Dossier

Le Maroc: futur eldorado gazier

Alors que la consommation annuelle de gaz naturel dépasse amplement le milliard de mètres cubes et qu’elle est appelée à tripler, le royaume s’apprête à cueillir les fruits d’une stratégie offensive axée notamment sur la découverte de gisements conséquents, dont certains ont déjà commencé à alimenter le secteur. Demain, à l’horizon 2030, compte tenu des gisements potentiels de gaz renouvelables dont nous disposons et du succès attendu du Gazoduc Atlantique, le royaume qui compte se positionner parmi les producteurs de l’énergie est bien décidé à relever ce défi. 

C’est peu dire, que d’affirmer que les États-Unis ont exprimé leur intérêt pour s’investir dans le projet de gazoduc Nigeria-Maroc (NMGP). En réalité, les stratèges du secteur économique de l’Oncle Sam qui n’ont pas l’habitude de s’intéresser aux projets hasardeux ont bien l’intention d’être partie prenante de cette méga conduite de gaz qui reliera le fin fond de l’Afrique au monde occidental à travers le Maroc. Pour l’instant, on ne sait pas grand-chose sur les détails de cette participation mais la déclaration de Wale Edun, ministre des Finances et de la coordination économique du Nigeria, à l’issue des entretiens bilatéraux tenus lors des réunions de printemps du Fonds monétaire international (FMI) et du Groupe de la Banque mondiale à Washington, est suffisante pour assurer le bien-fondé de cette initiative. «Les échanges ont souligné l’importance de maintenir un dialogue soutenu pour mieux faire connaître les réformes économiques en cours au Nigeria et accroître la confiance des investisseurs», a rapporté le Ministre. Il a ajouté que les discussions avaient mis en relief l’intérêt américain pour des investissements dans le secteur gazier, notamment dans le cadre du Nigeria-Morocco Gas Pipeline, compte tenu des vastes réserves de gaz dont dispose le Nigeria.

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Maintenant que le décor est planté, il faut rappeler que la volonté du royaume de se doter d’une souveraineté énergétique à toute épreuve ne date pas d’aujourd’hui : cela fait déjà quelques années que les décideurs de ce pays observent attentivement la peur mondiale d’un monde fini et son corollaire, des ressources naturelles de plus en plus rares. La course aux sources d’énergie menée par les américains, les chinois et les russes en dit long sur l’universalisme de besoins exacerbé par les guerres de l’Ukraine et de Gaza. Le week-end dernier, le Directeur exécutif de l’AIE, Fatih Birol, qui donnait le coup d’envoi du sommet international sur l’avenir de la sécurité énergétique, organisé sous l’égide de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) à Londres, a rappelé les «trois règles d’or » de la sécurité énergétique, que le Maroc a déjà parfaitement intégrées, à savoir la diversification, la prévisibilité et la coopération. 

Pour la diversification, le Royaume a opté pour une multiplication des sources d’approvisionnement et des chaînes logistiques, pour le deuxième volet, l’exécutif privilégie désormais la nécessité de politiques stables et prévisibles à long terme, tout en encourageant les investisseurs potentiels à miser sur le secteur, en ce qui concerne la coopération, face aux défis mondiaux , le Maroc ne ferme la porte à aucune option, faisant de lui, un partenaire fiable aussi bien pour l’Amérique de Trump, que la Chine ou encore Moscou, avec qui les interconnexion des systèmes énergétiques en font le parfait exemple d’une coopération réussie.

