Nadia Azale : «Etre un acteur aérien clé, ancré localement : telle est notre ambition pour l’Afrique»

Nommée à la tête de la région Afrique du Nord, Sahel et Côte Ouest d’Air France-KLM, Nadia Azale porte une vision enracinée dans la proximité terrain et l’adaptation locale. Basée à Casablanca, elle fait du Maroc un point d’ancrage stratégique pour accompagner le développement du réseau dans une région marquée par sa diversité. Elle revient sur ses priorités depuis sa prise de fonction : agilité opérationnelle, valorisation des talents locaux, et partenariats ciblés. Face aux défis du Sahel, elle affirme la volonté du groupe de rester présent, engagé et connecté aux réalités africaines.
Challenge : Votre nomination à la tête de la région Afrique du Nord, Sahel et Côte Ouest d’Air France-KLM, basée à Casablanca, revêt-elle une dimension stratégique particulière pour vous, compte tenu de votre parcours au sein de la compagnie ?
Nadia Azale : Absolument, cette nomination a une résonance particulière à la fois sur le plan professionnel et personnel. D’abord parce qu’elle s’inscrit dans la continuité d’un parcours que j’ai construit au sein d’Air France-KLM, en France comme à l’international, avec la conviction que la proximité terrain est essentielle pour bien comprendre les attentes de nos clients et les réalités des marchés.
Ensuite, cette région a une importance stratégique évidente pour le Groupe: elle est jeune, en pleine mutation, économiquement dynamique, et structurée autour des escales clés comme Casablanca, Dakar ou Alger.
Mais au-delà des enjeux opérationnels, il y a aussi une dimension plus personnelle. Ayant moi-même des attaches fortes avec le continent, pouvoir accompagner son développement, valoriser les talents locaux, et porter la voix d’un leadership inclusif et ancré dans les réalités africaines est un engagement qui me tient particulièrement à cœur. C’est à la fois une responsabilité et une formidable opportunité.
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Challenge : Depuis votre prise de fonction il y a huit mois, quelles priorités avez-vous définies pour renforcer la position d’Air France dans cette région clé ?
N.A : Depuis mon arrivée, ma priorité a été de consolider la présence d’Air France dans la région en restant à l’écoute des réalités locales, des partenaires et des clients. C’est une zone d’une richesse exceptionnelle, mais aussi marquée par des trajectoires politiques, économiques et sociales très différentes d’un pays à l’autre. Notre stratégie repose donc sur trois axes fondamentaux.
Le premier, c’est le dialogue et la proximité. J’ai tenu à me déplacer rapidement dans plusieurs pays pour rencontrer nos équipes (Sahel, Maghreb), les autorités locales, nos clients, mais aussi les acteurs économiques. Ce contact direct est indispensable pour comprendre les attentes concrètes du terrain, loin des approches standardisées.
Ensuite, nous avons renforcé notre agilité opérationnelle. Cela signifie adapter nos fréquences de vol, nos capacités, nos services, en fonction des évolutions locales — qu’elles soient liées à la demande, à des enjeux d’infrastructure, ou parfois à des contextes géopolitiques. Nous avons à titre d’exemple, développé nos offres sur le Sénégal, la Mauritanie, voire le Maroc, en prolongeant sur la saison hiver la liaison Tanger-Paris.
Enfin, j’accorde une attention particulière à l’ancrage humain et à la montée en compétences de nos équipes locales. Nos collaborateurs dans la région sont au cœur de notre performance.
Investir dans leur formation, développer et valoriser les talents sur place, créer des parcours de développement professionnels adaptés (programme de Key talent) : c’est non seulement une priorité RH, mais aussi une conviction personnelle.
Notre ambition est simple mais exigeante : être un acteur aérien clé et ancré localement, au service des besoins de mobilité et de développement dans chacun des pays que nous desservons.
Challenge : Le retrait d’Air France de Bamako, Ouagadougou et Niamey a marqué un tournant pour la compagnie dans la région sahélienne. Quelles mesures ont été mises en place pour limiter l’impact commercial de ce retrait ?
N.A : En lien avec les autorités françaises, la compagnie suit en permanence l’évolution de la situation géopolitique des territoires qu’elle dessert.
En raison de la situation géopolitique dans la région du Sahel, Air France a été amenée à adapter son programme de vol de/vers Niamey (Niger), Bamako (Mali) et Ouagadougou (Burkina Faso). Les dessertes de ces trois destinations restent suspendues jusqu’à nouvel ordre. Notre volonté est de reprendre nos liaisons, mais cette reprise reste conditionnée par la situation sécuritaire et soumise aux autorisations des Etats. Néanmoins, nous avons mis en place plusieurs mesures pour minimiser l’impact sur nos clients, nos partenaires locaux et nos collaborateurs sur place.
