Tourisme

« Il y a une nécessité de repenser le tourisme en dehors de l’hôtellerie »

En 2020, le tourisme au Maroc représentait 7% du PIB. Après les effets de la pandémie du Covid-19 sur le secteur, aujourd’hui le gouvernement envisage des réformes structurelles pour relancer le secteur. Pour l’économiste El Mehdi Fakir, il est temps d’avoir une approche globale dans le chantier de la réforme.

Cela a été la nouvelle de cette dernière semaine du mois de mars. Le gouvernement va investir 56,1 milliards de dirhams (MMDH) pour redynamiser le secteur du tourisme afin d’attirer plus de touristes et renforcer les réserves de changes d’ici 2026. Il faut d’ailleurs noter que cette nouvelle feuille de route destinée à relancer le secteur intervient dans un contexte où celui-ci sort d’une crise multidimensionnelle dont l’onde de choc a été d’une catastrophe économique énorme pour les opérateurs touristiques. Durant la crise du Covid, les arrivées touristiques au Maroc sont passées de 13 millions de touristes à 3,7 millions, soit moins d’arrivées qu’en 2000 (4.300.000). De stratégie en stratégie, acteurs ministériels et institutionnels ont tant bien que mal apporté des palliatifs aux grands malaises conjoncturels dont a souffert le secteur. On se rappelle même d’un tweet révélateur de la ministre du Tourisme, Fatim-Zahra Ammor, faisant son mea culpa en ces mots : « Il y a quelque chose dans notre produit touristique qui ne fonctionne pas ».

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Dans le nouveau modèle de développement, les conclusions de la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD) sont claires : « Repenser le secteur du tourisme au-delà des mesures de relance et à l’aune des tendances mondiales et de la nouvelle donne à la suite de la pandémie est essentiel. Ayant bénéficié de deux grands contrats-programme et d’un troisième obtenu au forceps, le 6 août 2020 (un contrat programme couvrant la période 2020-2022), cette nouvelle feuille de route à l’horizon 2026 se positionne aujourd’hui comme le point d’un nouveau départ vers la croissance réelle.  Il ambitionne d’attirer 17,5 millions de touristes, d’atteindre 120 milliards de recettes en devises, de créer 80.000 emplois directs et 120.000 indirects, en plus de repositionner le tourisme comme secteur clé dans l’économie nationale. Pour atteindre ces objectifs, cette feuille de route entend transformer le secteur du tourisme en agissant sur tous les leviers essentiels, à savoir une nouvelle logique de l’offre articulée autour de l’expérience client et structurée autour de 9 filières thématiques et 5 filières transverses, un plan offensif pour doubler la capacité aérienne et le renforcement de la promotion et du marketing, avec une importance particulière accordée au digital. 

En saluant cette réforme tant attendue, l’économiste El Mehdi Fakir, contacté par Challenge, a suggéré qu’il ne faut pas axer la réforme seulement sur l’offre touristique. Et de préciser qu' »il y a une véritable nécessité de penser le tourisme en dehors de l’hôtellerie et de mettre en place un plan basé sur une approche globale ». 

Le tourisme interne, un levier de relance ?

« Dans un contexte international entaché d’incertitudes et compte tenu des mesures prises par les principaux pays émetteurs, notamment européens, à travers des plans de relance orientés en faveur de la dynamisation de leurs marchés intérieurs, tout laisse présager que la redynamisation du secteur touristique national passerait, du moins dans une première étape, par l’impulsion de la demande interne pour juguler les effets occasionnés par la poursuite de l’atonie des flux touristiques étrangers ». C’est ce qui ressort d’une étude de la DEPF sur le potentiel du tourisme interne au Maroc.

Selon les experts de la DEPF, « les arrivées des marocains résidant au Maroc, dans les établissements hôteliers et touristiques classés (EHTC) se sont consolidés de +8,4% entre 2010 et 2019, contre +3,2% pour le tourisme récepteur 8, passant à 3,5 millions de touristes. Ceci a permis de porter la part de marché du tourisme interne à 39% du total des arrivées, en hausse de 10 points par rapport à 2010 ».

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Ils expliquent que le tourisme interne au Maroc a connu un essor quasiment généralisé sur le plan territorial durant la dernière décennie avec une attractivité et une spécialisation régionales différenciées. Cependant, selon eux, son potentiel demeure inexploité. « La crise du Covid-19 et son impact inédit sur les territoires touristiques nationaux a tout de même révélé le rôle d’amortisseur du tourisme interne pour le maintien du système productif touristique en périodes de crises et ce, malgré les incertitudes et les mesures sanitaires restrictives différenciées au niveau territorial. En effet, le rôle salvateur du tourisme interne, révélé autant par les données conventionnelles que non conventionnelles (lumières nocturnes et données web), a été tributaire des restrictions de déplacement et de la spécialisation différenciées des territoires touristiques. Ainsi, pour consolider le rôle du tourisme interne dans la relance du secteur, des mesures mobilisant les efforts tant publics que privés devraient être consolidées suivant au mieux un Framework 38 englobant l’ensemble de l’écosystème « , conclut les experts de la DEPF.    

 
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