Notariat

Amal Msanda: «Notre profession se prépare à franchir un nouveau cap»

À l’occasion du centenaire du notariat marocain, Amal Msanda, Présidente honoraire du Conseil régional des notaires de Casablanca, revient sur une célébration qui dépasse la simple commémoration. Entre bilan d’un siècle d’engagement au service de la sécurité juridique et réflexion sur l’avenir d’une profession en pleine mutation, elle décrypte les enjeux cruciaux d’une réforme ambitieuse, portée par les défis de la digitalisation, de la modernisation et de la formation. Explications.

Challenge : Le Notariat marocain a fêté son centenaire cette année. Quel regard portez-vous sur l’évolution de la profession au cours de ce siècle, et quels sont selon vous, les acquis majeurs ?

Amal Msanda : Le Notariat marocain a célébré les 13 et 14 mai 2025, son centenaire, avec éclat, réunissant plus de 700 notaires venus de tout le Royaume et d’ailleurs. Cet événement historique a été fait en collaboration avec le Ministère de la Justice et marqué par la présence des membres du  Gouvernement, le pouvoir Judiciaire, le Secrétaire Permanent de l’Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires,  l’Union internationale du Notariat, la Commission des Affaires africaines, les Présidents du Notariat Africain, le Notariat Français, Espagnol et Allemand,  ainsi que la participation active de nombreux intervenants, partenaires institutionnels, marquant un siècle d’évolution et de contribution à la sécurité juridique du pays. 

Ce grand rassemblement a été l’occasion de revenir sur un siècle d’engagement notarial au service de la sécurité juridique, du développement économique et de la modernisation du système foncier au Maroc, car depuis l’introduction de la loi de Ventôse et l’instauration officielle du notariat au Maroc par le dahir du 4 mai 1925, la profession n’a cessé d’évoluer, à la fois dans son encadrement juridique, son organisation institutionnelle et ses outils de travail. L’un des tournants majeurs reste la réforme de 2009, avec l’adoption de la loi 32-09, qui a professionnalisé davantage l’accès au métier, renforcé les obligations déontologiques, et modernisé les pratiques.

Aujourd’hui, les acquis sont nombreux : un cadre juridique solide, plus de 425.000 actes en 2024 générant un apport fiscal de plus de 10 milliards de dirhams à l’État, La transition numérique, avec des initiatives telles que la plateforme «Tawtik+», visant à réduire les délais de traitement et à améliorer la traçabilité des transactions.

En somme, le centenaire du notariat marocain est non seulement une célébration du passé, mais aussi une occasion de se projeter vers l’avenir, en consolidant les acquis et en relevant les défis émergents pour continuer à servir la société avec intégrité et efficacité.

C’était l’occasion aussi de rendre hommage à toutes les générations de Notaires qui ont contribué à bâtir, consolider et moderniser cette noble mission au service de la sécurité juridique et de la société.

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Challenge : Un nouveau projet de loi est en cours de finalisation pour réformer le cadre juridique du Notariat. Quels en sont les points clés et en quoi ces changements sont-ils devenus indispensables aujourd’hui ?

A.M. : Un siècle après la promulgation du dahir du 4 mai 1925, notre profession se prépare à franchir un nouveau cap grâce au projet de loi actuellement déposé au Secrétariat Général du Gouvernement. Ce texte répond à trois exigences majeures : la compétence, la confiance et la compétitivité.

Parmi les principales réformes :

*L’accès à la profession passera du niveau licence au niveau master (Bac + 5), assorti d’un concours pour accéder à l’Institut national de formation du notariat qui ouvrira dès 2026.

*La constitution de la société civile professionnelle entre notaires qui permettra à plusieurs notaires de s’associer pour exercer leur activité de manière collective, tout en mutualisant les moyens et les responsabilités.

* Elargir les prérogatives du Conseil national de l’Ordre et consacrer la parité dans ses instances, reflet d’une profession où 50 % des notaires sont déjà des femmes.

*Sécurisation des opérations et des fonds, par la traçabilité obligatoire des comptes séquestres.

Challenge : Le projet évoque la création d’un institut professionnel dédié au Notariat. Quel rôle cet institut devrait-il jouer dans la formation et l’évolution des notaires de demain ?

A.M. : La création d’un Institut professionnel du notariat, tel qu’il est envisagé dans le projet de réforme, constitue une avancée stratégique majeure pour la profession. Cet Institut aura pour mission de garantir une formation de haut niveau, adaptée aux enjeux contemporains

Cette formation s’étalera sur quatre années :

• Une formation théorique approfondie, dispensée au sein de l’Institut, 

• Et une formation pratique encadrée au sein d’une étude notariale, permettant aux futurs notaires de se confronter directement aux réalités du terrain.

Ce nouveau modèle de formation à la fois académique et pratique permettra de forger une nouvelle génération de notaires, plus préparée, plus engagée, et parfaitement en phase avec les défis du XXIe siècle. Il s’agit d’un investissement structurant pour la qualité et la crédibilité du Notariat marocain.

