Zakaria Fahim: «Maintenir le leadership en IDE implique de ne pas se reposer sur ses lauriers»

Dans un contexte économique mondial en constante évolution, le Maroc se distingue comme un acteur clé en matière d’attractivité des investissements étrangers. Dans cette interview, Zakaria Fahim, partage ses perspectives sur les moteurs de l’attractivité du pays, les défis à venir, et l’impact des réformes récentes sur le climat des affaires. À travers son expertise, il nous dévoile comment le Maroc continue de se positionner comme un leader des investissements directs étrangers en Afrique tout en se projetant vers un avenir plus compétitif et durable.
Challenge : Le rapport 2025 de BDO sur le climat des affaires au Maroc met en lumière des résultats impressionnants, notamment en termes d’investissements directs étrangers. Quels sont, selon vous, les principaux moteurs de cette attractivité pour les investisseurs étrangers ?
Zakaria Fahim : Le Maroc ne s’est pas contenté d’attirer les projecteurs sur la carte des investissements étrangers. Il s’est construit, pas à pas, comme une véritable interface stratégique entre l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient. Ce positionnement géographique, renforcé par des infrastructures de calibre mondial – à l’instar de Tanger Med ou du TGV reliant Casablanca à Tanger – fait du Royaume un carrefour logistique et économique incontournable.
Mais cette attractivité ne se limite pas à l’infrastructure. Elle s’appuie sur un cadre juridique et fiscal repensé, avec des dispositifs tels que la nouvelle Charte de l’Investissement, Casablanca Finance City (CFC) ou encore les Zones d’Accélération Industrielle (ZAI). Ce sont là des instruments à forte valeur ajoutée, conçus pour catalyser les investissements dans des secteurs à haute intensité technologique : automobile, énergies renouvelables, chimie verte.
Ajoutons à cela une stabilité politique enviée et un capital humain en pleine montée en compétences – le Maroc n’attire pas seulement les capitaux, il inspire la confiance.
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Challenge : Vous mentionnez dans le rapport, que le Maroc est devenu un leader des IDE en Afrique. Quels défis ce succès implique-t-il pour le pays dans les années à venir ?
Z.F : Les nouveaux défis du leadership en IDE : compétition, compétences, diversification. Être leader, c’est séduire, mais c’est surtout tenir. Dans un environnement africain de plus en plus concurrentiel – Nigéria, Égypte, Sénégal – le Maroc doit désormais jouer sur la constance réformatrice et l’agilité institutionnelle.
Trois défis majeurs s’imposent : d’abord la pression concurrentielle dans le sens où le Maroc doit faire évoluer son climat des affaires en continu. Cela passe par la digitalisation de l’administration, la lutte contre la lourdeur bureaucratique et une gouvernance plus agile.
Ensuite l’adéquation compétences/secteurs d’avenir. En effet, les besoins en talents qualifiés dans l’automobile électrique, les énergies vertes, ou encore la tech sont croissants. Le système éducatif et les dispositifs de formation doivent anticiper, non suivre.
Et enfin, la diversification économique, puisque le Maroc ne peut dépendre uniquement de quelques locomotives industrielles. Il est temps d’accélérer sur la fintech, l’IA, l’IoT et les industries culturelles. La souveraineté économique passe par l’innovation endogène.
Challenge : Le rapport souligne l’importance de la nouvelle Charte de l’investissement, qui offre de nombreux avantages fiscaux et douaniers. Sont-ils suffisants pour maintenir un environnement compétitif ?
Z.F : Les investisseurs applaudissent la nouvelle Charte pour sa transparence, sa prévisibilité et ses incitations fiscales. Elle crée un climat propice au long terme, particulièrement dans les ZAI.
Mais pour transformer l’essai, il faut harmoniser la mise en œuvre sur l’ensemble du territoire. La simplification des procédures administratives, l’accès rapide aux ressources stratégiques (énergie verte, foncier industriel) et la réduction des délais restent des urgences opérationnelles.
