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Transport des petits colis. A quand une libéralisation du marché ?

L’article sur le monopole du transport des petits colis de moins d’un kilogramme par la poste au Maroc, établi par un décret de 1924, est devenu obsolète à la lumière de l’essor du e-commerce. La libéralisation de ce marché est nécessaire pour offrir un choix aux consommateurs et stimuler la concurrence, ce qui devrait entraîner une baisse des prix. Il est donc impératif d’adapter les réglementations pour refléter les évolutions du commerce en ligne et garantir un système de livraison efficace et respectueux de l’environnement. Explications.

Au Maroc, la seule entreprise autorisée à livrer des colis de moins d’un kilogramme est la Poste Maroc (Barid Al-Maghrib), en vertu d’une loi datant de 1924 qui est toujours en vigueur. Les entreprises privées ne sont pas autorisées à effectuer des livraisons de colis de moins de 1 kg, et toute infraction à cette loi peut entraîner la saisie des colis ainsi que des amendes qui peuvent atteindre les 60 000 dirhams et des inspections menées par les agents de la Poste marocaine pour traquer les contrevenants.

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Cette régulation qualifiée d’archaïque par certains acteurs soulève des interrogations sur sa pertinence actuelle, surtout face à un secteur en pleine croissance et qui pourrait stimuler l’emploi au Maroc.
C’est d’ailleurs le constat que vient de publier officiellement Mamoun Benamour, Expert en e-commerce et co-fondateur de Padel House et Vesper Sportswear. «Au Maroc, aucune entreprise privée de livraison n’a le droit de livrer des colis de moins d’un kilogramme. Et pour cause, c’est un marché qui appartient à 100% à l’entreprise publique Poste Maroc (Barid Al-Maghrib), d’après une ancienne loi de 1924 qui est toujours en vigueur !», peut-on lire sur un post qu’il a récemment publié sur les réseaux sociaux.

Un décret désuet

D’autres acteurs du secteur partagent aussi le même avis mais préfèrent garder l’anonymat pour éviter tout problème. Ces derniers expliquent que « l’idée même de maintenir un monopole datant de l’époque du protectorat français sur le transport des petits colis, spécifiquement ceux de moins d’un kilo, me semble un peu déconnectée de notre réalité actuelle. Imaginez un instant : cette loi a été conçue à une époque où nos arrière-grands-parents avaient des préoccupations totalement différentes, dans un monde où le e-commerce n’était même pas un concept. Aujourd’hui, alors que le digital transforme chaque aspect de notre vie et que le e-commerce explose, s’accrocher à cette vieille règle semble contre-productif, voire un peu surréaliste. D’autant plus que dans le e-commerce, la majorité des colis échangés pèsent justement moins d’un kilo, ce qui accentue l’impact de cette loi sur notre secteur ».

En effet, pour ces jeunes entrepreneurs, cette situation est particulièrement frustrante. Elle ressemble à une barrière invisible qui freine leurs ambitions et celles des investisseurs passionnés par le secteur de la logistique et du e-commerce. Ils se retrouvent donc dans une course avec un handicap avant même d’avoir commencé.

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Ils expliquent en effet que l’ouverture de ce marché aurait un impact positif sur l’économie marocaine dans son ensemble, en favorisant l’émergence de startups et l’emploi dans le secteur de la logistique et de la livraison, et en contribuant à la croissance du secteur du e-commerce. « Cela représente une opportunité de développement économique et d’innovation technologique pour le Maroc, alignée sur les tendances mondiales», soulignent-ils.

Un avis partagé par Mamoun Benamour qui explique pour sa part, que « le maintien de ce monopole, nuit inutilement à la concurrence de ce secteur… et favorise l’activité informelle ». Toujours selon ce dernier, «le marché de la livraison est en forte croissance et pourrait aider à créer beaucoup d’emploi».
Pour les experts, «maintenir le statu quo n’est plus viable dans le contexte actuel». «La situation nécessite une approche visionnaire de la part des décideurs pour réformer une législation qui, bien que centenaire, doit évoluer pour répondre aux défis et opportunités du XXIe siècle», précisent-ils.

