Télécommunications

Litige IAM-Wana : Pour Khalid Ziani, «il est temps que l’État réforme le secteur des télécoms»

Khalid Ziani, consultant et expert en IT, s’exprime pour Challenge.ma au sujet du jugement rendu par le tribunal de commerce de Rabat à l’encontre de Maroc Telecom, condamné à une amende de près de 6,4 milliards de dirhams. Interview.

Tout d’abord, comment interprétez-vous ce jugement ?

Le tribunal de commerce n’est pas compétent dans les affaires de concurrence liées au secteur des télécoms. De plus, l’ANRT (Agence Nationale de Réglementation des Télécommunications, ndlr.) avait déjà traité ce sujet de concurrence déloyale, condamnant Maroc Telecom à une amende de 3,3 milliards de dirhams suivie de 2,45 milliards d’astreinte. L’ANRT a donc correctement appliqué la sanction. Il est inacceptable d’avoir deux sanctions pour les mêmes faits, prononcées par des tribunaux non compétents. Le tribunal de commerce, constitué de juges consulaires, a d’après moi commis une erreur en acceptant de traiter l’affaire et en rendant ce jugement. Je pense que cette décision sera annulée en appel, car les juges en appel sont compétents pour juger en droit et estimeront que le tribunal de commerce n’avait pas la compétence nécessaire pour traiter cette affaire.

Quel rôle doit jouer l’ANRT dans tout ça ?

On peut se demander pourquoi l’ANRT, disposant des pouvoirs de sanction en cas d’abus de position dominante ou de concurrence déloyale, n’est pas intervenu auprès du tribunal de commerce pour lui signifier que cette affaire ne relevait pas de ses compétences. La seule explication que je vois est que le silence de l’ANRT pose problème. J’ajoute également que l’amende de 6,4 milliards de dirhams semble complètement disproportionnée par rapport au préjudice subi par Inwi.

Estimez-vous que ces batailles judiciaires entre opérateurs nuisent au secteur des télécoms au Maroc ?

Il est évident que toutes ces tensions judiciaires dans le domaine des télécoms, avec de nombreuses affaires similaires devant les tribunaux, en plus d’une affaire au CIRDI, entravent le Maroc dans le déploiement de la fibre optique sur l’ensemble du territoire. Le Maroc ne se consacre pas suffisamment au déploiement et à la généralisation de la 5G. Bien que les sanctions aillent au Trésor public, il n’est pas certain que cet argent soit utilisé pour développer les infrastructures télécoms. Par conséquent, nous accumulons un retard considérable dans la transformation numérique du pays. Nos ambitions affichées pour devenir la « digital nation » et le hub numérique africain risquent de prendre du temps à se concrétiser. Les défis majeurs tels que la Coupe du monde 2030, exigeante en matière de télécoms avec les règles contraignantes de la FIFA, pourraient ne pas être satisfaits d’ici 2030. Il est grand temps que l’État reprenne le contrôle, réforme le secteur des télécoms et que chaque acteur reprenne ses responsabilités et accomplisse son travail.

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