Exportations. Les incitations fiscales sont passées à la trappe

Les incitations ou dérogations fiscales prévues pour encourager les exportations, directement ou indirectement, ont coûté en termes de dépenses fiscales (DF) 249 MDH, en 2024, contre 2 859 MDH, en 2022. Cette évolution est la conséquence des réformes fiscales entamées en 2023, en matière d’IS, et qui visent une simplification et un alignement graduel vers une « taux d’imposition normal » de 20%, en 2026.
Le rapport sur les DF de l’année 2024, laisse apparaitre, au niveau de la ventilation des DF par type de bénéficiaire (entreprises exportatrices), un montant de 196 MDH, en 2024, contre 380 MDH, en 2023, soit une baisse de 48,42%. Avant la suppression de l’«imposition permanente aux taux réduits » (Voir CGI, version 2022, article 6-I-D) en 2023, le montant des DF (en 2022), inhérentes aux mesures dérogatoires, représentaient, 2 690 MDH. Cette exonération concernait notamment les entreprises minières exportatrices, ainsi que les entreprises exportatrices de produits ou de services, au titre de leur chiffre d’affaires (CA) à l’export. Par type de bénéficiaires, les DF afférentes aux entreprises exportatrices ont atteint 2 690 MDH, en 2022, contre 380 MDH, en 2023, et 196, en 2024. Par objectif (encourager les exportations), le montant des DF a été de 2 859 MDH, en 2022, contre 411 MDH, en 2023, et 249 MDH, en 2024, représentant respectivement 7,5%, 1,1% et 0,8%, par rapport au montant annuel total des DF (Voir tableau ci-contre). Cette tendance à la baisse découle de l’abrogation, en 2023, des dérogations fiscales prévues auparavant, en matière d’IS et d’IR (revenus professionnels aux régimes du résultat net réel et du résultat net simplifié) en faveur des entreprises exportatrices, suite à la pression exercée en particulier par le premier partenaire du Royaume qu’est l’Union Européenne, laquelle perçoit les dérogations fiscales en question comme étant des « pratiques fiscales dommageables ». Ainsi, les pratiques trumpiennes observées actuellement ne datent guère d’aujourd’hui. Au cours des années 2023 et 2024, le nombre de mesures dérogatoires supprimées a été respectivement de 28 et de 27, dont celles relatives à l’export. L’abrogation desdites dérogations fiscales n’étant pas rétroactive, le montant des DF spécifiques à ces dérogations devra tendre vers zéro au cours des prochaines années.
Lire aussi | Balance commerciale: Le tissu exportateur peut-il redresser la barre ?
En matière de TVA, les exportations de biens et de services, par les assujettis, sont exonérées avec droit à déduction (EADD). Cela veut dire que non seulement le CA réalisé à l’export est exonéré, mais, en plus, l’entreprise exportatrice assujettie à la TVA, a le droit de récupérer la TVA qui a grevé lesdites exportations, par le biais du remboursement. L’article 92-I-1° du Code général des impôts (CGI) encadre bien cette EADD et en précise les conditions (Voir encadré ci-contre). La même dérogation fiscale est prévue au profit des marchandises, travaux à façon ou objets placés sous les régimes suspensifs en douane, à condition qu’ils ne fassent pas l’objet d’une consommation locale. En fait, pour les exportations, il ne s’agit par vraiment d’une « exonération », dans la mesure où les biens ou services exportés seront taxés au niveau du pays importateur, en matière de TVA, sauf exonération explicitement prévue par ce dernier, en tant qu’importateur, au niveau de ses « importations ». D’ailleurs les EADD des exportations et des régimes suspensifs en douane ne font pas l’objet d’une évaluation en termes de DF. Pour les agriculteurs qui sont hors champ d’application en matière de TVA, au titre de leurs activités agricoles et des opérations agricoles qui en constituent le prolongement, s’ils sont en même temps exportateurs de leur production agricole, ils doivent au préalable s’identifier fiscalement en tant qu’exportateur, pour pouvoir bénéficier du remboursement de la TVA, à l’instar des autres exportateurs dans les autres secteurs économiques.
