Mobilité durable

VTC. Pourquoi Yango a fait pschitt au Maroc ?

Trois mois après avoir posé ses valises dans le royaume, la plateforme russe de mobilité urbaine s’est vu interdire toute activité commerciale à Casablanca, faute d’autorisation préalable. Etant aussi dans le viseur des acteurs historiques, les nouveaux entrants, en l’occurrence les VTC ont du mal à trouver leur place dans le paysage de la mobilité urbaine.

«Malheureusement, depuis notre lancement au Maroc il y a bientôt 3 ans, nous n’avons pas eu de clarté sur l’intégration des applications comme Uber au modèle de transport existant. C’est pour cela, que nous prenons la décision difficile de suspendre notre activité au Maroc», c’est sur ces notes, que l’entreprise américaine a mis fin à ses activités au Maroc. Quelques années après, c’est au tour de la plateforme russe Yango de plier bagage. « Nous allons bouleverser le paysage au Maroc en offrant des normes de confort, de sécurité et d’accessibilité financière exceptionnelle pour répondre à la demande locale », promettait, en avril dernier, Adeniyi Adebayo, le Directeur de Yango Africa, lors du lancement du service dans le royaume. Une douche froide pour l’acteur de la mobilité puisque comme Uber, ce dernier a préféré naviguer en sous-marin, ignorant le cadre légal.

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Contexte qui, cependant, n’est pas passé sous silence du côté de la Wilaya. Pour la Wilaya de la région Casablanca-Settat, l’«Uber russe» Yango, dont la mission est de mettre en relation des chauffeurs avec des passagers via son application, opère «sans autorisation préalable». «Compte tenu de la nature de ses activités qui constituent une violation de la réglementation relative au transport routier et vu les dangers du transport clandestin, la Wilaya fait savoir à l’ensemble des citoyens que l’activité de cette société est illégale », précise une communication des autorités locales datée du 11 juillet.

De même, les chauffeurs VTC risquent «des sanctions administratives et légales dans le cadre de la réglementation et de la supervision des conditions d’exercice des services de transport public de personnes», insiste l’autorité locale. « Le secteur du transport public de personnes est – et c’est de notoriété publique- particulièrement réglementé au Maroc. A ce titre, il convient pour tout investisseur de se munir des autorisations appropriées, afin de pouvoir mener à bien son activité dans le plus strict respect de la souveraineté économique du pays», précise l’Economiste Hicham Alaoui, CEO d’Allianz Trade.

Entre mobilité et équilibre socio-économique…

A fin de comprendre les contours de cette affaire, Challenge est allé à la rencontre des experts. Pour l’Economiste Mehdi Fakkir «il est clair que le modèle économique des plateformes de mobilité marche. Cependant, quand cela a des impacts sur l’architecture socio-économique d’un pays : là, c’est problématique ». Selon l’Economiste, ce sont des milliers de familles qui sont adossées à ces chauffeurs de taxi. «Il y a donc un enjeu de préservation d’un équilibre socio-économique». De son côté, le CEO d’Allianz Trade explique : «je pense qu’il devient impérieux de trancher le sujet épineux du secteur des taxis dans notre pays. Ces derniers, ont historiquement bénéficié d’un monopole de fait au titre du transport urbain et péri-urbain des voyageurs, mais le secteur a été révolutionné, à travers le Monde, par diverses applications, proposant des avantages non négligeables, tels que la possibilité de réserver en ligne son trajet et de bénéficier d’une certaine qualité de service. Le sujet n’est certes absolument pas simple à traiter, mais je pense qu’il est temps d’y apporter une réponse ferme et pragmatique, entre protection d’acteurs historiques et nécessité de vivre avec son temps, a fortiori s’agissant d’un pays touristique comme le nôtre ».

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Et il faut rappeler qu’à la base, le modèle économique de l’entreprise de ces acteurs  a été pensé pour les pays où les courses de taxi sont à des coûts faramineux. En arrivant sur des marchés où les prix sont du moins accessibles aux populations et qu’ils en proposent des plus bas, l’on se retrouve dans un cas de concurrence déloyale. A titre d’exemple, Yassir, un opérateur VTC marocain, se distingue en proposant des réductions aux usagers allant parfois à 50% sur la première course. 

Les chauffeurs de taxi désavantagés ? 

Contrairement aux chauffeurs de VTC, les chauffeurs de Taxi font face à des normes qui les placent dans une position de vulnérabilité dans cette concurrence. Selon nos investigations, on a pu apprendre que les taximen ont une tarification à respecter et ne peuvent pas dépasser les limites géographiques imposées, alors que les chauffeurs VTC sont libres de se déplacer en dehors du périmètre urbain ou effectuer des déplacements inter-villes. Dans les détails, le zonage aujourd’hui immobilise les taximen et ne leur permet pas de concurrencer les VTC. Ils doivent travailler toute la journée pour payer le détenteur d’agrément et le carburant, alors que les conducteurs collaborant avec les applications de transport n’ont pas les mêmes charges. Autre élément : la dimension sécurité. Le chauffeur de taxi paie une assurance d’environ 8.000 DH pour assurer ses clients alors que les VTC ne peuvent pas proposer la même garantie.

HEETCH ne marche plus
«Nous sommes fiers de cette autorisation qui témoigne de la confiance des hautes autorités de la ville de Casablanca en notre société. Ceci nous encourage à redoubler d’efforts en vue d’offrir aux Marocains une offre de transport digne de leurs attentes et aux professionnels du transport un environnement social favorable, humain et prévoyant’’, avait déclaré en 2018, Patrick Pedersen, General Manager Africa de Heetch, année de la délivrance du fameux césame. Aujourd’hui, depuis un bon moment la plateforme n’existe que de nom. Sur l’application, la plateforme affiche indisponible. Rien ne fonctionne. Ce qui en dit long sur l’activité du groupe à l’heure actuelle.

 
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