Enseignement

Généralisation de l’anglais. « Il faut éviter les erreurs du passé ! »

Le débat sur la pertinence de la généralisation de l’anglais dans l’enseignement public soulève de nombreuses questions sous-jacentes qui, selon des experts, ne doivent pas être prises à la légère. Une approche flexible et adaptée aux réalités marocaines est un pré-requis pour optimiser les retombées escomptés de cette réforme ambitieuse.

Le gouvernement marocain a récemment proposé une réforme visant à généraliser l’enseignement de l’anglais dans le système éducatif public, dès la première année du collège. Cette mesure, qui s’inscrit dans le cadre d’une refonte globale de la « cartographie linguistique » de l’école marocaine, soulève de nombreuses questions sur son opportunité et sa mise en œuvre. Faut-il enseigner l’anglais dès l’école primaire, comme aux Pays-Bas, ou se concentrer sur le lycée ? Le Maroc peut-il se permettre de toucher à la “tectonique des plaques des langues de son système éducatif » sans évaluer l’ensemble des risques ? Comment garantir une progression et un niveau satisfaisants chez tous les élèves compte tenu des disparités entre milieux urbain et rural ? Par ailleurs, la maîtrise d’une langue ne passe-t-elle que par son apprentissage en tant que matière ? Ne faudrait-il pas également l’utiliser dans l’enseignement d’autres disciplines ? Autant de questions soulevées, lors de la Journée d’étude co-organisée par l’Association marocaine des enseignants de l’anglais (MATE) et la plateforme Yool Education, le samedi 15 juillet 2023, qu’il conviendra de traiter pour que cette réforme d’envergure tienne ses promesses.

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Dans sa prise de parole, Pr Ahmad Akhchichine, ancien ministre de l’Education nationale, met en garde contre une réforme hâtive de la politique linguistique au Maroc soulignant qu’il « considère absolument essentiel d’amorcer le chantier de la généralisation de l’apprentissage de l’anglais à travers l’ensemble du système éducatif marocain ». Il soulève plusieurs interrogations sur l’opportunité et la pertinence de la généralisation de cette langue dans l’enseignement public.

Équilibre des langues officielles au Maroc : les avis divergents des experts

De son côté, Aziz Kaichouh, secrétaire général du Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique, estime que le Maroc étant un carrefour commercial, la question de la langue est essentielle pour son destin. Il estime que l’intégration de l’anglais est une nécessité inéluctable, et que les Marocains doivent être conscients de cet enjeu. Il souligne également que l’apprentissage de l’anglais doit être dynamique, et que les méthodes d’enseignement doivent évoluer pour s’adapter aux nouvelles technologies.

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Cependant, le Pr. Abdelmounaim Belalia, directeur général de l’Université Mundiapolis à Casablanca, estime que chaque langue a sa place et que l’intégration de l’anglais ne doit pas se faire au détriment des autres langues officielles, notamment l’arabe et le français. Tout en nuançant son propos, Belalia souligne l’importance du français en tant que langue dans les entreprises et les organisations, sans pour autant faire l’éloge d’un système en particulier.

Ne pas laisser les jeunes en dehors du système

Pour Abdelaziz Alaoui, président de la Caisse mutualiste interprofessionnelle marocaine (CMIM), la réforme de l’enseignement de l’anglais est inéluctable, mais il est crucial d’éviter les erreurs du passé et de procéder avec prudence. Alaoui souligne que les jeunes marocains sont conscients de l’importance de l’apprentissage de l’anglais, et qu’ils sont capables de l’apprendre en dehors du système éducatif traditionnel, grâce à l’utilisation de plateformes en ligne et de films. Cependant, il est important que le système éducatif marocain ne laisse pas les jeunes en dehors du système, en offrant une éducation de qualité en anglais.

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La réforme de l’enseignement de l’anglais doit être mise en place de manière progressive afin de permettre aux enseignants et aux élèves de s’adapter aux nouvelles méthodes d’enseignement. Il est également important d’offrir des formations aux enseignants pour qu’ils puissent fournir une éducation de qualité en anglais. En outre, la réforme de l’enseignement de l’anglais peut avoir des implications dans le monde économique marocain. En effet, la maîtrise de l’anglais est de plus en plus importante dans le monde des affaires et peut être un atout pour les entreprises marocaines qui cherchent à s’implanter sur le marché international.

Pourquoi pas une approche modulaire ?

Pour le Pr. Akhchichine, le choix de l’anglais comme langue à généraliser dans tout le système éducatif marocain peut être questionné, car il existe de nombreuses autres langues qui pourraient être utiles. Cependant, reconnait-il, l’anglais est une langue internationale et largement utilisée dans le monde des affaires et de la technologie, ce qui en fait une langue pertinente pour les jeunes marocains qui cherchent à réussir dans ces domaines. En outre, la mise en œuvre de cette réforme nécessite l’utilisation d’outils numériques, ce qui peut présenter des défis en termes d’infrastructure et de formation des enseignants. Mais cela pourrait également offrir des opportunités pour moderniser le système éducatif marocain et le mettre en phase avec les tendances mondiales en matière d’apprentissage en ligne.

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Le choix de la langue dans le système éducatif marocain est un sujet complexe qui nécessite une prise de décision minutieuse tenant compte des répercussions économiques à long terme. Le Professeur Ahmed Akhchichine souligne que la langue anglaise, bien que couramment utilisée dans les échanges internationaux, ne devrait pas être la seule langue considérée pour répondre aux besoins d’ouverture sur le monde. Il suggère plutôt une approche modulaire permettant aux apprenants de choisir parmi différents modules de langue pour construire leur propre programme d’études en fonction de leurs besoins et de leurs intérêts.

 
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