Interview

Dr Youness Ahallal: «Le robot n’est pas là pour remplacer le chirurgien, mais pour en augmenter les capacités»

Pionnier et référence incontestée de la chirurgie robotique au Maroc, le Dr Youness Ahallal incarne l’excellence d’une médecine en pleine mutation. Formé à la médecine au Maroc et à la chirurgie robotique à l’international, ce dernier est animé par une volonté ferme de faire bénéficier les patients marocains des dernières avancées technologiques, il opère aujourd’hui au sein d’Oncorad Group, structure à l’origine de l’introduction de la chirurgie robot-assistée dans le Royaume. À la croisée de l’innovation et de l’engagement médical, il revient dans cette interview sur les promesses, les défis et les perspectives d’une révolution chirurgicale désormais bien amorcée au Maroc. Détails.

Challenge : Avec le groupe Oncorad, vous êtes les premiers à avoir introduit la chirurgie robotique au Maroc. Pourquoi ce choix ? Et quels sont, selon vous, les principaux avantages de la chirurgie robotique par rapport à la chirurgie traditionnelle ?

Dr Youness Ahallal : Nous avons fait ce choix par conviction profonde : celle que les patients marocains doivent pouvoir bénéficier des mêmes avancées médicales que ceux traités en Europe. Depuis mes débuts, mon ambition a toujours été de garantir à nos patients, ici au Maroc, une qualité de soins équivalente à celle que j’ai connue à l’étranger. 

La chirurgie robotique représente aujourd’hui une rupture technologique dans la manière de soigner. Elle améliore la précision des gestes chirurgicaux grâce à une vision 3D immersive et à des instruments articulés qui reproduisent les mouvements de la main avec une finesse inégalée. Comparée à la chirurgie traditionnelle ou même la paroscopique, elle réduit les douleurs post-opératoires, diminue les pertes sanguines, accélère la récupération et améliore les résultats fonctionnels. Le robot n’est pas là pour remplacer le chirurgien, mais pour en augmenter les capacités.

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Challenge : Dans quelles spécialités médicales la robotique est-elle aujourd’hui la plus pertinente au Maroc ?

Y.A : Aujourd’hui, c’est l’urologie qui bénéficie le plus de cette technologie, en particulier pour la prostatectomie radicale, les chirurgies du rein et certaines interventions complexes de la vessie. Mais son utilité ne s’arrête pas là. La robotique est également pertinente en gynécologie (notamment pour les hystérectomies ou endométrioses profondes), en chirurgie digestive (cancers colorectaux, hernies complexes), thoracique, et même pédiatrique. Le potentiel est énorme, à condition que les professionnels soient formés et que les structures hospitalières soient adaptées.

Challenge : Quel bilan tirez-vous après un an d’utilisation de la chirurgie robotique au Maroc ?

Y.A : Le bilan est extrêmement positif. En un an, nous avons réalisé au sein du groupe Oncorad plus de 180 interventions robotiques, avec des taux de complications faibles, des résultats oncologiques satisfaisants et une récupération accélérée pour les patients. Nous avons également prouvé que cette technologie pouvait s’intégrer efficacement dans notre système de santé, et que les chirurgiens marocains sont parfaitement capables de l’utiliser aux standards internationaux. Ce succès a aussi permis de sensibiliser les professionnels de santé et d’initier une dynamique nationale autour de la robotique.

Challenge : Avez-vous constaté un impact concret sur les résultats post-opératoires : récupération, douleurs, durée d’hospitalisation ?

Y.A : Oui, et c’est l’un des bénéfices les plus tangibles de la chirurgie robotique. Les patients récupèrent plus vite, ressentent moins de douleurs, reprennent leur activité plus rapidement et présentent moins de complications. Dans certains cas, une prostatectomie robotique se fait en hospitalisation de 24 à 48 heures, là où il fallait 4 à 5 jours auparavant. On observe également une diminution du recours aux antalgiques, et une satisfaction accrue des patients sur le plan fonctionnel, notamment en ce qui concerne la continence et la fonction sexuelle. Ces résultats ne sont pas anecdotiques, ils sont documentés et reproductibles.

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Challenge : Comment se positionne le Maroc par rapport à d’autres pays d’Afrique ou d’Europe en matière de chirurgie robotique ?

Y.A : En Afrique francophone, le Maroc est aujourd’hui pionnier. Nous avons été les premiers à mettre en place une activité robotique régulière et structurée, avec des résultats publiables et une formation locale. Par rapport à l’Europe, nous avons évidemment encore du chemin à parcourir en termes de nombre d’installations et de diffusion nationale. Mais en un an, nous avons démontré notre capacité à adopter ces technologies rapidement et efficacement. Et nous avons l’ambition de devenir un pôle régional de formation et d’innovation robotique en Afrique du Nord.

Challenge : Quel est aujourd’hui le coût moyen d’une intervention robotique au Maroc ? Et est-ce que les assurances marocaines prennent-elles actuellement en charge ce type d’intervention ?

