il encadre également les mécanismes de stockage et d’écrêtement, indispensables pour renforcer la flexibilité du réseau national et mieux intégrer les énergies intermittentes. Autre avancée majeure : la traçabilité de l’électricité produite devient obligatoire, grâce à l’installation de compteurs intelligents et à la délivrance de certificats d’origine. Ces derniers deviendront un levier crucial pour les industriels marocains souhaitant valoriser leur production à l’export, notamment dans un contexte international où la taxe carbone s’impose progressivement comme un standard.

Un cadre qui amplifie un mouvement déjà bien engagé

Grâce à ce nouveau cadre légal, les pionniers de l’autoproduction peuvent aller plus loin : étendre leurs installations, mutualiser leurs investissements à travers des projets collectifs, vendre leurs surplus d’énergie, ou encore devenir fournisseurs de services de stockage.

Pour les industriels, cette consolidation réglementaire vient donc sécuriser juridiquement ce qui était jusqu’ici une pratique tolérée ou pilotée au cas par cas. Elle réduit les barrières administratives, favorise les économies d’échelle et légitime leurs démarches auprès des actionnaires, partenaires commerciaux et institutions financières.

Vers une industrie marocaine plus compétitive et décarbonée

L’autoproduction d’électricité constitue désormais un levier majeur de transformation industrielle au Maroc. En réduisant la dépendance aux importations énergétiques, en maîtrisant les coûts de production, et en valorisant l’énergie verte, les industriels marocains se dotent d’un avantage stratégique.

Plus qu’une mode, l’énergie solaire est devenue une composante essentielle de la performance industrielle et de la responsabilité environnementale. À travers leurs investissements, les industriels ont préparé le terrain de la réforme. La loi 82-21 vient, à point nommé, renforcer leurs ambitions. C’est dire si le soleil est déjà sur les toits de plusieurs usines au Maroc, il est désormais, il est aussi dans la loi.

 
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