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Reportage. Au cœur de la mobilisation pro-palestinienne à Paris [Vidéos]

Notre correspondante à Paris a suivi la mobilisation pro-palestinienne des 27 et 28 mai. Entre slogans, marches spontanées et tensions avec les forces de l’ordre, découvrez le récit d’une série de manifestations déterminées à faire entendre la voix de la Palestine dans la capitale française.

« Israël assassin, Palestine n’est pas à toi », « From the river to the sea, Palestine will be free » : la place Saint-Augustin à Paris s’indigne le soir du 27 mai ! Près de 10 000 personnes selon la Préfecture de police. Drapeaux palestiniens brandis, keffiehs portés et la marée humaine n’a de voix que pour la Palestine. « Ce que les médias mainstream taisent, la rue le crie » ! Et la rue est déterminée à se faire entendre ! Le soir du 28 mai, jusqu’au cœur de la nuit, les manifestants prendront d’assaut le périphérique de Paris, marcheront la nuit en hurlant « Viva Viva Palestine ! Tahya Tahya Falastine ». La manifestation sera spontanée, « sauvage » ! Les récits d’une mobilisation en deux temps…

« Demain un rassemblement doit se tenir devant l’ambassade d’Israël et nulle part ailleurs », le tweet de Rima Hassan lancé au cœur de la nuit était l’appel de Rafah. La juriste, militante des droits de l’homme d’origine palestinienne, candidate de La France Insoumise aux européennes, est la voix palestinienne qui dérange.

L’appel est lancé ! Internet et les réseaux sociaux portent la cause. La manifestation a été déclarée auprès de la Préfecture par « France Palestine Solidarité ». Elle est considérée comme hors délai. Les appels « Urgence Rafah Stop au génocide » relayés sur les réseaux sociaux ont été pris en compte. L’arrêté préfectoral n°2024-00698 établit donc une interdiction partielle. Il consent une manifestation, mais encadrée.

Initialement, elle devait commencer à la Place de la Madeleine avant de rejoindre l’ambassade d’Israël. Mais comme l’indique l’arrêté : « ce lieu de rassemblement fait peser un risque sérieux sur la sécurité de cette ambassade ». Changement de programme, elle sera à la Place Saint-Augustin. Rendez-vous à 18h30.

« Nous sommes là ! »

« Se taire encore, c’est être complice. On attend quoi ? L’extermination d’un peuple ? », Sophia, 22 ans, étudiante, a choisi de brandir ses mains nues rouges : « Nous sommes aussi responsables, les États le sont ». Elle est là avec des membres de sa famille et des amis. Venir en groupe, c’est tenter de briser le silence des médias classiques. « Nous sommes là ! Ce que les médias mainstream taisent, la rue le crie » ! Julien et Inès, étudiants, déplorent également la couverture « sommaire » et « light » des atrocités. Pour Julien, le traitement médiatique n’est pas représentatif de ce qu’il constate sur TikTok ou Instagram. Pour Inès : « Je m’informe maintenant principalement via les réseaux sociaux. C’est effrayant comment des crimes de guerre, des atrocités, une extermination systématique d’un peuple passent sous silence. C’est à en devenir fou ! Le gap est incroyable ! ».

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Manifestation statique ou marche en cortège ? La marée humaine marchera vers l’ambassade d’Israël. Ce cortège, mobilisé en quelques heures, est nourri progressivement, le long du trajet, par des riverains. Des personnes quittent les cafés, restaurants, des habitants applaudissent ou crient depuis leurs fenêtres. Objectif : se faire entendre, brandir l’étendard palestinien. Certains représentants de La France Insoumise y participent. Louis Boyard, député du Val-de-Marne, y était, chantant en chœur.

