Gestion de l'eau

Usines de dessalement d’eau de mer. Une armada de groupes espagnols face à 2 groupes français

Sous l’effet de l’augmentation du stress hydrique dans plusieurs régions du monde et de la réduction des coûts, le marché de la construction et de l’exploitation des usines de dessalement d’eau de mer connaît un boom sans précédent. Le Maroc qui vit depuis quelques années une crise d’eau, a un ambitieux programme d’investissement pour investir dans de nouvelles usines.

Le Royaume devra tripler ses capacités à l’horizon 2030 avec plus d’une vingtaine de stations permettant de produire près de 1,3 milliard de m3 d’eau par an, destinée à différents usages. Actuellement, le Royaume compte 11 stations de dessalement d’eau de mer en service. Sept autres stations sont en cours de réalisation. Neuf autres unités sont programmées à l’horizon 2030.

Pour cela, le Maroc a considérablement augmenté les fonds alloués au Programme national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation (PNAEPI) 2020-2027, de 115 à 150 milliards de DH. L’objectif étant de rattraper les retards enregistrés dans certains projets et l’avancement d’autres, surtout en matière de stations de dessalement de l’eau de mer, de quoi susciter la convoitise des leaders historiques du marché mondial de la construction et de l’exploitation des usines de dessalement, comme les Français Engie et Veolia/Suez ou encore les Espagnols Abengoa et Acciona. Logique donc que ces deux pays se livrent une bataille sur le marché national.

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Acciona qui exploite 85 usines dans le monde avec environ 5 millions de m3 d’eau dessalés chaque jour, vient d’ailleurs de remporter le 17 novembre dernier le marché relatif à la construction et à l’exploitation de la future station de dessalement d’eau de mer de Casablanca. Le consortium qu’il a mené dans ce cadre comprend deux filiales du groupe Akwa, notamment Afriquia Gaz et Green of Africa. Le projet, lancé par l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE) dans le cadre d’un partenariat public-privé, doit permettre de renforcer et sécuriser l’alimentation en eau potable d’une partie de la région de Casablanca-Settat, tout en fournissant de l’eau pour l’irrigation. 

Le projet consiste à concevoir, financer, réaliser et exploiter pendant une durée de 30 ans (répartie entre 3 ans pour la réalisation et 27 ans pour l’exploitation) une station de dessalement d’eau de mer, avec une capacité de 548.000 m3 par jour (200 millions de m3 par an), extensible à 822.000 m3 par jour d’eau traitée (300 millions de m3 par an). Etaient en lice pour ce marché de dessalement de plus de 8 milliards de DH, outre le consortium mené par Acciona, cinq autres, notamment Nareva et son partenaire français Suez, ainsi que par le géant français Veolia, agissant en consortium avec le groupe émirati Taqa, l’espagnol Abengoa qui vient d’achever la construction de l’usine de dessalement d’Agadir et qui s’est associé à l’énergéticien français Engie qui a décroché le contrat de l’usine de dessalement de Dakhla aux côtés de Nareva.

De son côté, le groupe madrilène Lantania, spécialisé dans l’eau et l’électricité était aussi en lice en formant un consortium avec son compatriote Tedagua, le chinois Sepco III, Fipar Power Holding du Maroc, et Acwa Power, un IPP basé à Riyad en Arabie Saoudite. Le spécialiste israélien du dessalement IDE Technologies s’est allié à la société japonaise Mitsui pour former un consortium avec la SGTM et la Somagec. Si le français Engie qui a fait un tandem avec Nareva s’apprête à démarrer les travaux de la station de dessalement de Dakhla qui a mobilisé un investissement de près de 2 milliards de DH, les groupes français semblent être devancés par leurs homologues espagnols qui ont réalisé la plupart des premières usines de dessalement lancées dans le Royaume.

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Même s’il arrive qu’ils soient en confrontation directe sur certains appels d’offres, il n’empêche que sur certains marchés, espagnols et français forment des groupements communs pour soumissionner.
Mais tout indique aussi qu’Engie et Suez continueront de faire face au bataillon de groupes espagnols qui guettent le moindre projet de dessalement. Et ce n’est pas ça qui manque avec les nombreux appels d’offres que l’ONEE s’apprête à lancer : la station de dessalement dans l’Oriental, l’extension de la station de dessalement d’Agadir, l’extension de la station de dessalement de Sidi Ifni, la station de dessalement à Guelmim…

Aujourd’hui, l’Exécutif espagnol a compris les enjeux. Il sait que le Maroc est pleinement engagé dans la mise en œuvre du programme ambitieux d’installations d’usines de traitement de l’eau et de dessalement pour lutter contre le stress hydrique. En juin dernier, il a ouvert plus d’opportunités aux entreprises espagnoles en octroyant à l’ONEE un prêt remboursable de 5 millions d’euros via le Fonds d’internationalisation des entreprises espagnoles. Cette manne est destinée à financer le projet de construction de deux stations d’épuration d’eau à Zag et Moulay Brahim.  

Iberdrola, Acciona, Cobra, … Les Espagnols bien positionnés sur Noor Midelt III
L’ambitieux projet de centrale solaire marocaine a attiré nombre de grands groupes internationaux. Au terme d’un appel d’offres lancé le 9 août 2023, l’agence marocaine chargée de piloter les énergies renouvelables MASEN a retenu huit groupes ou consortiums pour construire la centrale solaire photovoltaïque de Noor Midelt III, d’une puissance d’environ 400 mégawatts. Cette centrale sera dotée d’une capacité de stockage à base de systèmes batteries (BESS) de 400 MWh environ.  

Parmi les préqualifiés, les entreprises espagnoles ont la part belle avec Acciona Generacion Renovable SA qui s’est associé au marocain Green of Africa ou encore Cobra Instalaciones y Servicios SA (Espagne) en consortium avec le français Vinci Concessions SAS. Leur compatriote Iberdrola Renovables Internacional S.A.U a fait cavalier seul, à la différence des français de EDF Renouvelables SA et GDF International SA (France) qui se sont respectivement joints à Mitsui & Co (Japon) et Kahrabel FZE (EAU) pour déposer leur candidature. Les locaux de TAQA Morocco et Nareva Holding ont respectivement choisi ACWA Power Company et Masdar comme partenaires sur l’appel d’offres.   Enfin, un tandem formé par les chinois de SPIC Huanghe Hydropower Development et les Emiratis d’AMEA Power est également en lice.  

Même si dans deux consortiums en course, on peut constater que français et espagnols ont constitué des groupements, les entreprises espagnoles sont globalement bien positionnées.Pour rappel, le candidat retenu par Masen au cours des prochains mois sera chargé de la conception, du financement, de la construction, de l’exploitation et de la maintenance de cette troisième centrale du complexe solaire Noor Midelt. 

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Structuré en financement de projet, Noor Midelt III permettra d’attirer davantage le secteur privé pour le déploiement des énergies renouvelables et plus de banques commerciales marocaines et internationales dans son financement. Avec ses trois centrales Noor Midelt, le complexe marocain abritera l’une des plus grandes capacités solaires et de stockages renouvelables au monde, avec une puissance totale d’environ 1 600 MW. Une capacité qui s’aligne avec les ambitions du Maroc, puisque le Royaume a pour objectif d’atteindre 52% de parts d’énergies renouvelables dans le mix électrique national à l’horizon 2030.

 
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