Politique

Camps de Tindouf : une situation de non droit

Mettre en lumière la situation juridique internationale des « Camps de Tindouf » où des milliers d’être humains vivent, ou plutôt survivent, dans un état critique. Tel est l’objet principal de la conférence débat, organisée le 10 mars, à Genève, par Geneva International observatory for Peace Democracy and Human Rights (IOPDHR-GENEVA).

Quel statut juridique international devrait-on attribuer aux « Camps de Tindouf » ? Est-ce effectivement un camp de réfugiés ? Ce sont les principales interpellations de départ exprimées par Aïcha Duihi, présidente de l’IOPDHR-GENEVA. Ces camps formés depuis presque cinq décennies, au lieu d’être sous la responsabilité directe de l’Etat hôte, c’est-à-dire l’Etat algérien, sont laissés à la merci du Front Polisario (FP), organisation militaire ou mouvement armé, qui est le seul maitre de la situation au sein desdits camps. Peu de gens dans le monde connaissent la réalité de ces camps, compte tenu de leur isolement géographique au Sud-Ouest de l’Algérie, en plein désert, et de l’absence de volonté aussi bien de l’Etat hôte que du FP de fournir des informations ou de permettre aux organismes internationaux d’y pénétrer et d’y mener des enquêtes neutres et indépendantes. Pourquoi ? Qui a peur de la vérité ? Ainsi, les camps n’ont jamais fait l’objet de recensement de la population, malgré les multiples demandes du Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR), de l’Union Européenne (en tant que source d’aide humanitaire), voire même du Conseil de Sécurité de l’ONU (la dernière résolution 2654 date de 2022). Toutes ces demandes ont été adressées à l’Etat hôte, et restées sans suite. Les rares interventions du HCR sont systématiquement obstruées par le FP qui impose sa présence au moment des contacts directs avec les habitants des camps. Ces derniers ne peuvent guère s’exprimer librement, compte tenu des risques de représailles émanant de la part du FP. C’est donc la loi du silence qui règne.

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Par ailleurs, et conformément à la Convention de Genève de 1951 qui prévoit notamment l’obligation de préserver le caractère civil dans les camps de réfugiés, partout dans le monde, les « camps de Tindouf » ont plutôt un caractère militaire et sont régis par des mécanismes de sécurité, imposés par le FP. C’est pratiquement un « Etat dans un Etat (hôte) ». Or la souveraineté d’un Etat ne se délègue pas. C’est donc une situation très difficile à qualifier juridiquement, sur le plan du droit international humanitaire. D’où les concepts de « situation de non droit », de « flou juridique », voire de « chaos juridique », comme ont essayé de la décrire aussi bien Karima Rhanem, présidente du Centre International de la Diplomatie, et Zouhair El Youbi, président de l’association Convergence des Cultures.

Juridiquement, l’Etat hôte est responsable, en vertu du droit international, des personnes se trouvant sur son territoire. Au niveau international, c’est le HCR qui est responsable quant au respect des conventions dûment ratifiées et intégrées dans la législation nationale par l’Etat hôte.

Censée être temporaire, cette situation est une anomalie au regard du droit international humanitaire. Des êtres humains souffrent de manière continue. Leur situation réelle n’est pas connue. Aucune protection n’est assurée par l’Etat hôte responsable qui ne l’est pas moins des actes commis sur son territoire par le FP, notamment en matière de violations des droits humains. Ainsi, les habitants des « camps de Tindouf » sont privés du droit de circuler librement. Cette situation est vécue comme une véritable séquestration selon de nombreux témoignages des personnes qui ont réussi à s’échapper de ces camps. Les enfants subissent un endoctrinement intensif et un embrigadement militaire forcé. Le FP, lui-même, est étroitement soumis à la junte militaire algérienne.

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Les femmes, dans les « camps de Tindouf », constituent le maillon faible face aux violations commises par le FP, en l’absence d’un système de protection mis en place par l’Etat hôte. Nombreuses sont les familles séparées de force. En fait, la crainte du FP est de voir les personnes voyager de l’autre côté, au Maroc, et découvrir la réalité des conditions de vie de leurs familles restées ou ayant rejoint leur mère patrie, et de décider de ne pas revenir aux camps. Détention arbitraire, absence totale de liberté d’expression, répression systématique, violences, voire viols, sont des réalités quotidiennes vécues par les réfugiés, en fait devenus séquestrés, sans aucune possibilité de se défendre, aussi bien par le droit de l’Etat hôte que par le droit international.

L’aide humanitaire reçue est totalement détournée au profit des cadres et des membres dociles du FP, ainsi que par des intermédiaires responsables algériens. Aucune traçabilité de ces aides. Une opacité totale où règnent trafic et clientélisme. Les rares enquêtes ayant pu être menées confirment la misère, voire la situation de détresse dans laquelle vivent les habitants des « camps de Tindouf », en termes d’habitats insalubres, de manque d’hygiène et d’eau potable, de non accès aux médicaments, voire de produits de première nécessité tels que les produits alimentaires de base (farine, huile, sucre…). Les circuits de distribution de l’aide humanitaire sont hermétiques, sous le contrôle du FP, sans aucune supervision internationale.   

 
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