Tout d’abord, nous avons maintenu des alternatives pour nos clients en proposant des vols via Abidjan et Dakar, permettant ainsi à nos passagers de continuer à accéder à notre réseau mondial.
De plus, nos équipes locales restent en place, disponibles pour offrir un soutien direct et personnalisé à notre clientèle.
Nous continuons également à travailler en étroite collaboration avec nos partenaires locaux, y compris les agences de voyages, pour assurer la continuité de nos services et la satisfaction de nos clients.
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Challenge : Vous gérez une région marquée par une grande diversité politique, économique et sociale d’un pays à un autre. Comment cette diversité influence-t-elle vos choix stratégiques et opérationnels ?
N.A : Effectivement, la région que je pilote – qui s’étend de l’Afrique du Nord au Sahel en passant par l’Afrique de l’Ouest – est marquée par une diversité extrêmement riche sur les plans politique, économique, culturel, linguistique et social. Cette diversité n’est pas un défi en soi ; elle est avant tout une réalité à comprendre, à respecter et à intégrer dans nos choix stratégiques.
Concrètement, cela implique une approche différenciée pour chaque marché. Les attentes d’un passager à Alger ne sont pas nécessairement les mêmes que celles d’un client à Conakry, Tunis ou Nouakchott. Chaque destination a ses spécificités, ses rythmes, ses cycles économiques, son cadre réglementaire. Nous ne cherchons pas à appliquer une stratégie uniforme ; au contraire, nous co-construisons nos réponses avec les équipes locales, les autorités et nos partenaires, pour que notre présence ait du sens et de l’efficacité.
Mais au fond, cette diversité est aussi une formidable richesse. Elle nous oblige à sortir d’une logique centralisée, à faire confiance au terrain, et à développer des solutions plus justes, plus humaines, plus pertinentes. C’est cette intelligence collective et cette capacité d’adaptation qui, à mon sens, feront la force d’Air France dans la région sur le long terme.
Challenge : Vous avez indiqué l’importance de partenariats et d’une approche égalitaire dans vos relations avec les pays de la région. Quels types de partenariats Air France privilégie-t-elle pour renforcer son implantation locale ?
N.A : Air France met un accent particulier sur le développement de partenariats stratégiques qui renforcent sa présence locale et favorisent une approche business dynamique et réactive. En collaborant étroitement avec les agences de voyages locales, Air France s’assure que ses offres sont constamment alignées avec les besoins et les attentes des clients de chaque région. Ces agences, grâce à leur expertise et leur compréhension approfondie des marchés locaux, permettent à Air France de proposer des solutions sur-mesure qui répondent aux spécificités culturelles et économiques de chaque destination.
Dans le cadre de ces partenariats, Air France récompense également la fidélité de ses clients et collaborateurs à travers des programmes conçus pour valoriser et encourager la loyauté. Par exemple, le programme Flying Blue ne se contente pas de récompenser les voyageurs fréquents avec des avantages tels que des surclassements ou des réductions, mais il évolue aussi en permanence pour offrir des bénéfices qui correspondent aux nouvelles tendances et aux attentes des clients. Les Miles accumulés dans le programme Flying Blue peuvent par exemple être utilisés pour réserver des sièges, ajouter des options comme des bagages, ou encore accéder aux salons dans plusieurs grandes villes africaines. Grâce aux cartes bancaires partenaires comme American Express ou Mooncard, certains avantages sont aussi accessibles même sans voyager souvent.
Par ailleurs, Air France privilégie des partenariats culturels qui renforcent son implantation locale et valorisent la richesse culturelle des pays de la région tels que les Alizés à Essaouira, le ComediaBlanca à Casablanca, la biennale de Guinée et bien d’autres. Un exemple emblématique et récent est le Festival Jazzablanca, un événement majeur de la scène musicale casablancaise. Depuis sept ans, Air France soutient ce festival, qui attire des artistes internationaux et locaux, favorisant ainsi les échanges culturels et la découverte de nouveaux talents. Ce partenariat témoigne de l’engagement de la compagnie à promouvoir la culture locale et à s’impliquer activement dans la vie culturelle de la ville.
