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Au Maroc, le dilemme de la taxation des GAFAM

Dans une note, la Direction générale des impôts (DGI) a décidé de faire passer à la caisse les stars des plateformes numériques. Mais qu’en est-il des plateformes elles-mêmes ?

Il y a quelques mois, la DGI a décidé de prendre ses responsabilités vis-à-vis des nouveaux types d’opérations économiques hébergées par les plateformes numériques. Dans ce sens, elle a dédié une équipe de contrôleurs fiscaux pour enquêter sur les revenus probables de ces nouveaux riches du marketing d’influence, en examinant le nombre de followers et d’abonnés sur les réseaux sociaux tels que Facebook, Instagram et YouTube. Désormais, sous peine d’être dans l’illégalité vis-à-vis du fisc, il faudra indiquer le nombre de transactions réalisées avec des clients.

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Rappelons que, selon une étude de l’expert en statistiques Statista, le marché du marketing d’influence pèserait 16,4 milliards de dollars en 2022, soit 20 fois plus qu’en 2015. Et toujours selon les experts de Statista, les influenceurs produisent un taux d’engagement plus fort (96 %) que les contenus publiés par les marques elles-mêmes. Aujourd’hui, avec une communauté de 23,8 millions d’utilisateurs au Maroc, soit 63,4 % de la population totale présente sur les réseaux sociaux, divulgué par la plateforme Hootsuite, on peut mesurer en toile de fond l’audience qui demeure à portée de ces nouveaux entrepreneurs du net.

Ces followers, qui constituent leur « fanbase », au-delà des données, représentent une véritable mine de potentiels clients. Dans les détails, en janvier 2022, la plateforme YouTube comptait environ 21,5 millions d’utilisateurs. En ce qui concerne Facebook Messenger, il compte 8,35 millions d’utilisateurs au Maroc. TikTok, pour sa part, capte 5,97 millions d’utilisateurs âgés de plus de 18 ans au Maroc. Ainsi, avec des influenceuses comme Abir Berrani (@abirberranioofficiel), qui à elle seule totalise près de 1 840 198 abonnés sur Instagram et demeure l’image de marque de plusieurs entreprises, on comprend la note de la DGI qui veut récupérer ses capitaux qui passent sous les radars.

Qu’en est-il des GAFAM ?

C’était en 2021, que 136 pays réunis sous l’égide de l’OCDE s’étaient accordés sur les détails techniques de la réforme fiscale internationale concernant les grandes entreprises technologiques. Cet accord a instauré un taux d’imposition minimum de 15 % aux multinationales technologiques qui réalisent un chiffre d’affaires dépassant 750 millions d’euros. Au Maroc, depuis un moment, le débat sur la taxation des GAFAM a fait couler beaucoup d’encre jusqu’à février 2024, où la DGI a commencé à avancer sur le sujet. Dans une circulaire relative aux mesures fiscales de la loi de finances 2024, la DGI a expliqué que la taxation de ces prestations (GAFAM) est désormais actée, suite à une modification des règles de territorialité de la TVA.

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« Dans le cadre de l’élargissement du champ d’application de la TVA, la LF 2024 a complété les dispositions de l’article 88-2° précitées relatives aux règles de territorialité, afin d’appréhender les prestations de services fournies à distance de manière dématérialisée par une personne non résidente n’ayant pas d’établissement au Maroc à un client ayant son siège, son établissement ou son domicile fiscal au Maroc, ou à un client résidant à titre occasionnel au Maroc », lit-on dans la circulaire de la DGI. Et d’ajouter : « À cet effet, lesdites prestations sont réputées faites au Maroc, même si au moment de la fourniture du service dématérialisé le client se trouve à l’étranger ou même si le service est consommé de manière dématérialisée par ledit client à l’étranger. » Il convient de signaler que les dispositions de l’article 88-2° précitées ont défini le service fourni à distance de manière dématérialisée comme étant toute prestation rendue à travers un outil de communication à distance, y compris les biens incorporels et les autres biens immatériels. Longtemps attendue sur cette question, la décision de la DGI a ouvert un tout nouveau chapitre ou du moins une forme d’équilibre dans ce secteur.

« Je pense que si on se réfère à la logique de la « justice fiscale », ces empires numériques doivent, en principe, payer leur part d’impôts dans les juridictions où elles exercent une activité économique. Certes, cette mesure n’est pas facile et requiert une mobilisation à l’échelle internationale, surtout que chaque État a sa propre politique fiscale. L’Europe avait travaillé sur un projet dans ce sens mais n’a pas eu les résultats recherchés. Une autre contrainte pour la taxation des GAFAM est que plusieurs États accueillant les sièges de ces géants de la tech n’ont aucun intérêt à les taxer. Ces pays fondent leur attractivité économique sur une fiscalité très avantageuse », nous confie Mustapha Meloui, Président de l’Observatoire Marocain de la Souveraineté Numérique (OMSN).

La taxe en bref

Contrairement à l’impôt classique appliqué sur le bénéfice réalisé, la taxe GAFAM est assise sur le chiffre d’affaires comme base d’assiette, un choix justifié par la complexité de détermination du bénéfice de ces activités numériques, vu que les entreprises ont recours à transférer leurs bénéfices vers leurs filiales dans des paradis fiscaux pour échapper au fisc. Dans les détails, la méthode de calcul est une estimation faite conjointement par les entreprises concernées et les agents des finances publiques. Il s’agit ensuite d’appliquer un coefficient de présence numérique au chiffre d’affaires réalisé mondialement par la firme en question. Rappelons que la taxe cible trois activités parmi les plus lucratives : les recettes publicitaires en ligne, la vente des données à des fins commerciales et publicitaires, et les commissions sur les services d’intermédiation au niveau des transactions sur les plateformes numériques, dite l’activité ‘marketplace’. La taxe GAFA est inspirée de la TVA, elle aussi assise sur le chiffre d’affaires.

 
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