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CFG Bank. La consécration laborieuse de la plus «branchée» des banques marocaines

Plus d’une décennie après avoir « arraché » l’agrément de Bank Al Maghrib pour exercer le métier de banque universelle (sésame d’autant plus rare et précieux que le précédent délivré à la banque espagnole Uniban pour exercer au Maroc en contrepartie de celui accordé par Banco de España à BMCE International dans le cadre d’un accord politique, remontait à trente ans auparavant), CFG Bank finit en beauté un parcours aussi exaltant que semé d’embûches.

En effet, le pionnier des banques d’affaires au Maroc créé en 1992 avec le soutien du magnat de la finance Othman Benjelloun a su tenir un pari ambitieux et risqué à la fois en tenant, in fine, la promesse qu’il a vendue aux investisseurs qu’il a arrimés à son aventure post-transformation en 2012 en banque commerciale, à savoir leur assurer une liquidité par introduction en bourse également synonyme d’un rendement allant d’honorable à alléchant (dépendamment du prix payé par chacun d’entre eux et, surtout, de la postérité du cours boursier post-IPO). Si le caractère ambitieux du pari trouve son origine dans la singularité du parcours car aucune banque d’affaires n’a pu se transformer en banque commerciale dans l’histoire du capitalisme marocain et qu’il ne suffisait pas d’avoir été brillant dans le M&A (opérations de fusions-acquisitions), l’ingénierie financière ou encore la gestion d’actifs ni même la banque privée pour devenir un bon banquier, au sens classique du terme et qu’il s’agit de deux ADN complètement différents. D’ailleurs, aucun premier dirigeant d’une banque marocaine n’a jamais eu pour seuls faits d’armes et pour seul parcours celui de banquier d’affaires, fut-il des plus éloquents.

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Quant au risque, il découle de la taille et du positionnement de la future 76ème valeur cotée de la place casablancaise. Car d’emblée, le choix d’être une banque « hybride » ayant à la fois un réseau d’agences mais également de type en ligne (i.e. traitant le maximum d’opérations bancaires sur le net avec très peu de contacts physiques avec sa clientèle), n’allait pas de soi et exposait le nouveau venu à des contraintes réglementaires (l’ouverture d’un compte bancaire n’étant pas encore possible), opérationnelles (les banques en ligne qui ont bien tourné sous d’autres cieux s’attaquent souvent à des niches de clientèle et/ou de produits) mais également des obstacles de marché car le client marocain n’est pas prêt à se convertir au modèle full digital…du moins en 2015, année de lancement effectif.

Par ailleurs, en voulant être à la fois une banque pour particuliers fortunés ou aisés du moins et le banquier des entreprises avec un service personnalisé et différencié, né du tropisme de la banque d’affaires d’origine, CFG Bank devait conjuguer avec un double défi. D’une part, celui de n’avoir une posture réellement audible qu’auprès de grands corporates (demandeurs de conseils financiers de qualité et non seulement de financement bancaire classique) sans en avoir réellement les moyens au vu de la maigreur de ses fonds propres et, par ricochet, les crédits maximums qu’elle pouvait leur accorder ! Mais également, d’autre part, celui de s’attaquer essentiellement sur le registre des particuliers à une catégorie CSP + (et au-delà) qui, certes, s’attendaient à un traitement plus personnalisé et VIP de leur banquier mais qui étaient la niche à ne pas lâcher par les grandes banques de la place qui commençaient à rivaliser en services et prestations pour les garder dans leur fonds de commerce et ne pas les laisser partir chez la nouvelle banque qui leur promettait un traitement digne de leur….portefeuille. C’est dire, toute l’ampleur des grands écarts dont le management mené par Adil Douiri a dû faire montre pour faire rentrer la dinde dans la marmite !

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Sans compter que le chemin s’est avéré, in fine, plus escarpé que prévu avec deux recapitalisations non prévues dans la feuille de route initiale, à savoir celle de 400 millions de DH mise en place en 2020 et menée par le RCAR (régime de retraite géré par CDG Prévoyance) et celle de 203 millions de DH un an plus tard (dont le tiers en actions pour rémunérer les minoritaires sortants de REIM Partners, société de gestion d’OPCI rachetée en cours de route) et qui ont eu pour objet le renforcement des fonds propres (nerf de la guerre d’une banque commerciale) et pour conséquence fâcheuse la dilution des autres actionnaires ayant financé les premières salves d’investissement significatifs au lendemain de 2015 à savoir AXA Assistance, CIMR, Amethis, Afric Invest et Zouhair Bennani (le patron du groupe Label’Vie).

Malgré toutes les vicissitudes du parcours, CFG Bank a pu tirer son épingle du jeu et, surtout, se frayer un chemin dans un secteur où la taille est souvent l’atout premier avec un premier résultat net part du groupe bénéficiaire de 28 millions de DH en 2021 (après plus de 400 millions de DH de pertes cumulées depuis l’obtention de l’agrément en 2012), lequel bénéfice est en passe d’être presque quintuplé en 2023 (160 millions de DH attendus en 2023). Quant à la valorisation correspondant au prix par action de l’IPO (110 MAD), soit près de 3,3 milliards de DH, elle demeure assez raisonnable pour une banque qui s’attend (sauf accident inattendu) à un bénéfice consolidé de 250 millions de DH en 2024 (pour sa première année pleine de cotation à la bourse de Casablanca) au vu de la taille de son bilan actuel et, surtout, le volume de son encours de crédit à la clientèle qui tutoie actuellement les 11 milliards de DH.  Une vraie prouesse au regard de la taille de CFG Bank avec un réseau qui totalise à peine 17 agences et un effectif limité à 400 salariés. En comparaison, une banque comme Crédit du Maroc (pour prendre celle qui va incessamment céder à CFG Bank la palme du petit poucet du compartiment bancaire de la bourse) dont le nombre de points de vente dépasse les 260 unités (soit un réseau 16 fois plus grand) et le total des collaborateurs avoisine les 2.500, revendique un encours de crédits et un bénéfice net respectivement d’à peine 4,5 fois et 2 fois plus important.

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Au demeurant, si CFG Bank aura donc réussi d’être à la fois une banque de niche aussi productive que rentable malgré des fonds propres limités (autour de 2 milliards de DH à fin 2024 post augmentation de capital de 600 millions de DH et première distribution de dividendes prévue dans quelques mois), des challenges et non des moindres pointent toujours à l’horizon du management, à commencer par celui de devoir élargir la palette de produits destinés à l’entreprise (financement efficient du commerce extérieur, lignes de fonctionnement, factoring…) pour se défaire de l’étiquette de «banque d’appoint» et s’ériger en banque principale de sa clientèle corporate et PME, mais également celui de continuer à croître sur le registre des particuliers sans prendre trop de risques en investissements car avec 17 agences seulement, le nombre de clients par chargé de clientèles atteint des limites difficilement conciliables avec la qualité de service qui a fait sa marque de fabrique jusqu’à présent…..notamment auprès d’une clientèle exigeante.

 
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