Dans un contexte mondial où la croissance ralentit et l’incertitude s’installe, Coface fait de Casablanca un nouveau point d’ancrage pour promouvoir un langage commun de la qualité financière. Benoit Ganzmann, Directeur Général de Coface Maghreb, Afrique Centrale et de l’Ouest, détaille les ambitions du Quality Leaders Summit et les défis qui s’imposent aux entreprises marocaines : renforcer leur trésorerie, fiabiliser l’information et élever leur gouvernance pour gagner en résilience et en attractivité.
Challenge : Dans un contexte économique mondial marqué par une montée des incertitudes et une hausse des défaillances d’entreprises, pourquoi Coface a-t-elle jugé essentiel de lancer le Quality Leaders Summit à Casablanca ?
Benoit Ganzmann : Nous avons voulu installer à Casablanca un rendez-vous qui fasse le lien entre une conjoncture plus heurtée et la nécessité, pour les entreprises, de consolider leurs fondamentaux. Les grandes institutions convergent sur un diagnostic de ralentissement graduel de la croissance et de commerce mondial plus capricieux, ce qui accroît les exigences en matière de gestion du risque et de qualité de l’information. Le FMI projette une croissance mondiale de 3,2 % en 2025 puis 3,1 % en 2026, avec des taux durablement plus élevés et un équilibre géo-économique plus fragmenté, autant de paramètres qui tendent les marges et renchérissent le capital. L’OCDE décrit la même inflexion pour 2026, sur fond d’incertitude commerciale et de politiques industrielles plus défensives.
Dans ce contexte, Casablanca s’impose comme un point d’appui logique. Le Maroc demeure un marché ouvert, dont le risque pays est suivi en continu par Coface et classé au niveau B, avec un environnement des affaires qui progresse, ce que met en perspective notre cartographie des risques.
Challenge : L’excellence financière est présentée comme un levier de crédibilité et d’attractivité. Concrètement, quels critères ou indicateurs Coface considère-t-elle comme déterminants pour évaluer cette “excellence” auprès des entreprises ?
B.G : Notre approche combine des états financiers audités, des comparaisons sectorielles et surtout l’expérience de paiement observée par Coface, actualisée quasi en temps réel. Cette lecture articule solvabilité, structure de liquidité, qualité de la trésorerie, discipline des délais de paiement, transparence de la donnée et engagements ESG. Elle s’inscrit dans une grille où la qualité de l’information est un standard de marché, au service des décideurs.
Pour nous, l’excellence se mesure autant dans la robustesse comptable que dans les comportements de paiement et la traçabilité, qui conditionnent l’accès durable au financement. Cette méthodologie s’articule avec nos évaluations pays et secteurs, qui mobilisent des données macroéconomiques, financières et politiques, enrichies par l’expérience de paiement terrain. C’est ce corpus qui sous-tend, au Maroc, la reconnaissance « Quality Label » décernée lors du sommet à une entreprise exemplaire.
Challenge : Le sommet a mis en avant la gouvernance, la réputation et la solidité financière. Selon vous, quels sont aujourd’hui les plus grands défis auxquels les dirigeants marocains doivent faire face pour améliorer leur gestion du risque ?
B.G : Trois défis se détachent. Le premier tient à la gestion de la liquidité dans un environnement de taux plus élevés et de commerce moins prévisible. Les entreprises doivent systématiser le pilotage de trésorerie et élargir l’usage des instruments disponibles: couvertures de change et de taux, solutions de supply-chain finance, optimisation des placements de trésorerie via la gestion collective. Ces outils, détaillés par les intervenants bancaires, s’inscrivent dans une architecture banco-centrée qui amortit les chocs, mais exige une montée en compétences côté entreprises pour en exploiter tout le potentiel.
Le deuxième défi relève de l’information : disposer de données financières fiables, actualisées et comparables, et maîtriser les délais de paiement. C’est un déterminant majeur de la crédibilité auprès des créanciers et investisseurs.
Le troisième est stratégique : naviguer dans une mondialisation qui se recompose, où la fragmentation commerciale et l’incertitude réglementaire pèsent sur l’investissement et le commerce, ce qui appelle une lecture fine des expositions géographiques et climatiques.
Les diagnostics des organisations internationales confirment ce cadre : ralentissement graduel de la demande mondiale et reprise commerciale hésitante, ce qui renforce l’exigence de résilience financière et de gouvernance exemplaire.
Challenge : Le programme du Quality Leaders Summit inclut des tables rondes, des témoignages et une remise de trophées. Qu’attendez-vous de cette première édition en termes d’impact pour l’écosystème économique marocain et pour les entreprises lauréates ?
B.G : Notre objectif est de transformer une matinée d’échanges en leviers tangibles. D’abord en diffusant des pratiques réplicables : professionnaliser la gestion de trésorerie, documenter la solvabilité, clarifier la gouvernance et la responsabilité, afin d’abaisser le coût du risque et d’accéder à des capitaux de plus long terme. Ensuite en valorisant des trajectoires de qualité, à l’image d’Ebertec, distinguée par le Quality Label pour la rigueur de ses fondamentaux. Cette reconnaissance envoie un signal au marché et installe des repères partagés.
Enfin, en fédérant durablement une communauté d’entreprises, de banques, d’industriels et d’experts autour d’un langage commun de la qualité financière, qui alimente la compétitivité collective. C’est le sens donné aux échanges et à la mise à l’honneur finale.
Challenge : Coface souhaite “prolonger la portée des débats” en produisant des contenus à haute valeur ajoutée. Comment envisagez-vous de capitaliser sur ce sommet dans la durée, et quelles seront les prochaines étapes pour ancrer cette culture de l’excellence durable au Maroc ?
B.G : Nous allons prolonger l’effort sur deux axes complémentaires. D’une part, la production de contenus qui synthétisent et objectivent les enseignements du sommet : analyses sectorielles nourries par notre expérience de paiement, éclairages sur les risques pays et guides méthodologiques autour de la qualité de l’information et des comportements de paiement. Cette ambition a été posée dès l’ouverture et s’inscrit dans la vocation du sommet.
D’autre part, l’animation d’une communauté de pratique, avec des prises de parole régulières adossées à nos publications de référence, notamment les cartographies et dossiers pays qui mettent en perspective les dynamiques marocaines et régionales. Notre ligne directrice restera simple : rendre l’excellence financière mesurable, comparable et actionnable, afin d’aider les dirigeants à convertir l’incertitude en avantage compétitif, dans la continuité de ce qui a été posé par les différents intervenants.