Politique

Maroc-France-Algérie. Position ferme du Royaume face au double jeu du voisin de l’Est et de « l’ex-premier » partenaire européen

L’année 2023 a mal commencé pour la France ; le pays est en perte de vitesse sur le plan économique, mais surtout sur le plan diplomatique. Les territoires qu’il considérait comme des annexes acquis sans effort, simplement pour avoir été parmi ses anciennes colonies, ont aujourd’hui atteint une maturité politique et une indépendance économique significatives telles qu’ils ont tissé des relations diplomatiques, commerciales fortes et diversifiées loin de l‘influence de plus en plus faible de Elysée.

Le mois de février dernier, la diplomatie française a reçu un double camouflet en deux jours ; deux affaires sensibles en Afrique du Nord sont en cause, écrit le magazine Jeune Afrique dans un article paru la semaine écoulée. Il s’agit pour le premier de la décision de l’Algérie de rappeler son ambassadeur en France pour consultation après le rapatriement vers l’Hexagone de la militante franco-algérienne Amira Bouraoui, condamnée en Algérie et interdite de sortie du territoire. Et pour le second, de la décision du Maroc de mettre fin à la mission de son ambassadeur en France, Mohamed Benchaâboun, sans le remplacer. Deux gifles diplomatiques, donc, qu’Emmanuel Macron n’a pas vu venir, qui illustrent, selon le magasine politique, l’échec du jeu d’équilibre de Paris entre Alger et Rabat, ce qui est interprété par une perte d’influence économique de Paris.

Alors que les relations entre Paris et Alger sont d’habitude marquées par une tension, la guerre en Ukraine et la crise qu’elle a engendrée, ont poussé Macron à faire volte-face et se diriger vers l’Algérie, non pas pour ses beaux yeux, mais pour « capter une partie de son gaz ». Une reconfiguration politique va s’opérer à la suite du soutien de Madrid au Maroc sur la question du Sahara : réduction par l’Algérie de près de 25% des quantités de gaz exporté via le gazoduc Medgaz et ce, dès mai 2022. La France va ainsi sauter sur l’occasion pour se repositionner bousculant l’Italie qui était seule à profiter de ce repositionnement commercial suite à la visite du Premier ministre italien, Mario Draghi, à Alger en juillet 2022.

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L’Algérie a elle aussi fait preuve d’un pragmatisme prédateur. Ce serait naïf de croire qu’Al Mouradiya serait intéressée par le processus de l’apaisement des mémoires autour de la guerre entrepris par l’Élysée, ce pas de l’Algérie est motivé plutôt par le besoin d’investissements français. Abdelmadjid Tebboune lorgne un contrat avec TotalEnergies, seul groupe capable de satisfaire le gros besoin en investissement de l’Algérie. Un besoin aussi énorme que le pays maghrébin ferme les yeux sur les péripéties de l’entreprise italienne ENI, impliquée dans de nombreuses affaires de corruption avec son partenaire algérien la Sonatrach. En attendant d’obtenir l’accord de partenariat du géant français, « l’Algérie ne bénéficie que très peu de l’envolée des prix des hydrocarbures, du fait de l’explosion de la consommation interne, du manque d’investissement dans les outils de production et des tarissements des champs pétroliers et gaziers de Hassi Messaoud et Hassi R’mel », explique JA. Une situation qui laisse planer le doute sur le statut de grand exportateur de gaz que l’Algérie risquerait fort probablement de perdre dans moins d’une décennie.

Une alternative demeure toutefois, qui ravive l’espoir de maintenir ce privilège, celle des réserves de schiste. Cependant, le pays se retrouve face à une grosse contrainte : l’extraction du gaz de schiste nécessite de lourds investissements et l’utilisation de la fracture hydraulique s’avère compliquée dans un pays en stress hydrique. Un facteur non négligeable qui contraint les gros fournisseurs à rebrousser chemin. « Les majors américaines y ont renoncé car cela nécessiterait des dizaines de milliards de dollars d’investissement et ne serait rentable qu’après plusieurs années, ce que l’instabilité politique en Algérie ne garantit pas », analyse Jeune Afrique.

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Le grand pas fait, tambour battant, vers l’Algérie doublée d’une position peu claire à l’égard de l’intégrité territoriale du Maroc, a déclenché une crise diplomatique déjà bien présente entre le Maroc et la France. Le partenariat stratégique, déjà amorti, entre Rabat et Paris sous-tend l’affaire des quotas de visas lancés par le ministère français de l’Intérieur qui a mis le feu aux poudres, faisant ressortir une mesure grossière accentue la crise diplomatique entre les deux parties. « La relation entre les deux pays résidait dans le soutien politique et diplomatique de la France au Maroc sur la question du Sahara en échange de liens économiques privilégiés, et en une forte présence des entreprises françaises au Maroc », poursuit JA.

Par son attitude peu respectueuse à l’égard de son premier partenaire arabo-africain, la France comptait trop sur la loyauté historique du Royaume, malgré les bavures occasionnelles d’un partenaire trop confiant. Mais S.M. le Roi a déjà prévenu la France que l’intégrité territoriale du Royaume est une ligne rouge. Le Souverain a aussi appelé ses partenaires à préciser leurs positions envers le Sahara marocain, après la reconnaissance de la marocanité du Sahara par les Etats-Unis. Mais l’entêtement de l’Exécutif français lui a coûté sa position au top de la liste des partenaires du Royaume, sur quasiment tous les plans, dont ceux commercial, diplomatique et culturel.

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La diplomatie économique du Maroc est si forte qu’elle a permis aux entreprises marocaines, surtout dans les secteurs banque et assurances, de faire le poids en Afrique face aux entreprises françaises. Une diplomatie « si efficace que le président Emmanuel Macron l’a évoquée dans son discours de juin 2017 au Maroc, où il appelait à « conjuguer ces politiques africaines » entre la France et le Maroc ».

 
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