Agents Immobiliers: Le projet de loi sur la bonne voie

Le secteur immobilier marocain attend depuis 2014 un projet de loi crucial pour encadrer l’activité des agents immobiliers. Après plusieurs années de retard, les professionnels verront peut-être enfin, la mise en place de ce projet visant à réguler et éliminer les abus, mais aussi instaurer des normes de compétence et d’éthique indispensables à la fiabilité des transactions.
Depuis 2014, un projet de loi sur le statut des agents immobiliers attend patiemment son tour dans le circuit législatif marocain. Ce texte, porteur d’enjeux considérables, vise à organiser l’activité des professionnels du secteur et à éradiquer les pratiques frauduleuses. Bien que sa promulgation ait pris un retard considérable, les dernières discussions avec le ministère de l’Aménagement du territoire, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la ville laissent entrevoir une issue favorable. En effet, la loi devrait bientôt entrer dans le processus législatif pour une adoption imminente.
Le projet de loi sur le statut d’agent immobilier a pris plusieurs années avant d’atteindre la phase actuelle en raison de nombreux obstacles, dont la dimension sociale de la profession. Comme l’explique Moncef Lahlou, Directeur Général de Capital Foncier, « ce métier n’exige aucune barrière d’entrée, surtout financièrement, ce qui permet à de nombreuses personnes de se déclarer agent immobilier, indépendamment de leur niveau de compétence. ». Cette absence de régulation crée une situation où des milliers de personnes exercent ce métier sans qualification, ce qui, selon Lahlou, représente un frein à la professionnalisation et à la transparence du secteur.
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Il faut également prendre en compte les enjeux sociaux que cette régulation entraînerait. La suppression de cette opportunité de travail pour ceux qui exercent sans qualifications serait perçue comme une menace à l’emploi pour une frange importante de la population, souvent des personnes ayant peu de compétences ou issues de secteurs d’activité en déclin. Cependant, Lahlou souligne qu’une régulation plus stricte, bien que difficile à mettre en place, est nécessaire pour améliorer la fiabilité des transactions immobilières.
La régulation pour garantir la transparence
La régulation du métier d’agent immobilier est cruciale pour assurer la transparence et la fiabilité des transactions immobilières. Selon Moncef Lahlou, « en mettant une barrière à l’entrée, vous élevez le niveau de la profession. ». Cela permet de créer une véritable exigence de qualité parmi les professionnels et d’encourager une formation continue en fiscalité, en droit immobilier et en éthique professionnelle.
Le risque de perdre sa carte professionnelle, synonyme de la perte de son gagne-pain, incite les agents immobiliers à améliorer leur niveau de compétence, notamment dans des domaines cruciaux comme la négociation, la rédaction des contrats et le conseil fiscal. En ce sens, la régulation permet non seulement de renforcer la rigueur des acteurs du secteur mais aussi de rendre les transactions plus transparentes et fiables.
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En effet, le secteur immobilier marocain exige aujourd’hui des agents immobiliers avec une maîtrise accrue des outils numériques. Pour répondre aux attentes du marché, « les professionnels doivent utiliser des logiciels spécialisés pour gérer les demandes et les offres, mais également maîtriser les outils de communication modernes, comme les CRM ou les réseaux sociaux », précise Moncef Lahlou.
En outre, le métier d’agent immobilier dépasse la simple transaction immobilière. Il englobe des missions de conseil en fiscalité, en gestion patrimoniale et en négociation contractuelle. Un agent immobilier aujourd’hui, doit être capable de conseiller ses clients sur des aspects complexes comme les implications fiscales d’un investissement ou les clauses d’un compromis de vente. Cette évolution nécessite une montée en compétence des acteurs du secteur, qui ne peut être obtenue sans une régulation claire et stricte.
En somme, le projet de loi sur le statut d’agent immobilier représente un tournant pour le secteur immobilier marocain. L’adoption de cette loi permettra de garantir la transparence, de professionnaliser l’activité des agents immobiliers et d’éliminer les pratiques frauduleuses qui entachent parfois les transactions immobilières.

3 questions à Moncef Lahlou// DG de Capital Foncier
« Toute transition a ses pots cassés ! »
Challenge : Le projet de loi prévoit d’établir des critères pour l’exercice de la profession d’agent immobilier. Quel impact pensez-vous que cela aura sur la qualité des services offerts par les agents immobiliers et la profession dans son ensemble ?
Moncef Lahlou : Les clients s’habituent rapidement à un niveau de qualité supérieure et deviennent eux-mêmes exigeants puisqu’ils peuvent demander à leur agent immobilier des conseils sur tout le processus de vente ou d’achat ou de location. Lorsqu’on s’habitue à un niveau de service, on ne peut plus revenir vers des analphabètes qui font de leur mieux certes, mais dont l’éthique est un concept inconnu. Si vous risquez de perdre votre carte professionnelle, vous allez faire vraiment attention à vous améliorer
Vous avez sûrement dû entendre parler d’histoire d’investisseurs étrangers qui s’adressent à des Samsars qui leur mentent sur le prix des Fonciers et sur les conditions, deux cas peuvent se présenter : soit ce client se fait tout simplement arnaquer et donc il le répétera à toutes les personnes qu’il rencontrera, une fois rentré chez lui. Quelle mauvaise image !
Soit on lui propose des choses dont le prix a été exagérément gonflé ou des conditions d’achat avec des sommes mirobolantes à verser au-dessous-de-la-table et donc il décide de ne pas investir au Maroc et ceci, juste parce que ce « Samsar » a voulu faire le casse du siècle.
Par ailleurs, la régulation de ce métier va pousser ces agents qui échappent à toute déclaration fiscale à déclarer un minimum et donc à créer une société, apprendre à la gérer ce qui permettra de rehausser le niveau de la profession.
Challenge : Le projet de loi distingue les agents immobiliers des intermédiaires dits « samsars ». Selon vous, quel sera leur sort une fois le métier régulé ?
M.L.: Les Samsars, notamment dans le monde agricole font un énorme travail, car le Maroc est un vaste pays. Ils vont apprendre à travailler et à respecter des règles, et si leurs revenus sont davantage sécurisés par une loi claire et défendable devant les tribunaux sur les honoraires, ils seront plus enclins et cela s’imposera à eux, de travailler dans davantage de clarté.
Challenge : Quelles mesures, selon vous, doivent être mises en place pour assurer que les agents immobiliers possèdent les compétences nécessaires, pour protéger les intérêts des clients et garantir la sécurité des transactions ?
M.L.: On pourrait imaginer des QCM sur le même modèle que le permis de conduire, poser des questions sur la fiscalité des ventes, les différents cas d’héritage et des clauses des actes de vente. Il existe aussi des écoles de l’immobilier, tel l’ICH. Il existe des assurances, afin que les agents ne rentrent pas dans des affaires trop grosses pour leurs compétences ou une caution à déposer dans une caisse afin de garantir les éventuelles arnaques aux clients.
Le plus dur est bien sûr, un agent analphabète et d’un certain âge et dont c’est le gagne-pain, il sera difficile de lui demander d’arrêter son métier. Toute transition a ses pots cassés !
L’immobilier est tellement important dans l’économie d’un pays qu’on est obligé de faire rentrer les métiers d’intermédiation dans le XXIe siècle, car tous les clients insatisfaits qui refusent d’investir en raison de mésaventures, nous coûtent des points de PIB !