Investissement

Investissement territorial : Le regard du wali de Bank Al-Maghrib

Face aux disparités spatiales accumulées depuis plusieurs décennies, il est nécessaire et urgent de revoir le mode de répartition des investissements publics et de favoriser l’investissement privé dans les régions défavorisées. Cet objectif a été retenu par la nouvelle charte des investissements. Reste la déclinaison effective qui semble tarder. 

Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib (BAM), de par sa position, a un penchant macro-économique dans son approche. Dans son intervention du 8 février sur le thème «L’investissement et le rôle de l’Etat territorial», il commence par une contextualisation globale de l’économie mondiale à laquelle l’économie nationale est fortement intégrée. Pour lui, le global détermine le local. Ainsi, si un rebond a été observé en 2021, l’année en cours (2023) «devrait être une des plus difficiles pour l’économie mondiale depuis le début du deuxième millénaire». En effet, 2022 a été une année d’exacerbation de l’inflation «par le renchérissement des produits énergétiques et alimentaires induit par le conflit en Ukraine et les sanctions imposées à la Russie ».

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L’accélération et la durabilité de la tendance inflationniste ont amené les banques centrales à entamer un mouvement de resserrements monétaires synchronisés. D’où le durcissement des conditions de financement, combiné à une fuite de capitaux de certains pays émergents, avec une montée des risques de crise financière et économique. Cette évolution rapide a été caractérisée par le passage du paradigme «des taux très bas pour très longtemps », à une inflation avec des taux d’intérêt élevés. En fait, les changements qui s’annoncent devraient être plus profonds.

Pour le wali de la banque centrale nationale, c’est la mondialisation qui ne fait plus recette. Nous assistons actuellement à une résurgence du «souverainisme économique», tendance révélée en fait bien avant avec les «guerres commerciales», accélérée par la pandémie. Et si aujourd’hui quelques prémices de retournement réapparaissent, les risques demeurent élevés, compte tenu de la persistance du conflit en Ukraine, voire de son aggravation. Les taux d’intérêt élevés devraient durer plus longtemps, avec un amenuisement des marges budgétaires des gouvernements et la forte aggravation de l’endettement aussi bien public que privé.

Voici donc le tableau, dressé par Abdellatif Jouahri, réaliste sans être sombre, régi avant tout par le «principe de prudence». C’est dans ce contexte que l’économie nationale est appelée à évoluer. A cela, s’ajoute la question du stress hydrique qui impacte aussi bien l’agriculture que les secteurs non agricoles. Si la croissance a été faible, en 2022 (1,1%), elle devrait tourner autour de 3,3%, au cours des deux prochaines années. De quoi être sceptique quant à l’amélioration espérée du niveau de vie de la population dans son ensemble, malgré la volonté officielle et les efforts de réforme menés. S’interroger sur «ce décalage» s’avère donc une réflexion incontournable.

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Au cours des deux dernières décennies, le taux annuel moyen d’investissement a été de 30% du PIB. Or, malgré cet effort, la croissance s’est établie à une moyenne annuelle de 3,8%, avec un taux de 4,7% pour la décennie 2000-2010 et 2,8% pour la décennie 2011-2021. En termes de création d’emploi, la moyenne annuelle a été de 89 mille postes, soit 24 mille emplois par point de croissance. Là aussi, la moyenne annuelle est passée de 30 mille pour la 1ère décennie, à 13 mille au cours de la 2ème décennie. Alors que la population en âge de travailler a augmenté de 380 mille par an. 3 hommes sur 10 et 8 femmes sur 10, soit 55% de la population active reste en dehors du marché du travail. Pour A. Jouahri, c’est un «gâchis» du capital humain, principal moteur du développement. Et de rappeler le nombre de ménages ayant bénéficié de l’opération Tadamoun» lors de la pandémie, soit 5,5 millions de ménages, l’équivalent d’une moyenne de 25 millions de personnes.

 
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