Dossier

Obtentions végétales: Une nécessité au développement de l’agriculture au Maroc

Les obtentions végétales jouent un rôle crucial dans le secteur agricole au Maroc, en contribuant à l’amélioration de la productivité agricole, à la diversification des cultures et à la résilience face aux défis climatiques. L’impact des obtentions végétales se fait sentir à plusieurs niveaux, allant de l’augmentation des rendements agricoles à la protection des ressources naturelles et à la promotion de la sécurité alimentaire. Détails.

Au Maroc, un pays où l’agriculture occupe une place prépondérante dans l’économie, les obtentions végétales revêtent une importance particulière. Avec des conditions climatiques variées, allant des zones arides du sud aux terrains plus fertiles du nord, le Maroc est confronté à des défis uniques en matière de production agricole. Les obtentions végétales adaptées aux différentes régions et aux conditions spécifiques de sol et de climat sont essentielles pour garantir le succès des cultures et assurer la durabilité de l’agriculture marocaine.

Toutefois, Maitre Daoud Salmouni Zerhouni, Avocat spécialisé en propriété intellectuelle et industrielle nous explique qu’en principe, «les variétés végétales ne sont pas brevetables en tant que telles (article 24 de la loi n° 17-97) et ne bénéficient donc pas de la protection par le brevet d’invention. Cette exclusion n’est pas propre au Maroc mais est partagée par de nombreux pays ».

Toujours selon ce dernier, «l’obtention d’une variété végétale nécessite des efforts d’investissements et de recherches très importants qui doivent être protégés si l’on veut promouvoir l’innovation dans ce domaine. Le droit des obtentions végétales vient remplir cette fonction d’incitation à l’innovation dans ce secteur très particulier ».

Lire aussi | Pr Taoufik Yatribi : «La dominance de la génération X parmi les agriculteurs ralentit la diffusion des nouvelles technologies»

Ainsi, une variété végétale doit remplir plusieurs conditions pour bénéficier de la protection. Le droit de l’obtenteur sera reconnu après examen seulement si la variété est nouvelle, distincte, homogène et stable. Si elle passe avec succès ces tests, un certificat d’obtention végétale est délivré par l’Office National de Sécurité Sanitaire des produits Alimentaires (ONSSA).

Pour Salmouni « le droit des obtentions végétales est essentiel au développement de l’agriculture au Maroc, mais également à l’étranger alors qu’il protège le fruit du travail, souvent long et coûteux, de l’obtenteur tout en étant moins restrictif pour les tiers. En effet, contrairement au droit des brevets (qui n’est pas disponible pour les variétés végétales), le certificat des obtentions végétales n’interdit pas l’utilisation d’une variété protégée pour en créer une nouvelle ». En ce sens, il protège le travail réalisé tout en autorisant rapidement son amélioration même par des tiers.

L’on sait que certaines variétés sont développées pour lutter contre les «bio agresseurs», qui sont des organismes vivants -notamment des agents pathogènes responsables de maladies- pouvant engendrer des dommages importants sur les cultures. «L’innovation dans le domaine des obtentions végétales permet ainsi de lutter contre ces phénomènes en évitant l’utilisation de produits chimiques dont on sait qu’ils ont une efficacité limitée et qu’ils sont souvent préjudiciables à l’environnement et même parfois à la santé des agriculteurs et des consommateurs. Voici un exemple où les obtentions végétales ont une importance indéniable sur le terrain de la sécurité alimentaire et sanitaire», souligne l’expert.

Lire aussi | Interview exclusive. Sécheresse, agriculture 4.0, campagne 2023/2024… Mohammed Sadiki dit tout

En outre, se posent également des questions de souveraineté alimentaire. D’où l’intérêt d’avoir des obtenteurs qui soient aussi marocains.

Pour rappel, l’introduction de variétés végétales améliorées, résistantes aux maladies, tolérantes à la sécheresse et à haut rendement, peut considérablement accroître la productivité des cultures au Maroc. Cela permet non seulement d’augmenter les revenus des agriculteurs, mais aussi de réduire la dépendance aux importations alimentaires et de renforcer la sécurité alimentaire du pays. En outre, les obtentions végétales peuvent contribuer à la protection de l’environnement en réduisant l’utilisation d’intrants chimiques et en préservant la biodiversité.

Cependant, malgré les nombreux avantages des obtentions végétales, le secteur agricole au Maroc est confronté à plusieurs défis en matière de recherche et de développement. Le financement de la recherche agricole, la gestion des ressources génétiques et la coopération entre les acteurs du secteur restent des obstacles à surmonter pour tirer pleinement parti du potentiel des obtentions végétales.