Y.A : Le coût moyen d’une intervention robotique au Maroc varie entre 60 000 et 90 000 dirhams, en fonction de l’intervention, du matériel utilisé et de la structure où elle est réalisée. Actuellement, la majorité des compagnies d’assurance marocaines ne prennent pas encore en charge ce type d’acte, ce qui limite son accessibilité. Quelques mutuelles commencent à s’y intéresser, mais la couverture reste marginale. Ce manque de remboursement constitue l’un des freins majeurs à la démocratisation de la chirurgie robotique au Maroc.

Challenge : Que recommanderiez-vous justement aux assureurs pour favoriser la prise en charge de la chirurgie robotique ?

Y.A : Je leur recommande d’adopter une vision long terme. La chirurgie robotique permet une réduction des complications post-opératoires, une diminution des durées d’hospitalisation, une reprise plus rapide de l’activité professionnelle, et donc, in fine, un coût global inférieur pour le système. Elle permet aussi de standardiser les soins et d’améliorer la sécurité chirurgicale. En intégrant la robotique dans leurs plans de remboursement, les assureurs contribueraient à moderniser la médecine au Maroc, tout en répondant à une demande croissante des patients.

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Challenge : Quels sont aujourd’hui, les principaux freins à un déploiement plus large de la chirurgie robotique au Maroc ? 

Y.A : Les freins sont réels, mais surmontables. Il y a d’abord le coût d’acquisition et de maintenance des robots, qui reste élevé. Ensuite, le besoin de formation : il faut former les chirurgiens, mais aussi les anesthésistes, les infirmiers de bloc, les techniciens. Il y a également un enjeu d’infrastructure : tous les blocs opératoires ne sont pas adaptés à recevoir un robot chirurgical. Et enfin, l’enjeu du financement : tant que les interventions ne sont pas prises en charge, elles resteront réservées à une minorité. C’est pour cela qu’une stratégie nationale est nécessaire.

Challenge : Que proposez-vous concrètement pour accélérer l’intégration de la chirurgie robotique dans les hôpitaux marocains ?

Y.A : Nous proposons une approche structurée autour de trois leviers :

1. La formation, en créant des programmes certifiants pour les chirurgiens marocains, en partenariat avec des centres experts.

2. La mutualisation, avec des plateformes robotiques partagées entre plusieurs spécialités ou établissements, notamment publics-privés.

3. Le développement de la téléchirurgie et du telementoring ouvre des perspectives concrètes : il permet à un expert, situé dans une autre ville ou même un autre pays, de superviser ou d’assister une intervention en temps réel. C’est un levier puissant pour accélérer la diffusion du savoir-faire chirurgical et réduire les inégalités d’accès aux soins spécialisés. Nous en avons d’ailleurs fait la démonstration en réalisant une téléchirurgie record entre Shanghai et Casablanca, suivie d’une autre intervention menée entre Tanger et Casablanca. Ces expériences marquent une étape importante : la téléchirurgie et le telementoring commencent à s’ancrer durablement dans notre pratique quotidienne. 

Challenge : Quelle est votre vision pour la chirurgie robotique au Maroc dans les cinq prochaines années ?

Y.A : Ma vision est claire : que la chirurgie robotique ne soit plus une exception réservée à quelques établissements privés, mais une réalité accessible dans plusieurs régions du Maroc. Je souhaite que nous formions notre propre génération de chirurgiens roboticiens, que nous devenions un centre de référence pour l’Afrique, et que nos patients puissent bénéficier des mêmes avancées qu’à Paris, Milan ou New York. La robotique n’est pas un gadget, c’est une nouvelle norme de qualité chirurgicale. Et elle doit être accessible à tous.

Son parcours 
Youness Ahallal est Chirurgien urologue et onco-urologue de renommée internationale. Expert en chirurgie robotique au sein d’Oncorad Group, Dr Ahallal apporte une expérience riche et diversifiée acquise au sein d’institutions de premier plan, telles que le Memorial Sloan Kettering Cancer Center de New York, l’Institut Mutualiste Montsouris de Paris, et le CHU de Nice, où il enseigne actuellement la chirurgie robotisée.
Spécialisé dans la prise en charge chirurgicale mini-invasive des pathologies génito-urinaires, avec un focus particulier sur les cancers urologiques, Dr Ahallal contribuera à renforcer les compétences du groupe en matière d’innovation et de technologies de pointe. L’arrivée de Dr Ahallal s’inscrit pleinement dans l’engagement d’Oncorad Group à développer et intégrer la chirurgie robotique dans ses pratiques médicales, dans le but de proposer à ses patients des soins plus précis, moins invasifs et toujours à la pointe des avancées scientifiques.
Auteur de nombreuses publications dans des revues scientifiques internationales, Dr Ahallal a également été formateur en chirurgie mini-invasive à l’École Européenne de Chirurgie de l’Université Paris 5 et à l’École de chirurgie du Fer à Moulin à Paris.

Son Actu  
Oncorad Group vient de fêter un an de chirurgie robotique au Maroc. Les spécialistes ont d’ailleurs présenté un premier bilan qui dépasse les objectifs fixés pour cette première année. 

 
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