Afrique

Éducation : Le président gabonais délaisse la France pour le Maroc et le Sénégal

Le coût moyen d’un étudiant boursier dans une université nord-américaine ou européenne varie entre 20 000 et 30 000 dollars par an… Au motif de réduire les dépenses de l’État, le président gabonais, Brice Oligui Nguema, se dirige vers d’autres destinations. On vous donne plus de détails.

Former les élites gabonaises en Afrique plutôt qu’en Europe ou en Amérique : telle est la nouvelle orientation décidée par le président Brice Clotaire Oligui Nguema. Une décision qui marque un tournant dans la politique éducative du Gabon et soulève un débat stratégique : celui du coût, de la qualité et de la souveraineté éducative. Alors que le coût moyen d’un étudiant boursier dans une université nord-américaine ou européenne oscille entre 20 000 et 30 000 dollars par an, l’État gabonais cherche aujourd’hui à rationaliser ses dépenses sans sacrifier la compétitivité académique de ses étudiants.

Rappelons que ce choix intervient dans un contexte où le nombre d’étudiants africains à l’étranger a explosé, passant de 343 000 en 2015 à près de 500 000 en 2022, selon l’Unesco. Cette diaspora étudiante est majoritairement orientée vers l’Europe (France en tête), l’Amérique du Nord et, de plus en plus, l’Asie. Mais cette fuite de cerveaux coûte cher : en plus des bourses, l’État finance des frais de scolarité élevés, des billets d’avion et un accompagnement logistique. À l’heure où les budgets publics sont sous pression, le Gabon opte pour une stratégie d’intégration africaine par l’éducation, misant sur des destinations francophones reconnues comme le Maroc et le Sénégal.

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Et au-delà de l’argument financier, cette réorientation pose une question plus large : et si l’Afrique devenait elle-même un pôle d’excellence universitaire ? L’annonce du Gabon s’inscrit dans une tendance émergente où des pays comme le Maroc, le Rwanda, l’Afrique du Sud ou le Sénégal investissent massivement dans des campus modernes, des partenariats internationaux et des filières professionnalisantes.

Un choix budgétaire stratégique : réduire la facture des bourses

Avec une moyenne annuelle comprise entre 20 000 et 30 000 dollars par étudiant, financer une formation en Europe ou en Amérique représente un poids considérable pour les finances publiques. Le Gabon, qui consacre déjà une part importante de son budget à l’éducation, veut rompre avec cette logique inflationniste. En recentrant les bourses sur des destinations africaines comme le Maroc et le Sénégal, le gouvernement espère réduire drastiquement ses dépenses tout en maintenant un niveau académique jugé compétitif.

Ce choix s’explique par un calcul pragmatique : la scolarité dans les universités marocaines ou sénégalaises, même privées, reste largement inférieure à celle des institutions occidentales, tout en offrant des cursus francophones, des infrastructures modernisées et des partenariats internationaux solides. À titre d’exemple, le Maroc accueille déjà plus de 19 000 étudiants subsahariens, dont une grande majorité bénéficie de bourses. Rabat s’est imposée comme une plateforme académique régionale, notamment grâce à ses écoles d’ingénieurs, de commerce et ses universités médicales reconnues.

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« Le Maroc est un pays stable politiquement. Son économie est en croissance continuelle. Les pouvoirs publics et le secteur de l’éducation, ces dernières années, ont enregistré une véritable maturité. Les écoles et les universités marocaines accueillent un nombre important d’étudiants de la sous-région, notamment ceux du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, du Congo, du Tchad, de la Guinée Conakry et du Gabon… » Et d’ajouter : « Oligui choisit le Maroc, le Sénégal et le Ghana pour les études supérieures des étudiants gabonais. C’est une excellente décision. Les études supérieures coûtent effectivement excessivement cher en Europe et en Amérique du Nord. L’État gabonais versait des bourses importantes à ses étudiants dans ces pays, ce qui grevait lourdement le budget de l’État gabonais. En choisissant le Maroc, le Sénégal et le Ghana, Oligui reconnaît la qualité des études dans les pays africains. C’est un signal fort. En même temps, il veut par là s’assurer que les diplômés gabonais retourneront au pays une fois leurs études terminées. Le Maroc, comme le Sénégal, compte aujourd’hui de grandes écoles performantes en ingénierie, en management, en commerce, dans le médical… Ils comptent aussi des universités, notamment dans les sciences exactes, la médecine, la pharmacie, la médecine dentaire, reconnues pour la qualité de la formation qui y est dispensée. L’Afrique gagnerait d’ailleurs à développer son système d’enseignement supérieur et à créer des mécanismes permettant d’accueillir dans chacun des pays à enseignement avancé un nombre important d’étudiants des autres pays africains. »

Une tendance continentale : de la fuite des cerveaux à la circulation des talents

Le Gabon n’est pas un cas isolé. Selon une étude publiée par l’Agence Ecofin, l’exode des étudiants africains vers l’Europe et l’Amérique ne cesse de croître, avec des conséquences préoccupantes : fuite des compétences, coûts exorbitants et un faible taux de retour au pays d’origine après les études. Ce phénomène prive les États africains des talents dont ils ont besoin pour leurs plans de développement. En réponse, certains gouvernements adoptent une stratégie plus souveraine en favorisant la mobilité intra-africaine. Le Rwanda, par exemple, a investi dans des partenariats avec des universités américaines pour créer des campus locaux, comme le Carnegie Mellon Africa. Le Maroc, de son côté, a misé sur la diplomatie éducative comme outil d’influence, en multipliant les accords bilatéraux et en renforçant l’attractivité de ses établissements. Cette approche transforme l’éducation en un levier de soft power africain.

 
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