Offshoring

Offshoring : les premiers coups de l’IA font mal !

Le secteur de l’offshoring est l’un des plus grands pourvoyeurs d’emploi au Maroc. Aujourd’hui, l’horizon annonce des turbulences énormes. Décryptage.

L’action qui a sonné le glas de la menace IA. C’était le 28 février dernier que la Bourse de Paris a enregistré un repli crucial de l’action du géant mondial des centres d’appels : « Teleperformance », en raison de nouvelles craintes sur la concurrence de l’intelligence artificielle. Valeur montante de la place parisienne pendant la pandémie, jusqu’à intégrer l’indice vedette CAC 40, l’action de Teleperformance a culminé à plus de 400 euros début janvier 2022, mais a depuis perdu près des trois quarts de sa valeur. Dans les détails, le géant français est confronté à la concurrence directe d’un nouvel acteur qui se base sur les services de l’IA pour adresser son offre.

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Là où la force de frappe de Teleperformance est de pouvoir mobiliser des milliers d’opérateurs dans diverses langues pour alimenter les services d’aide aux clients, Klarna, le nouveau concurrent, se targue de pouvoir le faire grâce à l’intelligence artificielle. Klarna a affirmé dans un communiqué récent que son assistant généré par l’IA « réalise un travail équivalent à 700 employés à temps plein », estimant que son activité allait représenter « une hausse de 40 millions de dollars de profit » durant 2024. Aujourd’hui, ce changement de paradigme fait peser le risque « pour les sous-traitants comme Teleperformance, de disparaître ».

L’offshoring au Maroc est-il menacé ?

En 2022, comme en 2021, le secteur des centres d’appels reste le premier recruteur du marché marocain avec un pourcentage de 46 % des postes ouverts, expliquait ReKrute dans l’une de ses enquêtes sur les secteurs pourvoyeurs d’emploi au Maroc. « Il faut dire que depuis le plan émergence de 2007, le secteur de l’offshore au Maroc est sur une piste dynamique de croissance. En effet, plusieurs actions à l’époque, notamment les actions d’incitation qui ont permis aux grands groupes internationaux de venir opérer au Maroc, surtout dans le domaine de l’IT, ont favorisé ce développement de l’activité. À ce jour, on parle de plus de 100 000 professionnels. Et les chiffres de l’enquête de Rekrute sont pertinents puisqu’ils traduisent cette vitalité de l’écosystème de l’offshore », nous confiait le CEO d’Intelcia, Karim Bernoussi, dans l’un de nos articles il y a quelques mois sur le dynamisme du secteur de l’offshoring au Maroc. Aujourd’hui, avec les sons de cloches qui viennent de l’Europe, on peut conclure que ce dynamisme risque d’être impacté pour les prochaines années.

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« L’IA est amenée à transformer ou faire évoluer plusieurs métiers. Les centres d’appels sont les premiers à devoir adopter cette nouvelle technologie. L’intelligence artificielle accroît pour ces métiers les services pouvant être rendus aux usagers de ces centres. Les centres d’appels qui n’ont pas anticipé l’usage de l’IA seront en difficulté, à l’instar des sociétés en informatique qui n’ont pas adopté le cloud », prévient Mohcine Benachir, CEO de Prestige Informatique.

De son côté, l’expert en transformation numérique Zouhir Lakdissi adopte une autre posture. « Je pense que les centres d’appels doivent voir l’IA comme un instrument qui peut augmenter la productivité ». Pour l’un des acteurs clés du secteur au Maroc, l’heure est à la sérénité. « Pour moi, il ne fait aucun doute que le marché a surréagi face au communiqué de la Fintech Klarna qui a souhaité elle-même faire un effet d’annonce en vue de booster sa valorisation en préparation de son IPO. En effet, Klarna utilise un callbot utilisant ChatGPT comme d’innombrables sociétés le font déjà depuis plusieurs mois. Il n’y a donc rien de nouveau ou de révolutionnaire dans l’utilisation de robots pour gérer une partie des interactions gérées par un service client. Notre expérience a montré que l’installation de robots permet de traiter jusqu’à 25 à 30 % au maximum des demandes dans les meilleurs des cas s’ils sont parfaitement paramétrés et quotidiennement enrichis par des humains. C’est la raison pour laquelle les marques préfèrent faire confiance aux outsourceurs qui sont les plus experts dans l’utilisation de ces robots qu’ils utilisent eux-mêmes depuis plusieurs années pour leurs conseillers clients, qu’on appelle désormais « agents augmentés ». Mais la vraie question n’est pas tant de savoir s’il est possible ou non d’automatiser, mais plutôt de demander à ses clients s’ils préfèrent dialoguer ou non avec un robot », éclaircit Youssef Chraibi, CEO de Outsourcia.

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Et de poursuivre : « Toutes les études démontrent qu’il n’y a pas l’ombre d’une hésitation : les clients préfèrent interagir avec des conseillers garants d’une écoute active et d’une personnalisation de la relation qui font toute la différence aujourd’hui. Pour finir, les marques ont compris que même s’il était possible d’automatiser certaines interactions, elles avaient tout intérêt à profiter de chaque interaction avec leurs clients pour mieux les connaître, les conseiller, les fidéliser, leur vendre des produits et services additionnels, les retenir en gérant leur éventuelle insatisfaction, autant d’actions créatrices de valeur qu’un robot ne peut gérer de façon aussi pertinente. Les centres de contact ne sont plus des centres de coût mais sont devenus d’extraordinaires leviers de création de valeur. Les marques les plus puissantes et les plus pérennes l’ont très bien compris en investissant massivement dans l’expérience client ».

 
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