Maitre Daoud Salmouni Zerhouni, explique à cet effet, «il y a évidemment souvent un problème de moyens et de financement puisque la mise au point d’une nouvelle variété végétale et les frais pour obtenir la protection sont coûteux. Cependant, les choses évoluent très positivement avec des acteurs marocains très impliqués dans le domaine de la sécurité alimentaire et de l’innovation en matière agricole. On peut évidemment penser aux importants efforts de l’UM6P, de l’OCP et de INNOVX, pour ne citer qu’eux, ou de la récente organisation en 2023 du Forum Agrichain Investment in Africa». 

Par ailleurs, précise ce dernier «d’un point de vue plus pratique, il faut souligner le travail remarquable et le dévouement des agents de l’ONSSA dans la procédure de dépôt, d’examen et de délivrance des certificats d’obtention végétale. Cependant, ils ne disposent peut-être pas toujours des moyens adaptés à leurs missions, du moins dans le cadre du dépôt des demandes. Il pourrait être envisagé de revoir certains process afin de faciliter les dépôts de demandes de certificats, notamment en les dématérialisant, et cela afin de fluidifier les échanges et de faciliter le travail des agents de l’ONSSA, lesquels, je le répète, effectuent un travail formidable avec les moyens à disposition. Peut-être qu’il pourrait être intéressant de s’inspirer de certaines procédures dématérialisées mises en place par l’Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale (OMPIC) pour les adapter aux spécificités du droit des obtentions végétales».

Lire aussi | Agriculture: Pourquoi la « Recherche et l’innovation » est un chantier crucial pour le Maroc 

«De plus, il manque au Maroc, parmi les professionnels de la propriété intellectuelle (le certificat d’obtention végétale est un droit de propriété intellectuelle), des spécialistes du droit des obtentions végétales». De fait, les obtenteurs marocains se trouvent souvent assez démunis lorsqu’ils cherchent à être accompagnés pour la protection de leurs nouvelles variétés végétales. Mais cela rejoint un problème plus vaste qui est celui de la formation au droit de la propriété intellectuelle au Maroc, même si des initiatives sont actuellement en cours.

Mais pas seulement. La formation des agriculteurs sur les bonnes pratiques agricoles, l’accès aux semences de qualité et aux intrants agricoles, ainsi que le soutien technique et financier sont des vecteurs essentiels pour garantir le succès des programmes d’amélioration des variétés végétales au Maroc.

Pour conclure, d’après les experts du secteur, les perspectives de développement dans le domaine des obtentions végétales au Maroc sont prometteuses, avec un intérêt croissant pour l’innovation agricole et la durabilité environnementale. 

2 questions À Maitre Daoud Salmouni Zerhouni Avocat spécialisé en propriété intellectuelle et industrielle

«A la fin de l’année 2023, 747 variétés sont protégées au Maroc»

Challenge :Quelles sont les perspectives d’avenir pour le développement des obtentions végétales au Maroc ? 
Daoud Salmouni Zerhouni : A la fin de l’année 2023, 747 variétés sont protégées au Maroc (Bulletin de la Protection des Obtentions Végétales n° 40, septembre 2023). Ce chiffre est honorable si l’on compare la situation avec d’autres pays, plus industrialisés et à la tradition agricole reconnue. Ainsi, en 2022, 905 titres étaient en vigueur en France (Rapport d’activité 2022 de l’Instance Nationale des Obtentions Végétales), ce qui n’est pas si éloigné des chiffres marocains, même s’il faut les relativiser en raison de l’existence d’un titre de protection pour l’Union européenne.
Les investissements et les efforts du secteur public mais aussi les initiatives privées devraient permettre d’avoir une innovation marocaine plus importante dans ce domaine. Le chemin est toutefois encore assez long. A titre d’exemple, sur les 36 demandes de certificats d’obtentions végétales déposées au Maroc entre avril et septembre 2023, seules 6 étaient marocaines. Cependant, je suis confiant en l’avenir et en la capacité des chercheurs marocains à innover dans ce domaine. Je ne doute pas que nous aurons de plus en plus d’obtentions végétales d’origine marocaine dans les années à venir.

Challenge :Quels sont les enjeux liés à la protection des droits de propriété intellectuelle des obtentions végétales au Maroc et comment sont-ils gérés ?
D.S.Z. : Les enjeux sont de taille, puisque le droit des obtentions végétales est intimement lié aux questions de sécurité alimentaire, de développement durable et de souveraineté alimentaire. Avoir une obtention végétale qui est capable de résister à certaines maladies ou qui peut se développer de manière satisfaisante dans des conditions difficiles impacte directement le quotidien des agriculteurs et donc des citoyens. Cela a un coût et mérite une protection efficace par ce droit de propriété intellectuelle particulier. Je crois que les pouvoirs publics en ont pleinement conscience et que la gestion de la protection des obtentions végétales est, au Maroc, satisfaisante dans l’ensemble.

 
Article précédent

Météo: les prévisions du lundi 29 avril

Article suivant

Ceci est l'article le plus récent.