Challenge : L’intégration de l’intelligence artificielle dans la pratique notariale est également prévue. Comment envisagez-vous cette transformation technologique, et quels en seront les impacts concrets sur les missions du notaire ?

A.M. : L’intelligence artificielle ne remplacera jamais le discernement, la responsabilité ni l’indépendance du Notaire. Elle sera un outil au service de sa mission, et non une fin en soi. Il est donc essentiel que cette transition se fasse dans un cadre éthique, sécurisé, et accompagné par une formation continue adaptée. Le Notariat de demain sera à la fois plus humain et plus technologique et c’est cette alliance qui garantira sa pérennité.

L’intégration de l’intelligence artificielle dans la pratique notariale ne vise pas à remplacer le notaire, mais à l’assister dans son quotidien. Face à une charge de travail toujours plus lourde, marquée par la complexité des actes, les exigences de conformité et la pression des délais, l’intelligence artificielle représente un véritable levier de soulagement. Concrètement, elle permettra au notaire d’Automatiser certaines tâches répétitives et techniques, comme la relecture d’actes, la vérification de pièces, ou la gestion de documents, Accélérer le traitement des dossiers, Gagner un temps précieux, qu’il pourra consacrer à d’autres missions telles que le conseil, la relation avec le client, la sécurité juridique, et l’éthique.

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Challenge : Au-delà des aspects juridiques et techniques, quelles sont les revendications principales de la profession aujourd’hui, pour garantir son indépendance, sa modernisation et sa place centrale dans la sécurité juridique au Maroc ?

A.M. : Les revendications des Notaires aujourd’hui vont bien au-delà des simples réformes techniques : elles traduisent une aspiration profonde à la reconnaissance, à la protection et à la revalorisation d’une profession essentielle à l’équilibre juridique et économique du pays.

 Les revendications des Notaires sont simples et légitimes :

*Revaloriser le métier, en reconnaissant pleinement sa technicité, sa responsabilité et sa contribution à la paix sociale,

*Alléger son quotidien, en l’accompagnant face à une charge de travail devenue écrasante,

*Renforcer sa sécurité juridique et institutionnelle, en assurant une protection réelle par la loi et par son Conseil régional,

*Le conforter dans sa relation avec l’administration, en facilitant les échanges, en fluidifiant les procédures, et en affirmant son rôle d’interlocuteur officiel,

Et surtout, lui redonner la place qu’il mérite, en tant qu’acteur-clé du système économique.

Le notariat n’est pas un simple rouage administratif. C’est un corps professionnel stratégique, qui sécurise les transactions, protège les citoyens et participe directement à la stabilité et à la croissance du pays. Alors, donnons au Notaire ce qu’il mérite : la reconnaissance, les moyens et la confiance. Parce qu’un notariat fort, c’est un État fort. 

Challenge : Enfin, vous venez de déposer officiellement votre candidature à la présidence du Conseil national des notaires, dont les élections sont prévues le 13 Juin. Quelles sont les motivations qui vous poussent à briguer ce poste et quelles seraient vos priorités si vous étiez élue ?

A.M. : Forte de mon expérience en tant que membre, puis Présidente du Conseil régional des notaires de Casablanca, je me sens  prête aujourd’hui à défendre l’intérêt collectif des Notaires du Royaume, à renforcer notre voix auprès des pouvoirs publics et à faire évoluer nos pratiques dans un esprit de solidarité et d’efficacité, je me sens aujourd’hui investie d’un devoir de service au bénéfice de tous mes confrères et consœurs et mon objectif premier est de servir la profession et de représenter le notariat avec honneur .

Je mettrai à profit l’expérience acquise à Casablanca en continuant de défendre les intérêts de tous les notaires du royaume, en concertation étroite avec les conseils régionaux. Mon ambition est claire, c’est celle d’assurer la continuité d’une action déjà engagée localement, tout en apportant une vision unifiée pour faire progresser notre profession dans son ensemble.

Je suis aujourd’hui la seule femme candidate à cette élection, dans un Maroc qui fait de la parité et de la compétence des priorités affirmées. C’est une responsabilité que je porte avec fierté et détermination, afin d’élever le notariat marocain au plus haut rang, au niveau national et international. Le notaire est un acteur central de la sécurité juridique, un garant de la paix sociale, un partenaire de la stabilité économique. Il mérite d’être soutenu, valorisé, et représenté avec force et engagement.

Son parcours 
Amal Msanda est Notaire à Casablanca depuis 2005. Docteur en droit privé, elle a été nommée courant 2024 Présidente du Conseil Régional des Notaires de Casablanca. Elle est aussi membre au Conseil National de l’Ordre des Notaires du Maroc et vient de déposer officiellement sa candidature à la présidence du Conseil national des notaires, dont les élections sont prévues le 13 Juin.

Son Actu  
Le notariat marocain vient de fêter ses cent ans d’existence. 

 
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