Opinions

Edito. La pauvreté n’est pas une fatalité

Aujourd’hui, grâce aux sciences sociales, la pauvreté peut être observée, décrite, quantifiée et mesurée. C’est une réalité à la fois objective et subjective. Pour les « frères charlatans », les causes de la pauvreté sont d’origine céleste. Même dans les pires moments de détresse et de souffrance, cette cécité idéologique et opportuniste où l’instrumentation politique de la religion fait obstacle à l’esprit rationnel, persiste et signe. C’est notamment le cas d’un Benkirane, ancien chef de gouvernement, qui a déclaré que le séisme est une « punition de Dieu pour nos pêchés, en tant que marocains ». Ce bonhomme s’érige donc en messager de la volonté divine. Voici donc un être humain qui prétend « expliquer » un phénomène naturel par des « causes surnaturelles ». Déclaration complétée plus tard par l’un de ses lieutenants, dans le journal l’Economiste (rubrique Opinions et Débats) du 2 octobre, Lahcen Daoudi, qui emprunte maladroitement le titre « J’accuse » à Emile Zola, pour son papier, et où il s’accuse lui-même et « demande pardon aux victimes ». Car, effectivement, ces « frères charlatans » ont été à la tête de l’exécutif pendant une décennie (2011-2021) et ont révélé aux Marocains leur démagogie et leur incompétence chronique.

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Analyser et expliquer les causes de la pauvreté nécessitent un débat national et public, fondé sur la pensée libre et critique, loin des tabous. La pauvreté est actuellement le premier ennemi public de la nation. Nombreuses sont les études descriptives. Rares sont les analyses critiques, explicatives et constructives. Les modes de compréhension de la pauvreté sont inévitablement sources de divergences, voire de contradictions. Car cette étape doit préparer l’action. Lutter contre la pauvreté, tout en ignorant ses causes structurelles dans la société, ne peut mener que vers des approches caritatives ou d’assistanat, au mieux vers une « gestion de la pauvreté », avec des « solutions » non pas d’éradication mais d’allégement. C’est ce mode d’action qui prévaut actuellement dans les politiques sociales mises en œuvre. Cette vision a aussi été consacrée dans les discours de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International, au cours des dernières décennies. L’idée sous-jacente émane de la définition néolibérale de la pauvreté comme « phénomène quasi-naturel ». Dans cette optique, l’action publique doit être d’atténuer les effets de la pauvreté. Les politiques publiques de libéralisation/privatisation des services publics, entamées avec les « programmes d’ajustement structurel », dès les années 1980, doivent être maintenues. Et donc la pauvreté aussi, dans des « limites tolérables et acceptables ».

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Or la pauvreté n’est ni un « phénomène céleste », ni un « phénomène naturel ». Molière, dès le 18ème siècle, l’avait déjà bien compris en considérant la pauvreté comme une « plaie », et la richesse comme une « insulte ». Les causes réelles de la pauvreté sont à rechercher sur terre. Elles ont une histoire qui se reproduit dans le présent. Elles sont liées étroitement aux inégalités économiques et sociales et aux politiques publiques ayant favorisé/généré ces inégalités. Comprendre ces causes et agir pour une transformation  de la réalité qui génère la pauvreté, c’est mettre fin aux inégalités structurelles qui lui donnent naissance et la reproduisent. Pour cela, des ruptures systémiques sont inévitables. Les politiques sociales menées actuellement devraient converger vers un modèle de développement durable ayant pour finalités ultimes, l’amélioration des conditions de vie, aux niveaux individuel et collectif, dans le respect de l’environnement naturel. Dans cette optique, il serait ainsi possible d’espérer une lutte effective contre la pauvreté en vue d’y mettre fin et de consacrer la centralité du respect de la dignité humaine dans l’ensemble des politiques publiques et des rapports sociaux.  

 
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