Catastrophes naturelles

Risque de Tsunami au Maroc : entre psychose et fake news

« Au Maroc, l’aléa tsunami peut être considéré comme étant à faible probabilité, mais à forte gravité du fait de l’importance des enjeux présents, et surtout à venir, sur la bande littorale », expliquait un article publié par un collège d’experts en février 2012. L’expert en risques catastrophiques Issam Mouayn décrypte cette hypothèse…

Défrayant la chronique, les prévisions de l’expert suédois en catastrophes naturelles refont surface. Après sa sortie en 2023 sur l’alerte de tremblement de terre sur les côtes marocaines, Frank Hoogerbeets, dans un récent post sur X, a encore fait parler de lui. Comme à l’accoutumée, ses annonces de la peur ont été reprises par bon nombre d’internautes de la stratosphère TikTok et également avec le bouche-à-oreille. Précisons d’ailleurs que le fond de son propos, détourné par certains, concernait l’Égypte. Ces prédictions ont été formulées dans le contexte d’un séisme de magnitude 5,2 qui avait frappé l’île grecque de Crète le 21 juillet 2024, ce qui a été rapidement repris sur les réseaux sociaux, annonçant la probabilité d’un tsunami découlant de ce séisme.

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Même si ce tremblement de terre n’a causé aucun dégât humain et matériel, les prévisions du Suédois ont amplifié le commerce de la peur sur les réseaux sociaux. La peur, étant une cousine de la passion, est une fibre importante sur laquelle certains peuvent surfer à la recherche des likes. Des vidéos de montage de vagues en pilotage automatique, comme les posts de Frank Hoogerbeets, recherchent la viralité. Sur le site officiel de ce dernier, on peut se rendre compte qu’il est passé de 4000 followers à 1 million de followers en l’espace d’un mois (août 2021). Scientifique ou charlatan ? Challenge pour clarifier la situation, apaiser les craintes et apporter un peu de raison dans tout cela, a consulté Issam Mouayn, l’expert en risques catastrophiques.

On ne peut pas prévoir un Tsunami !

« En tant que géophysicien sismologue et expert en risques catastrophiques, je tiens à préciser que je ne confirme pas l’information qui circule selon laquelle un danger imminent de tsunami menace le Maroc. Mes compétences scientifiques m’amènent à souligner qu’il est pratiquement impossible de prédire un tsunami sans enregistrer une activité sismique intense au large des côtes. Actuellement, aucune donnée sismique ne supporte l’idée d’un tel événement à venir. Les prédictions de tsunamis se basent sur des tremblements de terre sous-marins importants dans un contexte tectonique particulier », nous confie l’expert en risques catastrophiques. Et de préciser : « Il est possible qu’un tsunami affecte les côtes marocaines, comme celui causé par le tremblement de terre de Lisbonne en 1755. Pour se prémunir contre ce risque, il est essentiel de disposer d’un système d’alerte performant et permanent. Ce système permettrait l’évacuation rapide des personnes en cas de menace imminente, minimisant ainsi les pertes humaines. Toutefois, il est important de signaler que la quasi-totalité des côtes marocaines dispose déjà d’un système d’alerte pour les tsunamis. Une vigilance continue et une préparation adéquate sont cruciales pour faire face à de tels événements naturels. »

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Au sujet du phénomène du retrait de l’eau, qui sert d’argument pour les agents de la peur, l’expert rassure : « Ce sont des allégations sans fondement. Ces soi-disant ‘experts’ s’appuient sur des observations isolées et mal interprétées pour répandre leurs mensonges. Il est vrai que le retrait soudain de la mer peut être un signe avant-coureur de tsunami, mais ce phénomène est généralement lié à des événements sismiques sous-marins spécifiques et est accompagné d’autres indices mesurables par des instruments scientifiques précis. Cependant, ces individus alarmistes négligent les complexités de ces événements naturels et exploitent la peur des populations. En l’absence de preuves tangibles et de données fiables, ils manipulent des informations pour créer une atmosphère de terreur. Les motivations de ces propagateurs de panique sont variées. Certains cherchent simplement à attirer l’attention ou à se donner une fausse légitimité en jouant sur les peurs primaires des gens.

D’autres pourraient avoir des motivations plus cyniques, telles que la recherche de gains financiers ou la perturbation sociale. Il est essentiel de rappeler que les informations concernant les risques de tsunami doivent être obtenues uniquement auprès des autorités compétentes, comme les centres d’alerte aux tsunamis, les services météorologiques nationaux et les organismes de protection civile. Ces institutions utilisent des technologies avancées et des réseaux de surveillance pour détecter les menaces réelles et émettre des avertissements précis et fiables. Les communautés côtières doivent être encouragées à participer à des exercices d’évacuation et à se familiariser avec les plans d’urgence locaux. Une population bien informée est mieux équipée pour réagir de manière appropriée et éviter la panique inutile. » « Le retrait de la mer est un phénomène naturel qui peut avoir plusieurs explications, mais il ne doit jamais être interprété à la légère ou sans expertise scientifique. Les tentatives de semer la panique avec des prédictions infondées de tsunami sont non seulement irresponsables mais aussi dangereuses. Il est impératif de faire confiance aux experts qualifiés et de promouvoir une culture de vigilance et de préparation basée sur des faits et des données fiables. »

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Pour conclure, l’expert explique que le Maroc dispose d’un plan d’évacuation et d’un équipement spécialisé pour détecter les irrégularités en termes de hauteur des vagues ainsi qu’un système d’alarme précoce sur une grande partie des côtes. « Dans ce genre de cas, il faut se diriger vers les hautes altitudes et surtout dans le sens contraire des vagues. »

 
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