Transport

Pourquoi il faut encadrer le service des VTC au Maroc

Étant dans le viseur des acteurs historiques, les VTC (Voiture de tourisme avec chauffeur) ont du mal à trouver leur place dans le paysage de la mobilité urbaine au Maroc. Face à une forte densité de population, les grandes métropoles marocaines sont séduites par les nouvelles offres de mobilité portées par les VTC, au grand dam des taxis, qui crient à la concurrence déloyale.

C’était dans l’un de nos articles parus dans Challenge où nous expliquions les raisons de l’échec de deux opérateurs VTC au Maroc. « Malheureusement, depuis notre lancement au Maroc il y a bientôt 3 ans, nous n’avons pas eu de clarté sur l’intégration des applications comme Uber au modèle de transport existant. C’est pour cela que nous prenons la décision difficile de suspendre notre activité au Maroc ». C’était sur ces notes que l’entreprise américaine avait mis fin à ses activités au Maroc. Peu après, ce fut le tour de la plateforme russe Yango de plier bagage. « Nous allons bouleverser le paysage au Maroc en offrant des normes de confort, de sécurité et d’accessibilité financière exceptionnelles pour répondre à la demande locale », promettait, en avril dernier, Adeniyi Adebayo, le directeur de Yango Africa, lors du lancement du service dans le royaume. Comme Uber, ce dernier avait lui aussi occulté le cadre légal, préférant avancer en sous-marin.

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Un contexte qui cependant n’est pas passé sous silence du côté de la Wilaya. Pour la Wilaya de la région Casablanca-Settat, l’« Uber russe » Yango, dont la mission est de mettre en relation des chauffeurs avec des passagers via son application, opère « sans autorisation préalable ». « Compte tenu de la nature de ses activités qui constituent une violation de la réglementation relative au transport routier et vu les dangers du transport clandestin, la Wilaya avait fait savoir au travers d’une communication en juillet 2023 à l’ensemble des citoyens que l’activité de cette société est illégale.

Entre mobilité et équilibre socio-économique…

Aujourd’hui, même si le cadre réglementaire n’est pas encore là, les VTC roulent en sous-marin, raflant au passage une bonne partie de la clientèle dans les villes. « Il est clair que le modèle économique des plateformes de mobilité marche. Cependant, quand cela a des impacts sur l’architecture socio-économique d’un pays, là c’est problématique », nous confie une de nos sources. Selon elle, ce sont des milliers de familles qui sont adossées à ces chauffeurs de taxi. « Il y a donc un enjeu de préservation d’un équilibre socio-économique ». De son côté, le CEO d’Allianz Trade « pense qu’il devient impérieux de trancher le sujet épineux du secteur des taxis dans notre pays. Ces derniers ont historiquement bénéficié d’un monopole de fait au titre du transport urbain et péri-urbain des voyageurs, mais le secteur a été révolutionné, à travers le monde, par diverses applications, proposant des avantages non négligeables, tels que la possibilité de réserver en ligne son trajet et de bénéficier d’une certaine qualité de service. Le sujet n’est certes absolument pas simple à traiter, mais je pense qu’il est temps d’y apporter une réponse ferme et pragmatique, entre la protection d’acteurs historiques et la nécessité de vivre avec son temps, a fortiori s’agissant d’un pays touristique comme le nôtre ».

Il faut rappeler qu’à la base, le modèle économique de l’entreprise de ces acteurs a été pensé pour les pays où les courses de taxi sont à des coûts faramineux. En arrivant sur des marchés où les prix sont du moins accessibles aux populations et qu’ils en proposent des plus bas, on se retrouve dans un cas de concurrence déloyale. À titre d’exemple, Yassir, un opérateur VTC marocain, se distingue en proposant des réductions aux usagers allant parfois jusqu’à 50% sur la première course. Avec In Drive, on peut retrouver des chauffeurs qui pratiquent des tarifs excessifs aux heures de pointe, en multipliant les prix par 2, voire plus.

Les chauffeurs de taxi désavantagés ?

Contrairement aux chauffeurs de VTC, les chauffeurs de taxi font face à des normes qui les placent dans une position de vulnérabilité dans cette concurrence. Selon nos investigations, on a pu apprendre que les taximen ont une tarification à respecter et ne peuvent pas dépasser les limites géographiques imposées, alors que les chauffeurs VTC sont libres de se déplacer en dehors du périmètre urbain ou d’effectuer des déplacements inter-villes. Dans les détails, le zonage aujourd’hui immobilise les chauffeurs de taxi et ne leur permet pas de concurrencer les VTC. Ils doivent travailler toute la journée pour payer le détenteur d’agrément et le carburant, alors que les conducteurs collaborant avec les applications de transport n’ont pas les mêmes charges.

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Un autre élément : la dimension sécurité. Le chauffeur de taxi paie une assurance d’environ 8 000 DH pour assurer ses clients, alors que les VTC ne peuvent pas proposer la même garantie. Aujourd’hui, même si les VTC proposent un service plus up, ou du moins essaient de capter une demande assez lourde pour les taxis, car on le voit aux heures de pointe, ils ne doivent pas pour autant profiter de cette demande qui se retrouve le plus souvent contrainte de prendre les VTC. Il y a donc une nécessité d’encadrer, au travers d’une réglementation, ce secteur pour éviter la surenchère.

 
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