Lire aussi | Déficit commercial. Comment retrouver notre compétitivité ?
En matière de TVA, seule l’exonération des biens et marchandises acquis à l’intérieur par des personnes physiques non résidentes au moment de quitter le territoire marocain et ce pour tout achat égal ou inférieur à 2 000 DH, fait l’objet d’une évaluation en matière de DF. En effet, les DF inhérentes à cette mesure dérogatoire ont été évaluées, en 2024, à un montant de 31 MDH.
Code général des impôts. Article 92.- Exonérations avec droit à déduction (TVA)
I.- Sont exonérés de la TVA avec bénéfice du droit à déduction (…) :
1°- les produits livrés et les prestations de services rendues à l’exportation par les assujettis.
L’exonération s’applique à la dernière vente effectuée et à la dernière prestation de service rendue sur le territoire du Maroc et ayant pour effet direct et immédiat de réaliser l’exportation elle-même. Par prestations de services à l’exportation, il faut entendre :
– les prestations de services destinées à être exploitées ou utilisées en dehors du territoire marocain ;
– les prestations de services portant sur des marchandises exportées, effectuées pour le compte d’entreprises établies à l’étranger.
Le bénéfice de cette exonération est subordonné à la condition qu’il soit justifié de l’exportation :
– des produits par la production des titres de transport, bordereaux, feuilles de gros, récépissés de douane ou autres documents qui accompagnent les produits exportés ;
– des services par la production de la facture établie au nom du client à l’étranger et des pièces justificatives de règlement en devises dûment visées par l’organisme compétent ou tout autre document en tenant lieu.
A défaut de comptabilité, l’exportateur de produits doit tenir un registre de ses exportations par ordre de date, avec indication du nombre, des marques et des numéros de colis, de l’espèce, de la valeur et de la destination des produits. En cas d’exportation de produits par l’intermédiaire de commissionnaire, le vendeur doit délivrer à celui-ci une facture contenant le détail et le prix des objets ou marchandises livrés, ainsi que l’indication, soit des nom et adresse de la personne pour le compte de laquelle la livraison a été faite au commissionnaire, soit de la contremarque ou de tout autre signe analogue servant au commissionnaire à désigner cette personne. De son côté, le commissionnaire doit tenir un registre identique à celui prévu à l’alinéa précédent et il doit remettre à son commettant une attestation valable pendant l’année de sa délivrance et par laquelle il s’engage à verser la taxe et les pénalités exigibles, dans le cas où la marchandise ne serait pas exportée.
2°- les marchandises ou objets placés sous les régimes suspensifs en douane.
Toutefois, en cas de mise à la consommation, par les bénéficiaires de ces régimes, les ventes et livraisons des produits fabriqués ou transformés ainsi que des déchets, sont passibles de la taxe. L’exonération couvre également les travaux à façon. (…).
TVA : différence entre exonération sans droit à déduction (ESDD) et exonération avec droit à déduction (EADD)
L’ESDD est une exonération limitée au chiffre d’affaires (CA), c’est-à-dire aux ventes réalisées sans TVA collectée. La TVA payée au niveau des charges/dépenses, n’est pas déductible/récupérable. Par contre l’EADD est une exonération sans collecte de TVA sur les ventes/CA, avec, en plus, le droit de récupérer/déduire la TVA qui a grevé les dépenses/charges. Si l’imputation de la TVA récupérable sur la TVA collectée n’est pas suffisante ou n’est pas possible, l’entreprise, bénéficiaire de l’EADD, peut récupérer la TVA par le biais du remboursement. C’est notamment le cas des entreprises exportatrices, mais dans la limite du CA réalisé à l’export et dans les conditions prévues par les procédures de remboursement de la TVA par le Code général des impôts et les textes réglementaires d’application en vigueur. L’une des principales conditions est la régularité comptable et fiscale de l’entreprise.