Sexisme à l’école : un rapport met en lumière des inégalités persistantes dans les lycées marocains

À l’occasion de son 40e anniversaire, l’Association Démocratique des Femmes du Maroc (ADFM) a présenté à Rabat les résultats d’une enquête consacrée aux stéréotypes sexistes dans les lycées marocains.
Intitulée « Recueil des préjugés et des stéréotypes sexistes véhiculés dans les lycées », cette étude s’inscrit dans le cadre de la dynamique « Pour une école de l’égalité » et du programme « Génération Genre », qui rassemble institutions publiques, société civile, acteurs éducatifs et jeunes lycéens.
Conduite dans treize établissements répartis entre les régions de Rabat-Salé-Kénitra et Casablanca-Settat, l’enquête repose sur une approche qualitative, avec pour objectif de mettre en lumière les mécanismes qui perpétuent les inégalités entre les sexes au sein du système éducatif. Elle a porté sur les élèves du cycle secondaire qualifiant, ainsi que sur les enseignants et le personnel administratif, afin de croiser les perceptions et mieux cerner la manière dont les normes de genre s’installent, se transmettent et se réinventent au sein de l’espace scolaire.
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Les conclusions du rapport mettent en évidence l’ancrage profond de certains préjugés dans l’environnement éducatif. Des représentations tenaces attribuent aux filles des faiblesses physiques ou émotionnelles, tandis que les garçons continuent d’être associés à la force, à l’autorité ou à la rationalité. Le corps féminin, en particulier, fait l’objet d’une surveillance implicite : il est souvent perçu comme un élément perturbateur, justifiant des remarques ou des comportements liés à la tenue vestimentaire. Au-delà de ces stéréotypes classiques, l’étude montre également l’émergence d’un discours plus subtil, qualifié de « sexisme bienveillant », où les principes d’égalité sont invoqués tout en perpétuant des hiérarchies implicites. Cette forme de discours, souvent présente chez les adultes, brouille les repères des élèves en véhiculant des messages ambivalents.
Malgré une organisation mixte, la vie quotidienne dans les lycées reste marquée par une forme de séparation tacite entre filles et garçons, qu’il s’agisse de la disposition des élèves en classe ou de la répartition des activités physiques. L’enquête révèle par ailleurs que les contextes ruraux et périurbains sont particulièrement touchés par une forte adhésion aux discours antiféministes et aux représentations traditionnelles, en raison d’un accès plus limité aux ressources éducatives et à l’information.
Les disciplines scolaires elles-mêmes influencent la perception de l’égalité. Si la majorité des enseignants interrogés affirment promouvoir les mêmes droits et opportunités pour les élèves, certains contenus véhiculent encore des visions différenciées des rôles de genre, notamment dans les cours d’éducation religieuse. Les manuels scolaires jouent également un rôle important dans la reproduction des stéréotypes : peu remis en question, ils présentent souvent des figures féminines passives, limitées à des rôles traditionnels. Enfin, le rapport souligne l’impact croissant des environnements numériques, où les représentations genrées sont renforcées par les algorithmes, les contenus populaires ou les influenceurs suivis par les jeunes.
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Face à ces constats, l’ADFM appelle à une transformation en profondeur du système éducatif marocain. Pour Amina Lotfi, membre du bureau exécutif de l’association, l’école devrait être un levier de justice sociale et un espace d’apprentissage de l’égalité, mais elle continue aujourd’hui à reproduire les inégalités. Elle plaide pour une stratégie éducative ambitieuse, portée par une volonté politique claire, dotée de moyens concrets et assortie d’objectifs mesurables, afin de faire de l’égalité non seulement un principe affirmé, mais une réalité vécue dans les établissements scolaires.
La publication de cette étude s’inscrit dans une série d’initiatives menées ces dernières années par la dynamique « Pour une école de l’égalité ». Parmi elles figurent notamment la remise d’un mémorandum au ministère de l’Éducation nationale, des campagnes de sensibilisation à l’échelle nationale, des rencontres avec les parlementaires, ainsi que plusieurs actions de terrain dans les lycées et les maisons de la culture. Ces démarches ont permis de mobiliser un nombre croissant de jeunes, souvent très réceptifs aux enjeux liés à l’égalité des sexes.