Alors que la guerre commerciale déclenchée par l’administration Trump désorganise les flux maritimes internationaux, Najib Cherfaoui, expert en ingénierie portuaire, décrypte l’impact sur les chaînes logistiques, les tarifs de fret et la position stratégique que le Maroc est en train de renforcer. 

Challenge : La guerre commerciale menée par l’administration Trump bouleverse les échanges mondiaux. Les armateurs et leurs clients -industriels, distributeurs, importateurs ou exportateurs- affirment en subir de lourdes conséquences. Quelles sont les origines de cette situation, et comment en est-on arrivé à un tel bouleversement du commerce maritime ?

Najib Cherfaoui  : Le secteur du transport maritime par conteneurs est confronté à diverses conséquences directes et indirectes des nouveaux droits de douane américains. L’impact se fait déjà sentir sur la chaîne d’approvisionnement. Ainsi, en comparaison avec avril 2024, on note actuellement une baisse de 30 à 40 % du trafic depuis la Chine par l’océan Pacifique. Certes inattendue, mais maîtrisable, cette situation ravive le souvenir du traumatisme commercial lié à la pandémie de Covid. Dans le cas actuel, on peut tout au plus affirmer qu’il y a un choc logistique causé par une contrariété/distorsion brutale du cycle régulant l’offre et la demande.

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Challenge : Faut-il désormais s’attendre à une envolée durable des tarifs de fret, sous l’effet conjugué des tensions commerciales et des incertitudes économiques ?

N.CH : Actuellement, les tarifs sont stables. L’indice mondial des conteneurs de Drewry, en date du 24 avril 2025, affiche 2 157 $ par conteneur de 40 pieds. Côté incertitudes, il est évident que la plupart des conteneurs sont immobilisés aussi bien en Chine qu’aux États-Unis, car les opérateurs sont dans l’expectative. Il y a aussi l’allongement des délais d’acheminement, car certains armateurs cherchent à réduire la pression en récupérant les marchandises en d’autres points d’Asie du Sud-Est.

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Challenge : Le Maroc commence-t-il déjà à ressentir les effets de ces perturbations sur ses flux d’import-export ?

N.CH : En fait, il s’agit d’un effet domino. La difficulté ne concerne pas les flux d’import-export, mais plutôt les perturbations dans l’affectation des conteneurs. Cette situation est causée par certaines annulations des commandes américaines au marché chinois, ce qui oblige les armateurs à réajuster le positionnement des conteneurs et donc à redéployer leur flotte selon une nouvelle trame. En ce qui concerne le Maroc, l’impact est transitoire et tout rentrera dans l’ordre. Cela dit, la question se pose à un autre niveau et à une autre échelle : le Maroc est à nouveau identifié non pas seulement comme une alternative maritime, mais aussi comme un espace-solution à des contingences économiques planétaires.

Son parcours 
Ingénieur et mathématicien, Najib Cherfaoui a conduit à l’EHTP des recherches majeures qui ont hissé l’ingénierie portuaire marocaine au rang d’excellence internationale. Entre 2000 et 2010, il publie quatre ouvrages de référence sur les ports et les sciences maritimes, posant ainsi les fondements d’une pensée portuaire marocaine structurée. 
En 2015, avec des lauréats de l’EHTP, il réalise une œuvre monumentale : l’encyclopédie de la flotte marocaine (1886-2023), recensant chaque navire avec sa photo, son histoire, ses usages, et la fin de sa carrière, un travail salué à l’échelle mondiale. Parallèlement, ses recherches en mathématiques au sein du département ModNum de l’EHTP, notamment en analyse complexe et en dimension infinie, sont publiées par l’Académie des sciences de Paris. 
Enfin, il révolutionne l’enseignement de l’ingénierie portuaire à travers des cours centrés sur l’analyse des erreurs, devenus une référence pédagogique au-delà des frontières.

Son Actu  
Victimes collatérales de la guerre commerciale menée par Donald Trump, armateurs et entreprises import-export subissent de plein fouet les tensions. Leur activité, centrée sur les porte-conteneurs géants qui assurent plus de 80 % du commerce mondial, est directement fragilisée.