Un acteur majeur de la place explique que «le monopole sur le transport des colis de moins d’un kilo place notre entreprise, ainsi que d’autres dans le domaine de la livraison e-commerce, devant un dilemme opérationnel significatif. La plupart des articles vendus en ligne tombent sous ce seuil, nous écartant ainsi automatiquement d’une grande partie du marché. La conséquence directe est que nous sommes contraints de refuser ces colis, poussant ainsi les e-commerçants à se tourner vers la poste, parfois à contrecœur, que ce soit en raison d’insatisfactions liées à la qualité de service ou de tarifs jugés prohibitifs pour leur modèle économique».

Des mesures pour contourner la loi

Cette situation oblige donc les commerçants à recourir à des mesures créatives mais inefficaces, selon les experts, telles que l’ajout du sel, du sable ou d’autres éléments peu coûteux pour augmenter artificiellement le poids de leurs colis. Le même constat est établi par Benamour affirmant que « certains concurrents contournent cette règle en ajoutant du sel ou des cailloux aux colis pour dépasser le kilo ». Pour ce dernier « Au-delà du non-sens de cette loi, il faut prendre en considération son impact écologique puisqu’on gaspille du sel, souvent apte à la Consommation humaine, mais aussi on alourdit les engins de transport qui consomment donc plus de carburant ».

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Pour en revenir au constat des experts, ces derniers expliquent que cette pratique, bien que créative, soulève plusieurs inconvénients majeurs. D’une part, elle engendre des coûts supplémentaires inutiles, impactant directement la rentabilité de l’entreprise. D’autre part, cela peut entraîner une expérience client dégradée, les consommateurs recevant des colis alourdis par des articles sans valeur ajoutée. Enfin, cela représente une absurdité logistique, ajoutant une complexité opérationnelle inutile, tant pour le traitement des colis que pour la gestion des stocks. De plus, cet ajout de poids non seulement augmente la consommation de carburant des véhicules de livraison, contribuant ainsi à une empreinte carbone plus élevée, mais entraîne également des déchets supplémentaires quand les consommateurs se débarrassent des matériaux de lestage, exacerbant l’impact environnemental de ces pratiques.

En résumé, « ce monopole ne limite pas seulement notre capacité à opérer librement dans le marché, mais il pousse également l’ensemble de l’écosystème e-commerce vers des solutions contournées qui affectent la qualité du service, la satisfaction client, et l’efficience économique. La nécessité d’une réforme se fait donc ressentir, tant pour libérer le potentiel de croissance des entreprises locales que pour garantir une meilleure expérience d’achat aux consommateurs marocains », expliquent ces derniers.

Une meilleure expérience pour le consommateur

L’ouverture donc du marché des petits colis à la concurrence est essentielle pour dynamiser le secteur du e-commerce au Maroc et offrir une meilleure expérience aux consommateurs. « L’actuel monopole, soutenu par une législation datant de plus d’un siècle, non seulement freine notre capacité d’innovation mais crée également une situation de concurrence «déloyale» qui nuit à l’ensemble du secteur», précisent ces derniers.

En brisant ce monopole, les experts estiment pouvoir apporter une contribution significative à la diversification et à l’amélioration des services de livraison disponibles. Cela se traduirait par des livraisons plus rapides, plus fiables, et à des coûts plus compétitifs, directement au bénéfice des consommateurs marocains. «Une concurrence ouverte et équitable stimulerait l’innovation dans notre secteur, nous permettant d’explorer de nouvelles méthodes de livraison adaptées aux exigences modernes du commerce en ligne».

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La dynamisation du secteur du e-commerce grâce à une meilleure logistique de livraison renforcerait considérablement l’attrait du marché marocain pour les investisseurs et les entrepreneurs. Cela encouragerait l’émergence de nouvelles entreprises, créant ainsi plus d’emplois et contribuant à une économie plus forte et plus résiliente.

Plus important encore, une meilleure expérience de livraison augmenterait la satisfaction des consommateurs, fidélisant la clientèle et encourageant une plus grande confiance dans les achats en ligne. « La possibilité de choisir parmi plusieurs prestataires de services logistiques garantirait que les besoins et préférences variés des consommateurs soient satisfaits, contribuant ainsi à une croissance saine et durable du e-commerce au Maroc », soulignent les experts.

Et de conclure, que « l’ouverture à la concurrence dans le transport des petits colis est non seulement une question de justice commerciale, mais aussi un levier clé pour dynamiser le secteur du e-commerce au Maroc. En tant qu’acteur de ce secteur, nous sommes convaincus que cette évolution favoriserait une meilleure expérience pour les consommateurs, tout en stimulant l’innovation et la croissance économique ».

 
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