Agriculture

La tomate Marocaine victime des paysans Français ?

Période cruciale pour les exportateurs marocains de produits agricoles. Alors que la colère des agriculteurs européens ne retombe pas, les paysans français et espagnols qui poursuivent leur mouvement crient haro sur les importations de fruits et légumes de l’extérieur de l’Union Européenne.

Les images donnent froid au dos : des paysans en colère qui bloquent des camions chargés de fruits ou  légumes, qui déchargent la marchandise avant de l’écraser sous des coups de pieds rageurs. Le commentateur télé, choqué, ne sait pas trop d’où proviennent les oranges piétinées, de l’Espagne ou de beaucoup plus au sud, du Maroc ? En tout cas, pour les agriculteurs remontés, tout légume, tout fruit, tout produit agricole venant de l’extérieur de la France reste l’ennemi à abattre. Ce malaise agricole qui balaie l’Europe a démarré aux  Pays-Bas, en Roumanie, en Pologne, avant de s’étendre à la France et à l’Allemagne qui vient d’être secouée elle aussi par la révolte des tracteurs. Le feu dans les champs allemands a commencé par un ras-le-bol à l’égard du gouvernement avant de se propager, à Bruxelles, accusée justement d’inonder les hypermarchés européens de produits agricoles venus de l’extérieur du vieux continent. Quels risques pour les exportateurs du Maroc qui font le gros de leur chiffre d’affaires dans le marché européen ? Surtout avec des agriculteurs locaux désormais aux aguets, décidés à en découdre avec les importations de produits agricoles venant d’Afrique.

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Pourquoi poser cette question? Parce que tout simplement, le Maroc, malgré les coups de boutoir d’une sécheresse endémique et d’une conjoncture internationale fragile, reste toujours le 1er exportateur mondial d’huile d’argan, de câpres et de haricots verts, le 1er producteur de poissons en Afrique et aussi le 1er producteur et exportateur mondial de sardines, le 3ème exportateur de conserves d’olives, nonobstant les sombres prévisions de l’année en cours, comme il trône aussi au 3ème rang en tant qu’exportateur de la région MENA et au 4ème rang pour ce qui est de l’exportation de produits agroalimentaires de tout le continent africain. Pour prendre juste l’exemple de ce petit légume rouge, objet de toutes les crispations, depuis 2022, le royaume est le troisième exportateur mondial de tomates au moment où les exportations marocaines de ce légume ont augmenté de 7 % pour atteindre 670 000 tonnes en 2022. D’une manière générale, les exportations de fruits et légumes ont atteint un volume de 1 607 000 tonnes au cours de la saison 2021-2022, ce qui équivaut à une augmentation de 13 % par rapport à la saison précédente

Si l’Union européenne est le premier partenaire du Maroc avec ses 43 milliards d’euros d’échanges de marchandises en 2021, et dans le lot, les exportations agricoles marocaines vers les pays de l’UE ont atteint 1,25 milliard d’euros, il faut aussi savoir que depuis l’entrée en vigueur de l’accord d’association entre l’Union européenne et le Maroc, les importations de fruits et légumes dans l’Union européenne en provenance du royaume ont plus que doublé. Cerise sur le gâteau, la Commission européenne avait donné son feu vert pour un programme de 115 millions d’euros en 2022 pour stimuler l’agriculture biologique, inclusive et innovante au Maroc. 

Comme les faibles salaires et les coûts de production du Maroc lui permettent de concurrencer les produits européens, les producteurs européens se sont toujours élevés contre cette situation.  A titre d’exemple, la tomate est dans le collimateur des organisations de défense des agriculteurs dont la plus virulente, l’association Tomates et Concombres de France s’insurge contre une augmentation des importations de tomates marocaines en France, stimulée par l’accord commercial entre ce pays et l’Union européenne. Les agriculteurs français qui dénoncent une «concurrence déloyale» dans le secteur des fruits et légumes, notamment en raison des importations de tomates marocaines se mettent ainsi au niveau de la Fédération espagnole des associations d’exportateurs de fruits, légumes, fleurs et plantes vivantes (Fepex), qui n’avait pas hésité à menacer de recourir à des actions musclées pour faire face à « la croissance incontrôlée des importations de tomates en provenance du Maroc et la politique de l’UE dans le domaine de la santé des plantes et de l’emballage, encouragée par la «fameuse stratégie de la ferme à la table».

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L’année dernière, la Fepex avait demandé à la Commission européenne une aide extraordinaire allant jusqu’à 10% de la valeur de la production de tomates commercialisées pour compenser le préjudice causé par « le laxisme dans l’application des clauses de coopération et de sauvegarde de l’Accord d’association de l’UE avec le Maroc ». A cinq mois des élections européennes, la mobilisation des paysans qui risque de faire tache d’huile se radicalise malheureusement sur une fixation qui accuse notamment « une concurrence étrangère de plus en plus féroce, vue comme la cause principale de la paupérisation de la « Ferme de France». Comme ce mouvement se poursuit, il alimente l’appréhension des exportateurs agricoles Marocains qui observent avec inquiétude la focalisation des paysans européens sur l’arrivée de leurs produits sur le marché du vieux continent même si la grande majorité refuse de céder à la panique.

 
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