Challenge : Le développement des infrastructures semble jouer un rôle clé dans l’attractivité du Maroc. En quoi des projets comme le port Tanger Med et le TGV contribuent-ils à la compétitivité du pays, et quelles sont les opportunités pour les entreprises qui souhaitent s’implanter en raison de ces développements ?
Z.F : Tanger Med est aujourd’hui plus qu’un port. C’est une plateforme mondiale, un point d’ancrage pour les chaînes de valeur industrielles internationales. Le TGV, en réduisant les distances entre les bassins économiques, crée un effet de proximité immédiate.
Ces infrastructures ne sont pas de simples investissements. Elles sont des leviers de transformation du territoire. En rapprochant les zones industrielles des marchés et des talents, elles font du Maroc une base arrière logistique de l’Europe et une tête de pont pour l’Afrique.
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Challenge : Parmi les secteurs en forte croissance, l’industrie automobile et les énergies renouvelables se distinguent particulièrement. Quel rôle jouent les IDE dans ce secteur, et comment le pays se positionne-t-il face à la concurrence internationale ?
Z.F : Les investissements dans l’automobile électrique (BYD, Gotion) et les énergies vertes (solaire, éolien) ont un double impact : création d’emplois qualifiés et transfert de technologies.
Le Maroc est passé d’un pays assembleur à un pays moteur. Cette stratégie repose sur une vision industrielle claire, des incitations fiscales ciblées et une volonté de montée en gamme. Le résultat ? Une montée en compétitivité à l’échelle continentale et une intégration renforcée aux chaînes de valeur mondiales.
Challenge : En regardant vers l’avenir, quels sont les défis que le Maroc devra relever pour maintenir sa position de leader en matière d’investissements étrangers ?
Z.F : Maintenir le leadership en IDE implique de ne pas se reposer sur ses lauriers. Il faut anticiper les transformations, investir dans l’innovation locale et inclure davantage de PME marocaines dans les chaînes de valeur créées par les IDE.
Cela suppose aussi une montée en puissance des services publics dans l’accompagnement des investisseurs, une gouvernance territoriale proactive, et un effort national pour rendre la transformation digitale inclusive.
Par ailleurs, il est essentiel que le Maroc continue à s’engager fermement en faveur du développement durable, en intégrant les principes ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) dans ses stratégies économiques, pour répondre aux attentes des investisseurs soucieux de ces enjeux.
Tout en capitalisant sur ses forces actuelles, le Maroc doit continuer à investir dans la diversification de son économie et l’innovation, pour maintenir et renforcer sa position de leader des investissements étrangers en Afrique.
Son parcours
Zakaria Fahim est Président de BDO Maroc, Expert-comptable et Commissaire aux comptes spécialisé dans les systèmes d’information. Fort de son expertise en conseil IT, audit financier, et transmission d’entreprises, il a notamment coécrit le contrat programme de la PME et mis en place le premier baromètre de la transmission des entreprises au Maroc. Ancien Président de la CGEM, de l’Association des jeunes dirigeants (CJD), et fondateur de Hub Africa, il est également membre du conseil d’administration de l’ENCG Casablanca. Avec une carrière qui a démarré chez BDO GENDROT à Paris et qui l’a ensuite conduit à Grant Thornton Maroc, il est un acteur clé du secteur financier et de la transformation des entreprises au Maroc et en Afrique.
Son Actu
BDO Maroc a récemment publié son rapport annuel sur le climat des affaires, intitulé « Investir au Maroc». Ce rapport met en lumière les tendances économiques actuelles, les impacts des réformes récentes et les perspectives pour l’avenir des entreprises marocaines permettant ainsi d’éclairer les investisseurs sur les opportunités qu’offre le Maroc. En intégrant des données clés sur la performance des secteurs économiques, la compétitivité et les enjeux de la transition énergétique, le rapport fournit aux décideurs et aux investisseurs des informations cruciales pour naviguer dans un environnement économique en constante évolution.