Dossier

Maroc-Israël : ce qui a vraiment changé

Rabat et Tel Aviv ont rétabli leurs relations diplomatiques avec à la clé une batterie d’accords signés dans divers domaines. Deux ans après les Accords d’Abraham, Challenge en fait le bilan.

« La coopération entre le Maroc et Israël est ancrée dans le patrimoine, plus de 800.000 Israéliens sont d’origine marocaine, c’est la deuxième communauté du royaume au monde après celle des Français. Le Maroc, ancien empire africain et arabe et même plus ancien que les empires européens, ne rentre pas dans l’histoire, il y revient, l’histoire du judaïsme marocain datant de plus de 2000 ans. La connexion avec Israël semble la chose la plus naturelle, il y a un désir mutuel de construire la paix économique pour contribuer à la réparation des conflits et des maux du long combat politique», rappelle l’économiste marocain Abdelghani Youmni.

En effet, ces deux dernières années on a assisté à une véritable «remontada» dans la coopération bilatérale entre le Maroc et Israël. «Ce partenariat multi-sectoriel en fort renforcement est porteur de nouveautés et d’avantages pour les deux parties. En matière économique, ce partenariat porte sur des filières importantes et utiles comme l’eau, l’énergie, l’environnement, les startups, les NTIC, la R&D, en plus du tourisme, des industries civiles et militaires, de l’agriculture…», explique l’économiste Mohamed Azirar.

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Dans les détail, il faut rappeler que la coopération a commencé sérieusement autour de questions telles que la gestion de l’eau et les énergies renouvelables, alors que les entreprises privées israéliennes recherchent de nouvelles opportunités d’investissement au Maroc, lit-on dans un rapport du Middle East Institute –MEI- (Institut du Moyen-Orient) intitulé « Morocco and Israël : Economic Opportunities, Military Incentives, and Moral Hazards ». Cette coopération s’est approfondie en 2021 avec une prolifération d’accords, l’objectif étant de faire passer les échanges commerciaux de 131 millions de dollars en 2021 à 500 millions de dollars en cinq ans.

Un autre aspect notable de cette relation croissante est l’exportation de main-d’oeuvre : le Maroc a accepté d’envoyer des travailleurs en Israël pour occuper des emplois dans des domaines qui font face à des pénuries, à savoir les secteurs de la construction et des soins infirmiers. Dans le domaine de l’eau, à la lumière de l’expertise technologique qu’Israël a développée dans cette filière, le Maroc lors de la conférence « Connect to Innovate », tenue le 23 mai 2022, à l’initiative de l’ONG israélienne, a signé une série d’accords de coopération pour la construction d’usines de dessalement gérées par des entreprises israéliennes. 

Par ailleurs, poursuivant sa trajectoire, cette dynamique de coopération tous azimuts s’est étendue au domaine de la transition écologique. Le Maroc étant ces dernières années très à cheval sur ces questions de durabilité avec des programmes très ambitieux, s’est vu ouvrir un couloir de coopération avec Israël sur ces questions. Un accord de recherche a été signé entre les deux pays. Il s’agit d’un programme de recherche binational dans lequel 33 groupes de recherche israéliens et 20 groupes marocains de diverses institutions seront partenaires. Les recherches envisagées porteront sur le développement des batteries rechargeables, le recyclage, l’énergie solaire, l’économie de l’hydrogène et sur le principal défi du Maroc, le stockage et le transport de son énergie vers les pays voisins comme l’Espagne. Rappelons que le Maroc s’est fixé pour objectif de produire 52% de son électricité à partir d’énergies renouvelables d’ici 2030.

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Côté entreprises, l’heure est également aux affaires. Les patronats marocain et israélien ont impulsé des canaux de coopération entre les secteurs privés des deux pays. C’était en marge du premier Forum économique Israël-Maroc organisé en Israël par la CGEM et la Israeli Business and Employers Association (IEBO). Les deux parties se sont engagées à établir un canal de communication à travers un conseil d’entreprise bilatéral afin de promouvoir la coopération entre les deux organisations et développer les échanges d’informations et d’expériences sur les questions d’intérêt commun des membres respectifs pour la promotion du développement des entreprises des deux pays. 

Une économie de bonne entente 

Vers d’autres secteurs stratégiques. L’annonce a été faite par un communiqué de l’état-major des Forces armées royales (FAR), diffusé en janvier passé : Le Maroc et Israël, qui se sont rapprochés depuis la normalisation diplomatique opérée en décembre 2020, dans le cadre des Accords d’Abraham, « se sont accordés à renforcer davantage cette coopération et à l’élargir à d’autres domaines, notamment le renseignement, la défense aérienne et la guerre électronique », indique le document. Les deux parties ont également examiné différents volets de leur coopération, dont « la logistique, la formation et les entraînements ainsi que l’acquisition et la modernisation des équipements », détaille le communiqué. Il faut d’ailleurs rappeler qu’en novembre 2021, l’ex-ministre israélien de la Défense Benny Gantz avait signé à Rabat un protocole d’accord encadrant les relations sécuritaires avec le Maroc. Cette visite prémonitoire avait été suivie de celle de l’ex-patron de l’armée, Aviv Kochavi. « Bien que le Maroc ait déjà de solides partenariats militaires avec les États-Unis et l’UE, Israël offre un avantage supplémentaire à une armée désireuse d’améliorer ses capacités. L’accès du Maroc à la technologie israélienne, en particulier aux véhicules aériens sans pilote (UAV), lui permet de faire un bond en avant dans le renforcement de sa puissance militaire. L’utilisation de la technologie UAV n’est pas réglementée à l’échelle mondiale, les drones étant facilement disponibles auprès des bons partenaires (Israël, Turquie, etc.), et elle est relativement bon marché », indique le MEI (Institut du Moyen-Orient). « Depuis la normalisation, le Maroc a acheté un lot de drones Harop pour 22 millions de dollars en 2021 ». Pour l’économiste Mehdi El Fakir, à la lumière de l’expertise d’Israël dans l’industrie de l’armement, il y a une véritable opportunité de collaboration.

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Par ailleurs, dans le domaine de la cybercriminalité, le gouvernement du Maroc et celui d’Israël ont décidé de s’allier. Signé entre Yigal Unna, le directeur général de la cyberdirection israélienne et son homologue marocain le Général El Mostafa Rabii, cet accord porte sur une coopération opérationnelle, la recherche et le développement et le partage d’informations et de connaissances. Rappelons qu’en janvier dernier, le Maroc représenté par le Général de brigade El Mostafa Rabii, patron de la Direction générale de la sécurité des systèmes d’information (DGSSI, relevant des FAR), a pris part en Israël, à la mise en place d’une coalition internationale dédiée à la cyber-défense.

 
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