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Maroc-Canada. Le niveau des échanges en deçà des attentes

60 ans de relations diplomatiques entre le Maroc et le Canada. Portée par une volonté commune de collaboration tournée vers l’avenir, la coopération bilatérale s’est fortement consolidée. Mais, beaucoup reste encore à développer entre les deux pays. Étant donné la langue commune et les liens non-économiques déjà très forts entre les deux pays, beaucoup de potentialités pourraient être concrétisées.  

Le Maroc et le Canada entretiennent des relations diplomatiques depuis 1962. Leur adhésion commune à la Francophonie et la présence au Canada d’une communauté marocaine forte de quelque 100.000 personnes (la plus grande communauté d’Afrique du Nord au Canada) a rapproché les deux pays, de même que le millier d’étudiants marocains qui se rendent, chaque année, pour étudier au Canada et les quelque 3.000 Canadiens qui vivent actuellement au Maroc. Les relations commerciales entre les deux pays se sont intensifiées et diversifiées au cours des dix dernières années. 

En 2021, les échanges bilatéraux de marchandises ont dépassé les 7 milliards de DH (voir tableau), selon l’Office des changes. Le Royaume a exporté cette année-là près de 2 milliards de DH vers le Canada, soit une hausse de 0,8 % (+ 15 millions de DH) par rapport à 2020. Parallèlement, le Maroc a importé de ce marché plus de 5 milliards de DH en 2021, soit une hausse de 2,7 % (+133 millions de DH) comparé à une année auparavant.

Les exportations du Canada se composaient principalement de céréales (du blé dur essentiellement), de crustacés, de chlorure de potassium et d’huiles. Quant aux importations, elles se composaient surtout de fruits et de noix (principalement des agrumes), de phosphates, de l’argent, de vêtements tissés, ainsi que de machines électriques. Pour le Canada, le Maroc est un marché en pleine croissance et un Accord de libre-échange (ALE) permettrait aux entreprises canadiennes de jouer sur un pied d’égalité avec leurs concurrents, étant donné les accords commerciaux que le Maroc a conclus avec les États-Unis et l’Union européenne. 

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Les échanges commerciaux entre les deux pays sont encore largement concentrés sur certains produits : le blé dur du Canada et les agrumes en provenance du Maroc. Les deux pays tireraient un avantage à consolider leurs relations commerciales et à diversifier les possibilités d’exportation, y compris dans le secteur agricole. Selon Exportation et développement Canada, les possibilités d’investissement et d’échanges commerciaux avec le Canada sont élevées dans tous les secteurs, mais plus particulièrement dans ceux du bâtiment, des applications environnementales, de l’industrie légère, des technologies de l’information et des communications, de l’équipement agricole, de l’aérospatiale et des chemins de fer. Aucun accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers n’est actuellement en vigueur entre le Canada et le Maroc. Pour les Canadiens, un ALE avec le Maroc, comprenant un chapitre sur l’investissement, faciliterait l’ouverture du marché marocain à l’investissement canadien. Il faut dire que le pays d’Amérique du Nord s’est engagé depuis janvier 2011 avec le Maroc, dans l’ouverture de discussions commerciales devant déboucher, à terme, sur un traité de libre-échange entre les deux pays. Mais les négociations ont pris du temps, même si des discussions exploratoires ont lieu depuis janvier dernier.

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Si l’ouverture de l’économie canadienne sur l’extérieur est assez forte, avec un taux d’ouverture représentant 60% de son PIB, force est de constater la forte polarisation des échanges commerciaux de ce pays sur les Etats-Unis, qui absorbent environ 80% des exportations canadiennes et fournissent plus de 50% des importations de ce pays. Toutefois, une diversification progressive des relations économiques extérieures du Canada est aujourd’hui à l’œuvre, notamment avec l’Union Européenne (accord de libre-échange dans une phase avancée de négociation) et les pays asiatiques dont notamment la Chine, en ligne avec le déplacement graduel du centre de gravité de l’économie mondiale vers l’Asie.

Othmane El Amrani, attaché aux Affaires Économiques au Bureau du Québec à Rabat : « Beaucoup de travail reste à faire afin de rapprocher davantage les acteurs économiques de part et d’autre »

Challenge : Quel état des lieux faites-vous des relations commerciales entre le Maroc et le Canada ? Quid des perspectives ?

Othmane El Amrani : Le Canada et le Maroc fêtent cette année leur 60ème anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques. A titre de représentation du gouvernement du Québec, nous nous réjouissons de l’excellence des relations entre les deux pays. 

En ce qui a trait aux relations commerciales, le Québec joue un rôle important étant donné les multiples points communs et connexions entre le Royaume du Maroc et le Québec. D’ailleurs, la présence du Bureau du Québec à Rabat depuis 2018 en est l’illustration parfaite. En effet, nous connaissons tous la forte communauté marocaine à Montréal, au Québec, estimée à +/- 100 000 personnes, qui est une vraie courroie de transmission entre les deux peuples, les deux cultures.
Au cours des dernières années, nous avons constaté un réel engouement des entreprises québécoises à développer des liens économiques forts avec leurs vis-à-vis marocains et aller même jusqu’à ouvrir des filiales pleinement opérationnelles qui participent à leur juste mesure, à la transformation majeure du tissu économique du Royaume.

Beaucoup de travail reste à faire, afin de rapprocher davantage les acteurs économiques de part et d’autre, faciliter les démarches et augmenter le nombre d’initiatives, telles que les missions commerciales et de prospection. À ce titre, le Bureau du Québec a réalisé une mission commerciale et scientifique d’envergure au Maroc dans le secteur des TI au printemps 2022. Les perspectives de croissance des relations commerciales bilatérales sont très bonnes et devraient continuer à s’améliorer au cours des prochaines années.

Challenge : De plus en plus de groupes miniers canadiens investissent au Maroc. Comment expliquez-vous cet engouement ?

O.E.A : Traditionnellement, le secteur minier était le principal secteur d’intérêt des entreprises québécoises et canadiennes envers le Maghreb, dans son ensemble, et le Maroc en particulier. Cependant, nous constatons un changement de cap important et nous accompagnons aujourd’hui des entreprises québécoises du secteur des TI, de la santé et de l’environnement, considérés comme secteurs d’excellence du Québec et prioritaires au Maroc. Nous nous en réjouissons et sommes convaincus que la force de la diplomatie économique québécoise repose sur la diversification des acteurs économiques et des secteurs d’activité couverts.

 
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