D’une manière générale, les tensions géopolitiques actuelles ont révélé la vulnérabilité des systèmes énergétiques les plus aguerris dans un marché tendu et a ainsi poussé le royaume à miser sur ses propres potentialités en matière de production de gaz. A l’heure où tous les projecteurs sont braqués sur l’ampleur de la crise énergétique qui se profile, le Royaume s’active pour séduire les investisseurs et les inciter à explorer les immenses potentialités qu’offre le royaume, aussi bien en matière de gisements gaziers qu’en matière de stratégie gazière, comme la décision de se positionner comme un acteur incontournable dans l’acheminement du gaz Nigérien vers l’Europe à travers le fameux Gazoduc qui a fait couler jusqu’à présent déjà beaucoup d’encre. L’annonce faite par Leila Benali le 23 avril 2025, à l’occasion de la Conférence de l’énergie à Ouarzazate sur l’appel à manifestation d’intérêt pour le développement d’infrastructures gazières à l’échelle nationale, lancé par le ministère de la Transition énergétique, n’a d’ailleurs pas surpris grand monde. Même si le projet insiste notamment sur la construction d’un terminal de gaz naturel liquéfié (GNL) à Nador West Med, relié à un réseau de gazoducs alimentant les zones industrielles de Kénitra à Mohammedia. Le premier terminal d’importation sera implanté à Nador, avec une entrée en service prévue entre 2026 et 2027. Un second point d’entrée est prévu sur la côte Atlantique, avec un prolongement stratégique vers Dakhla, région clé pour les industries émergentes.

Présentée comme un levier de souveraineté énergétique et de soutien à l’économie industrielle, le choix de miser sur le gaz naturel n’est pas en contradiction avec la volonté affichée de réduire les émissions de carbone, car le royaume travaille aussi dans le cadre d’une transition énergétique qui fait la part belle aux énergies renouvelables.

Contrairement à d’autres pays qui n’ont pas vu la crise arriver, le Maroc avait anticipé l’évolution du marché du gaz, et bien avant 2021, des contrats à long terme avaient été signés pour pouvoir inverser le flux gazier avec l’Espagne, garantissant ainsi l’accès au marché international du GNL dès 2022.Ces efforts n’ont fait d’ailleurs que s’accélérer depuis l’annonce de découvertes d’un gros potentiel de gaz dans le royaume, et ce, au moment où la consommation de gaz naturel au Maroc principalement utilisé pour la production d’électricité, le dessalement de l’eau de mer, la valorisation du phosphate, le refroidissement et la climatisation est appelée à tripler au cours des deux prochaines décennies. 

On parle beaucoup du site de Tendara, mais il faut savoir que d’autres opérateurs étrangers comme sdxenergygroup sont particulièrement actifs dans le secteur sur d’autres régions. Le britannique a notamment mené tout un programme de forage actif dans les concessions du bassin du Gharb, avec un taux de réussite de plus de 80 % à ce jour. 

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La concession de Sebou, située dans le bassin du Gharb, a été acquise par SDX Energy en mai 2016 et depuis, en tant que zone de production principale actuelle, elle contribue à plus de 7,0 millions de pieds cubes par jour (1 166 barils par jour) à la production de gaz locale. Ce qui fait que SDX détient également une participation de 75 % dans le gazoduc de la zone industrielle de Kénitra et dans le réseau local de distribution de gaz. Au deuxième trimestre 2017, SDX a reçu la confirmation du renouvellement du permis d’exploration de Sebou pour huit ans, après s’être engagée à forer trois puits d’exploration au cours des quatre premières années. Encadrer le secteur du gaz n’est donc en rien une lubie de l’exécutif censée protéger un marché qui échappe aux prévisions les plus optimistes, mais une nécessité afin de limiter une volabilité des prix de plus en plus problématiques. Dans la foulée, invitée de l’émission «The Pulse» de Bloomberg News, à l’occasion de la session ministérielle du Sommet sur l’Avenir de la Sécurité Énergétique co-organisé par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) et le gouvernement britannique, Leila Benali s’est longuement attardée sur la stratégie énergétique du Royaume déployant les étapes clés de l’approche pragmatique de l’exécutif marocain : «investir massivement dans les renouvelables tout en consolidant la flexibilité énergétique nationale». 

En clair, le Maroc doit rester ferme dans sa stratégie gazière du moment que le choix s’est porté sur une approche proportionnée, qui montre aussi que le royaume a les moyens d’imposer ses règles sur un marché dont les entreprises peuvent difficilement se passer. Grâce à la vision du Souverain, le Maroc a évité soigneusement de se lancer dans une course à l’échalote pour gagner le titre de meilleur stratège en matière énergétique mais par contre, le fait d’avoir misé sur la profondeur africaine du royaume est en train de porter ses fruits. La cohérence de la réponse africaine qui a rebaptisé le gazoduc Nigéria Maroc en «gazoduc Atlantique, reste la meilleure réponse». 

 
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