Passeports : le Maroc dans le top 10 africain

Le classement des passeports africains publié par Henley & Partners pour le troisième trimestre 2025 n’est pas un simple palmarès. Il est, à bien des égards, un thermomètre diplomatique et surtout un baromètre permettant de mesurer le nation branding. Il reflète la perception d’un pays dans l’arène internationale, la solidité de ses accords bilatéraux et la place qu’il occupe dans les chaînes de confiance et de coopération.
Dans ce nouveau classement, trois pays africains se distinguent clairement : les Seychelles, Maurice et l’Afrique du Sud. Avec des passeports permettant de voyager sans visa dans plus de 100 pays — jusqu’à 156 pour les Seychelles — ces États insulaires ou émergents récoltent les fruits d’une diplomatie agile, d’une gouvernance jugée stable et de leur neutralité géopolitique.
Par ailleurs, plusieurs puissances régionales comme le Maroc, le Nigeria, l’Égypte ou encore l’Éthiopie demeurent dans le top 10.
Lire aussi | Voici la liste des 73 pays que les Marocains peuvent visiter sans visa
Le Maroc, avec un accès à 73 pays sans visa selon les données dudit cabinet, s’inscrit dans une dynamique d’élargissement de son influence, notamment en Afrique subsaharienne, en Asie et dans certains États des Balkans.
« Le Maroc figure dans le top 10 des passeports africains les plus puissants au troisième trimestre 2025, selon le Henley Passport Index, en raison de plusieurs facteurs déterminants, au premier rang desquels sa diplomatie. Le Maroc a intensifié ses efforts diplomatiques pour établir des accords de suppression de visa avec divers pays, notamment en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Ces initiatives ont renforcé la position du passeport marocain mais viennent surtout témoigner de la perception positive du pays à l’international », nous confie Yasmina Asrarguis, chercheur associé à la Fondation Jean-Jaurès et cofondatrice de l’Atlantic Middle East Forum.
Et d’ajouter : « La stabilité politique et économique facilite la conclusion d’accords de libre circulation avec d’autres nations et renforce l’image du pays à quelques années de la Coupe du monde qui verra le Royaume accueillir des supporters du monde entier. La Coupe du monde est bien plus qu’un enjeu sportif pour le Maroc : c’est un levier stratégique de positionnement global qui permettra de réclamer davantage de réciprocité dans la libre circulation entre nations. Cela renforcera le Maroc, son image, sa crédibilité, son influence et donc la capacité de ses citoyens à voyager dans un plus grand nombre de pays sans visa au préalable. »
L’image de marque nationale : au-delà d’un symbole cosmétique
Derrière le classement Henley, il y a une cartographie implicite des alliances et des lignes de fracture qui traversent l’Afrique contemporaine. Les pays qui possèdent les passeports les plus “forts” sont souvent ceux qui ont capitalisé sur une diplomatie non conflictuelle, une stabilité interne maîtrisée, et une capacité à nouer des accords bilatéraux avec des puissances diversifiées.
Le cas des Seychelles est éclairant : malgré leur petite taille et leur population réduite, l’archipel a tissé un réseau dense de reconnaissances mutuelles, notamment avec l’Europe, l’Asie et l’Amérique latine. Son passeport est désormais plus “puissant” que celui de plusieurs pays latino-américains ou asiatiques à revenu intermédiaire.
Lire aussi | Laftit le confirme, les femmes n’ont plus besoin du consentement du père pour obtenir le passeport de leurs enfants
Le Maroc, lui, a choisi une stratégie hybride. Sur le plan africain, il renforce sa présence économique et diplomatique au sein de la CEDEAO, et investit dans des corridors diplomatiques multiples : Chine, Brésil, Turquie, Serbie, Indonésie, etc. Résultat : les Marocains peuvent désormais visiter 73 pays sans visa.
Mais ce que le classement des passeports ne dit pas explicitement, c’est l’impact stratégique de l’image de marque d’un pays. Aujourd’hui, le nation branding est bien plus qu’un slogan. Dans un monde saturé de concurrence, l’image projetée par un État conditionne sa capacité à attirer touristes, investisseurs, talents et partenaires.
Le Maroc, une fois encore, illustre cette dynamique. Selon un rapport de l’Institut Royal des Études Stratégiques, le Royaume bénéficie d’une image très favorable dans le monde occidental, fondée notamment sur sa qualité de vie, sa stabilité politique et sa vision stratégique.
La diplomatie économique portée par le roi Mohammed VI, combinée à des campagnes d’influence maîtrisées, a permis au pays de se positionner comme un hub fiable, ouvert, moderne. Ce soft power, encore sous-exploité ailleurs en Afrique, pourrait expliquer pourquoi le passeport marocain est désormais mieux classé que ceux de la Tunisie, de l’Algérie ou de l’Égypte.
L’avenir de la mobilité africaine ne se jouera donc pas seulement à Addis-Abeba ou à Genève. Il se construira aussi dans les ministères de la Communication, dans les agences d’attractivité, dans les institutions capables de produire de la confiance. La bataille des passeports est, au fond, une bataille de réputation. Et dans ce combat, le branding national devient une arme aussi stratégique que les traités ou les bases militaires.
Classement des passeports africains les plus puissants au 3e trimestre 2025, selon Henley & Partners :
- Seychelles (25e rang mondial, 156 destinations accessibles sans visa préalable)
- Maurice (27e, 149)
- Afrique du Sud (48e, 103)
- Botswana (59e, 85)
- Namibie (63e, 79)
- Lesotho (65e, 76)
- Eswatini (66e, 74)
- Malawi (67e, 73)
- Maroc (67e, 73)
- Kenya (69e, 71)