Enfin, sur le plan social et solidaire, la Fondation Air France soutient activement des projets pour aider les enfants en difficulté. Au Sénégal, elle collabore avec l’association Village Pilote, qui se consacre à la réinsertion des enfants des rues à Dakar. Le projet actuel, soutenu par la Fondation, vise à améliorer l’accès à l’eau potable et à l’assainissement pour le centre d’hébergement qui accueille de nombreux jeunes. Ce soutien contribue à créer un environnement plus sain et sécurisé, tout en renforçant les efforts de réinsertion sociale et professionnelle des enfants. Depuis 2013, ce partenariat a permis d’améliorer significativement les conditions de vie des jeunes accueillis, illustrant l’engagement continu d’Air France envers les communautés locales.
Challenge : Air France valorise une logique de réseau plutôt qu’un modèle de vol point à point. Comment cette stratégie répond-elle aux besoins spécifiques des clients business dans la région ?
N.A : Effectivement, Air France-KLM a historiquement fait le choix d’une stratégie de hub, à Paris-Charles de Gaulle, plutôt qu’un modèle strictement point à point. C’est un choix structurant, qui nous permet d’offrir à nos passagers une connectivité mondiale depuis presque toutes les capitales de la région, avec un haut niveau de fiabilité et de fréquence.
Pour les clients business, cette approche est particulièrement précieuse. Beaucoup d’entre eux ont des besoins de déplacement vers l’Europe bien sûr, mais aussi vers l’Amérique du Nord, l’Asie ou d’autres régions d’Afrique. Grâce à notre réseau, un passager de Dakar ou de Tunis peut rejoindre plus de 200 destinations dans le monde avec une seule correspondance maîtrisée, souvent le jour même. Cela permet un gain de temps, une souplesse dans les plannings, et surtout une cohérence dans le service.
Enfin, notre modèle de vol point à point vise avant tout à satisfaire les attentes et les aspirations de nos clients, dont la majorité effectue des correspondances. Pour répondre à ce besoin, nous avons élargi notre offre et augmenté la fréquence de nos vols, permettant ainsi à nos clients d’arriver à destination à des horaires variés. Par exemple, au Japon, nous proposons quatre vols par jour, offrant à nos passagers la flexibilité d’atterrir à l’heure qui leur convient le mieux.
Challenge : La présence d’Air France au Maroc depuis 91 ans est un élément clé de son histoire. Comment cette longévité se traduit-elle aujourd’hui dans vos relations avec les clients et partenaires marocains ?
N.A : Notre longévité au Maroc, qui s’étend sur 91 ans, découle directement du sérieux et de la solidité de nos partenariats dans la région. Le professionnalisme de nos dizaines de partenaires marocains a été un pilier essentiel de notre succès continu, permettant d’établir une relation équilibrée et bénéfique pour toutes les parties. Cette approche «win-win» a renforcé notre capacité à répondre aux besoins locaux tout en offrant des services de haute qualité.
En collaborant étroitement avec des partenaires qui partagent notre vision et notre engagement, nous avons pu construire une relation de confiance mutuelle qui perdure et s’adapte aux évolutions du marché. C’est cette combinaison de sérieux, de professionnalisme et d’équilibre qui a permis à Air France de maintenir une présence forte et respectée au Maroc depuis tant d’années.
Challenge : La ponctualité, la régularité et la qualité du service sont des priorités pour Air France. Quels efforts spécifiques sont déployés dans la région pour garantir cette excellence opérationnelle ?
N.A : Pour garantir l’excellence opérationnelle dans la région, Air France a déployé plusieurs efforts spécifiques. Avant même le lancement de la saison estivale, notre ponctualité a atteint un niveau historique dans la région, avec une amélioration nette par rapport à l’année précédente. Cela résulte d’un plan d’action intégrant tous les métiers de l’entreprise, allant des équipages aux équipes locales au sol, en passant par notre base à CDG et notre équipe de maintenance.
Les équipages et le personnel au sol sont pleinement mobilisés pour assurer une performance opérationnelle optimale. Nous ajustons régulièrement le temps de transport de nos équipages pour maximiser leur efficacité. En ce qui concerne la maintenance, nous maintenons un nombre conséquent d’avions en réserve pour pallier toute éventuelle panne. De plus, nous avons renforcé notre chaîne d’approvisionnement en pièces détachées, ce qui était un enjeu majeur.
Nos partenaires locaux, y compris les compagnies d’assistance et les autorités aéroportuaires, sont également mobilisés, particulièrement en prévision des grands départs. Ils effectuent une revue complète de leurs processus et travaillent sur chaque anomalie identifiée.
Enfin, sur le plan du service client au Maroc, nous avons atteint un niveau d’efficacité où 92% des appels clients sont traités en 60 secondes, ce qui illustre notre engagement envers la qualité du service et la satisfaction de nos clients.