« Police complice ! »

Les CRS, présents le long du cortège, définissent les axes de circulation. Certains points ont été marqués par quelques tensions. « On est tranquille, on marche respectueusement, je ne comprends pas pourquoi ils cherchent absolument à réduire notre espace… Ils nous serrent ! », observe, agacée, Sarah, étudiante. C’est sa première manifestation. Venue seule, elle se rend compte de « la notion de l’étau qui se resserre ». La « nasse » n’est pas une légende urbaine, c’est une technique stratégique des forces de l’ordre pour contenir la foule et opérer des dispersions orientées ou parfois « forcées ».

Des barrages infranchissables de CRS instaurent les limites sécuritaires à ne pas franchir. « Israël assassin ! Police complice ! », c’est le face-à-face le plus symbolique tweeté et relayé par les réseaux. « C’est nos impôts qui vous paient, et toi, tu sors une grenade ? Range-moi cette grenade, putain de merde ».

La surveillance est accrue. La Préfecture de police considère que « la manifestation déclarée s’inscrit dans un contexte de menace terroriste qui sollicite à un niveau particulièrement élevé les forces de sécurité intérieure pour garantir la protection des personnes et des biens contre un attentat ».

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Le site de la Préfecture de police fait d’ailleurs état d’un autre arrêté préfectoral (n°2024-00697). Ce dernier « autorise la captation, l’enregistrement et la transmission d’images au moyen de caméras installées sur des aéronefs, le lundi 27 mai 2024 ». Traduction : une surveillance par des drones permettant de filmer et de surveiller. L’alerte est haute et les forces de l’ordre en état d’alerte maximale. Dans ce contexte, être à cran de part et d’autre relève de l’arithmétique !

Inaccessible, l’ambassade d’Israël le restera. L’autorisation préfectorale a délimité le champ de circulation. « 20h ! On plie ! », le processus de nasse a été déployé. Et pour marquer le début de la fin, le gaz lacrymogène a été utilisé. Cette sensation de brûlure dans les yeux, dans les trachées… « On ne respire plus. On étouffe ! ». Pour Sophia : « tout un peuple ne respire plus ! Je pense à ces enfants, ces familles entières qui étouffent. Je n’ai pas trop le droit de me plaindre ! Ça brûle ! Ça pue ! et ce n’est même pas mon quotidien ! ».

Mobilisation « sauvage »

Au lendemain de cette manifestation, les titres de la presse française couvrent brièvement l’événement. Libération, l’Humanité, Huffington Post choisissent de relayer la voix des manifestants, là où d’autres organes optent pour un traitement factualisé concis. CNews propose un sujet sensationnaliste axé sur les actes de vandalisme, d’un « cortège sauvage » : « ISRAËL-HAMAS : TENSIONS LORS D’UNE MANIFESTATION PRO-PALESTINIENNE À PARIS ». « La chute », alias fin du sujet selon le jargon, se termine par un mensonge par omission : « Cette manifestation a été interdite ».

La mobilisation militante est ailleurs ! Dans les réseaux sociaux. Certains comptes proposent des modes d’emploi de A à Z des pratiques à adopter.

Ils n’attendront pas des jours encore sans agir. Ce soir du mardi 28 mai, les protestants manifestent à la Place de la République. « Gaza ! Gaza ! Paris est avec toi », « Israël assassin, Macron complice » ! Les images des corps décapités, brûlés hantent les esprits et les réseaux sociaux.

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L’indignation à en vomir est là ! Mercredi 29 mai verra le jour qui appelle Rafah. Les manifestations se poursuivent autrement par endroits. Le périphérique de Paris est pris d’assaut. « Viva viva Palestine », « tahya, tahya Falastine », « Nous sommes palestiniens ». Des lives des mobilisations, non seulement au niveau du périphérique qui encercle Paris, mais ailleurs, au cœur de la capitale. La colère gronde et elle résonne avec les cris de Rafah #AllEyesOnRafah.

Ce que les réseaux transmettent brut, sans filtres, certains médias/ politiques y apposant leurs grilles de lecture.  La mobilisation vient-elle de commencer ?

 
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