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Edito. Ne jamais désespérer d’espérer

Les aspects les plus apparents et les plus insupportables de la pauvreté, socialement et humainement, font appel à des actions urgentes et ponctuelles. C’est souvent le cas du contexte exceptionnel des catastrophes naturelles. Mais c’est aussi le cas des situations historiques complexes où les obstacles au développement sont de nature économique et politique. Economique, dans la mesure où des intérêts illégitimes se sont accumulés et stratifiés. Politique, comme instrument de défense et de maintien de ces intérêts. De ce fait, la pauvreté n’est donc pas une fatalité.

Après l’indépendance, le grand rêve de la génération des nationalistes marocains, autour du Souverain feu Mohammed V, a été de construire un « Etat moderne », un Etat sans analphabètes, avec une population « éduquée et en bonne santé », une économie nationale forte, garantissant une justice sociale, et un mode de gouvernance participatif, respectueux des droits humains, au sens universel du terme. Ce rêve non réalisé a été plusieurs fois ajourné. « Années de plomb », conflit du Sahara, programmes d’ajustement structurel (…). Et pourtant, ce rêve est toujours vivant.

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Au cours des dernières décennies, de grands chantiers ont été lancés. Deux grands rapports-diagnostics ont été établis, non pas par des « experts internationaux », mais par des personnes profondément imprégnées de la réalité marocaine. Ces rapports ont permis de mieux éclairer et de comprendre relativement cette réalité. Il s’agit du rapport du cinquantenaire et tout récemment du rapport sur le nouveau modèle de développement. Sans oublier le rapport de l’Instance Equité et Réconciliation qui porte principalement sur les graves violations des droits humains au Maroc, et qui a formulé des recommandations pertinentes en matière de réforme du mode de gouvernance de la chose publique et de désenclavement des régions connaissant un isolement (…). C’est là, incontestablement, la manifestation d’une volonté politique de changement, face à un passif lourd. Les anciennes habitudes, ayant un profond ancrage sociétal, sont difficiles à éradiquer en quelques années.

La lutte contre la pauvreté s’est faite à deux vitesses. Des actions ponctuelles en périodes de froid, de sécheresse ou de crise sanitaire. Actions nécessaires mais insuffisantes. Des actions structurelles ont été conçues. Certaines ont été entamées. La généralisation de la protection sociale et la réforme du système de santé illustrent bien ce type d’actions. C’est aussi le cas de la réforme du système d’éducation nationale. Ces trois réformes sont fondamentales et devraient révolutionner la société marocaine. Elles sont à la base du développement des capacités individuelles et collectives de la population. Investissements et création d’emplois sont inséparables. Les difficultés et les résistances sont nombreuses. Servitude volontaire et indifférence en font partie. L’ancien s’éteint difficilement et le nouveau émerge lentement mais irréversiblement.

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Le rôle du politique est de vaincre ces obstacles et résistances. C’est là que s’apprécie la « valeur ajoutée du politique » pour donner sens et substance au « vivre ensemble » sur la base d’un nouveau contrat social. Le changement ne se décrète pas. La citoyenneté se construit à travers des luttes sociales responsables, guidées par une prise de conscience de la nature réelle des obstacles et nourries par l’adhésion à un projet de société qui tire sa substance première de ces luttes. Car, in fine, il est question de vaincre aussi bien la pauvreté dans sa double dimension matérielle et immatérielle, que la richesse illégitime, arrogante et insolente. Ce n’est en fait qu’un seul et unique combat.

 
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