André Azoulay, juif-marocain, patriote et humaniste

Lors d’une marche de solidarité avec la Palestine, à Casablanca, le 8 avril, des slogans antisémites ont ciblé André Azoulay, marocain dont le patriotisme est incontestable de par ses engagements et ses actes. L’accélération du processus génocidaire en Palestine après le 7 octobre 2023, a alimenté des confusions et des haines profitant avant tout à l’extrême droite sioniste, raciste et suprématiste. L’antisémitisme est une dérive qui porte atteinte à la cause Palestinienne.
Au cours de la marche du 8 avril à Casablanca, en solidarité avec le peuple Palestinien, victime d’un processus génocidaire, André Azoulay, bien connu pour son patriotisme et son engagement humaniste, a été pris pour cible. Après le 7 octobre 2023, l’accélération du processus génocidaire, entamé en fait par Israël depuis plusieurs décennies en Palestine, a alimenté toutes les confusions et les haines, sans pour autant les justifier. Rester lucide même dans les moments ou situations les plus extrêmes de douleur, de souffrances et de détresse, tel est le premier combat à livrer pour mieux servir une cause juste, sans aucun esprit de vengeance ni de rancune. Car qu’on le veuille ou non, objectivement, le meilleur complice de l’extrême droite sioniste et suprématiste en Israël est l’antisémitisme (qui, pour un arabe, est d’abord une insulte à soi-même). Benyamin Netanyahu a justement besoin de cette confusion pour nourrir et justifier sa politique criminelle, ses discours haineux et pour continuer à mener son plan génocidaire.
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Certes, les cris haineux à l’encontre d’A. Azoulay, l’un des grands symboles marocains de la tolérance et de la paix entre les peuples, ont été proférés par une infime minorité, au cours de cette marche. Néanmoins, rien ne justifie le silence morbide des démocrates marocains. Né à Essaouira en 1941, dans une famille marocaine juive dont les racines remontent à plusieurs siècles, A. Azoulay n’a pas immigré en Israël pour contribuer à l’instauration et au renforcement de l’Etat sioniste. Il est resté dans son pays natal sans rompre avec ses racines identitaires, tout en œuvrant constamment pour une solution juste et pacifique au « conflit israélo-palestinien ». Il a d’ailleurs été parmi les premiers initiateurs de rencontres entre l’Organisation de la Libération de la Palestine et des organisations juives qui œuvrent pour la paix entre les deux peuples.
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A. Azoulay est connu surtout pour son engagement militant en faveur de la pluri-culturalité. Il a su redonner vie au judaïsme marocain qui fait partie intégrante de l’identité nationale marocaine. Il suffit de relire le 2ème paragraphe du préambule de la Constitution marocaine, loi fondamentale du Royaume, pour comprendre la profondeur de cette position : « Etat musulman souverain, attaché à son unité nationale et à son intégrité territoriale, le Royaume du Maroc entend préserver, dans sa plénitude et sa diversité, son identité nationale une et indivisible. Son unité, forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, s’est nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen. La prééminence accordée à la religion musulmane dans ce référentiel national va de pair avec l’attachement du peuple marocain aux valeurs d’ouverture, de modération, de tolérance et de dialogue pour la compréhension mutuelle entre toutes les cultures et les civilisations du monde ». C’est là l’une des consécrations les plus solennelles de la diversité culturelle et identitaire marocaine. La force de l’unité nationale est dans sa diversité historique ancestrale. Ce n’est donc guère un hasard si Feu Mohammed V s’est totalement et absolument opposé au régime de Vichy pendant la seconde guerre mondiale lorsque ce dernier a envisagé de prendre des mesures discriminatoires à l’encontre des citoyens juifs marocains. Lesquels citoyens ont participé au mouvement de libération nationale, notamment au sein du Parti communiste marocain.
A. Azoulay a servi son pays, le Maroc, pendant plusieurs décennies, avec patriotisme et abnégation. Ce sont ses actes concrets qui le disent. Sur le plan culturel surtout, il a été un acteur dynamique en contribuant à la renaissance et au développement du patrimoine culturel marocain dans toute sa splendeur et sa diversité. La ville d’Essaouira illustre merveilleusement le dévouement d’A. Azoulay pour son pays. Cette ville rayonne mondialement et donne du Royaume une image profonde de tolérance et de sagesse. Bayt Addakira (Maison de la mémoire), créée à son initiative, a permis de réhabiliter un pan de l’histoire marocaine. C’est là un acte qui a surtout contribué à « décomplexer » les marocains par rapport à leur véritable passé qui est avant tout multiculturel et multiconfessionnel. C’est donc aussi un acte contre l’amnésie. Insulter A. Azoulay, c’est insulter la mémoire collective des marocains. Il est impossible de défendre la Palestine où se sont côtoyées et brassées toutes les confessions et où sont nées les trois religions monothéistes, tout en niant presque trois millénaires de présence juive au Maroc. Cette négation ne peut que nourrir et renforcer l’extrême droite sioniste selon laquelle « les juifs n’ont pas leur place dans le monde arabe ». Elle alimente aussi les tendances populistes et fascistes dans le monde. Presque partout dans le monde, des juifs courageux et fidèles à leurs véritables valeurs humanistes, malgré les menaces et pressions, se sont exprimés contre le processus génocidaire mené actuellement en leur nom, en Israël, contre le peuple Palestinien. Et bien avant le 7 octobre 2023, nombreux sont les militants marocains de descendance juive à avoir dénoncé le projet sioniste colonial. C‘est notamment le cas de Feu Abraham Serfaty, militant marocain de la gauche marxiste. C’est aussi le cas de Sion Assidon qui est actuellement l’un des acteurs les plus dynamiques de BDS au Maroc, mouvement qui mobilise les citoyens dans le monde pour le boycott des produits fabriqués dans les territoires occupés par Israël en Palestine ou par des entreprises qui investissent dans ces territoires, en violation des résolutions onusiennes, ou qui financent la guerre génocidaire.
Aujourd’hui, le brouillard de la confusion doit se dissiper. Il est possible et même nécessaire de critiquer l’Etat d’Israël, en tant qu’Etat sioniste ayant un projet colonial, fondé sur un système d’apartheid, sans tomber dans le piège de l’antisémitisme qui est un racisme absolument et universellement condamnable en tant que tel. A. Azoulay, de par ses valeurs profondément humanistes, même s’il n’est pas frontalement présent dans ce combat solidaire avec la Palestine, est convaincu du caractère juste et universel de la cause palestinienne. Tout individu qui soutient l’oppression ne peut prétendre être libre. Alors, n’acceptons plus, même passivement, le discours de la haine, du racisme et du négationnisme culturel et historique. Cette indifférence ou passivité morbide a déjà été historiquement à l’origine de crimes contre l’humanité. Tous les génocides sont absolument inacceptables et condamnables. Qu’il s’agisse du peuple Palestinien, des Juifs assassinés par les nazis et leurs multiples complices et comparses moins visibles, actuellement « recyclés » dans des organisations d’extrême droite, ou d’autres peuples dont l’extermination a été passée sous silence, car non historicisée.
La culture juive marocaine a un passé, un présent et un avenir. Comme d’autres cultures locales au Maroc, elle constitue un trésor inépuisable qui doit faire la fierté de tous les marocains, quelle que soit leur confession. La solidarité pour la libération de la Palestine peut être une source de lumière et non pas d’obscurité, pour l’ensemble des peuples opprimés.