L'édito

Edito. L’enfance est innocence

Qu’y a-t-il de plus grave et de plus injuste qu’un enfant, né pauvre, soit condamné, dès sa naissance, à vivre pauvre et à mourir pauvre ? C’est la pire des injustices résultant d’une violence froide et systémique.

« La pauvreté est une plaie. La richesse est une insulte », avait déclaré Molière, au 18ème siècle, à la veille de grands bouleversements sociopolitiques en Europe. C’est une époque où la richesse, rarement méritée en tant que résultat de l’effort individuel et/ou collectif, était plutôt liée à la naissance, à un titre de noblesse, au « sang bleu » des aristocrates. L’enfant nait, sans avoir choisi ses parents, ni son lieu de naissance, sa nationalité, son milieu social, son sexe, sa couleur, sa religion (…). C’est un être humain avant d’être quoi que ce soit.

Dans la Convention relative aux droits de l’enfant, il est possible de lire dans l’article 27 : « Les Etats parties reconnaissent le droit de tout enfant à un niveau de vie suffisant pour permettre son développement physique, mental, spirituel, moral et social ». Bien sûr, « c’est aux parents ou autres personnes ayant la charge de l’enfant qu’incombe au premier chef la responsabilité (…) ». Néanmoins, lorsque les parents manquent de ressources ou sont défaillants, l’Etat, symbole de l’intérêt général et du vivre ensemble, intervient, et dans cette intervention, l’objectif est de créer les meilleures conditions possibles, favorables à une égalité des chances.

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L’article 28 de ladite Convention ajoute que « Les Etats parties reconnaissent le droit de l’enfant à l’éducation et, en particulier, en vue d’assurer l’exercice de ce droit progressivement et sur la base de l’égalité des chances ». Les Etats « rendent l’enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous (…) ». L’éducation de l’enfant doit viser à « favoriser l’épanouissement de la personnalité de l’enfant et le développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques (…) ».

Dans la réforme en cours du système d’éducation nationale, le « préscolaire » a été officiellement intégré et consacré comme priorité. C’est là une prise de conscience nationale de l’existence d’une étape préalable, déterminante dans l’éveil et le développement des facultés créatives de l’enfant pour le préparer à une meilleure assimilation des connaissances et des valeurs qu’il va découvrir dans l’école primaire. Le « préscolaire » peut être considéré comme la « première ligne de départ dans la course sociale ».

Les enfants ont-ils tous, dès ce départ, la possibilité de faire leurs premiers pas dans les mêmes conditions matérielles et morales, qu’ils soient d’origine pauvre, modeste ou riche ? Ce n’est guère le cas aujourd’hui. Naitre dans un bidonville ou dans une zone géographiquement enclavée est vécu comme une damnation. C’est souvent le cas des fillettes affectées dès le bas âge à des travaux domestiques tels que puiser l’eau, pour devenir ensuite des « petites boniches », avec une « enfance volée ». Lutter contre la pauvreté dans ses causes structurelles passe nécessairement par la transformation de cette réalité sociale. « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits » (Déclaration universelle des droits de l’homme).

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C’est là un principe fondamental universellement partagé, appelé à être concrétisé. Le mettre en œuvre, c’est rompre avec la logique mercantile prévalant aujourd’hui, cette logique qui a gangrené les systèmes d’éducation (au sens large) et de santé, et qui constitue le mécanisme principal de la reproduction du statu quo économico-social. Doter le préscolaire d’infrastructures de qualité et surtout de ressources humaines qualifiées est un pas décisif vers la consécration effective de l’égalité des chances. Réhabiliter l’école publique, comme espace de mixité sociale, c’est encore beaucoup mieux. Dans cette nouvelle réalité sociale à construire, l’individu pourra ainsi assumer ses choix librement et en toute responsabilité, loin de tout déterminisme social. Encore faut-il que la mission de l’Etat soit celle de protéger les faibles et non de servir les intérêts des forts.

 
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