Eau

Système tarifaire de l’eau : Entre importance et urgence !

La refonte du système tarifaire de l’eau est une action des plus importantes à mettre en place, pour faire face à la crise que connait ce secteur. Toutefois, au vu des aléas climatiques et des stratégies déjà mises en place, notamment pour l’eau d’irrigation, certains experts jugent que cette mesure n’est finalement pas si urgente que cela. D’autres décisions plus urgentes doivent primer sur l’augmentation du tarif de l’eau. Explications.

C’est l’un des sujets les plus d’actualité au vu de la conjoncture actuelle, à savoir revoir le système tarifaire de l’eau. Une mise en garde de la banque mondiale met la lumière sur l’urgence de revoir les réformes mises places pour cet or bleu. L’institution indique clairement, que la région ne peut plus se contenter d’une stratégie d’investissement dans les infrastructures hydrauliques afin d’accroître les réserves en eau nécessaires à l’agriculture et aux zones urbaines, sans procéder en même temps à des réformes institutionnelles systématiques pour financer et entretenir ces infrastructures et réguler la demande.

Conscient de cette urgence et de la nécessité de revoir tout cela au vu de la situation de stress hydrique que connait le pays, le gouvernement a lancé une étude à même de lui permettre de définir la valeur réelle de la ressource et permettre ainsi une gestion plus efficiente et durable, avec une répartition équitable des coûts de l’eau pour tous. Cependant, il y a lieu de séparer entre l’eau domestique et l’eau d’irrigation qui, selon les experts, constitue la plus grosse part de consommation des ressources hydriques du pays. En effet, il est utile de rappeler que l’eau d’irrigation ne correspond pas au coût réel de la ressource. Sa tarification n’a pas bougé d’un iota depuis les années 60 au Maroc. Mais on ne peut faire référence à l’eau irriguée sans pour autant parler des Offices régionaux de mise en valeur agricole (ORMVA). Agissant exclusivement dans les périmètres irrigués, ces derniers étudient, réalisent et supervisent tous types de travaux d’équipement hydro-agricole, d’amélioration foncière et d’infrastructure rurale.

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Les ORMVA, au nombre de neuf, se chargent, chacun dans sa zone d’action, de la gestion des ressources en eau allouées aux périmètres d’irrigation, en veillant notamment au développement et à la maintenance des ouvrages, équipements et réseaux, tout en assurant un service optimal aux usagers. Cela se traduit par des actions visant l’amélioration des conditions d’utilisation de l’eau et le coût de sa mise à disposition, en veillant à la protection de la qualité des eaux et de l’environnement en général.

Plus explicitement, «là où il y a un barrage en amont, nous avons des agences étatiques qui sont les ORMVA, qui définissent depuis les années 60 les tarifs de l’eau irriguée et nous sommes sur de l’eau qui coûte à 0,5 DH le mètre cube. Il existe de légères différences entre les régions. Par exemple, la zone du Loukkos du côté de Larache est un périmètre en aspersion, les autres périmètres étant des gravitaires c’est-à-dire que l’eau descend des montagnes et arrive jusqu’aux parcelles. Et donc l’agriculteur paye entre 0,5 et 0,6 DH, voire maximum 0,7 DH le mètre cube. Tout en sachant qu’il y a 2 zones ORMVA où l’eau est gratuite, question de solidarité avec les zones oasiennes Tafilalet et Drâa », nous explique un expert du secteur. Ces tarifs remontent à la fin des années 60 et depuis la mise en place du code des investissements agricoles en 1968, ce tarif n’a pas changé. 

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Et aujourd’hui, face au manque d’eau dans les barrages et au manque d’eau absolu du fait de la sécheresse que connait le monde ces dernières années, mais aussi à l’augmentation de la demande et des besoins en eau, la Banque mondiale a appelé à réviser ces tarifs pour essayer d’amener l’efficience de l’eau d’irrigation dans les zones ORMVA qui représentent près de 700.000 hectares, l’équivalent de la moitié de la surface irriguée. Pour les experts du secteur, «c’est noyer le poisson dans l’eau».  Aujourd’hui, l’essentiel des prélèvements hydriques qui nous amène dans les situations de crises où nous sommes, c’est dans les nappes. 

En effet, « les gens pompent dans les nappes même dans les zones ORMVA. Ceci, sans parler de l’existence de puits dans ces zones, alors que par la loi cela est interdit. Les puits sont interdits partout et encore plus dans les zones ORMVA », souligne un expert de la place.  « Mais comme le pays a favorisé une agriculture qui consomme beaucoup d’eau notamment pour l’export, le PMV a favorisé à travers des subventions le creusage des puits.  Et donc l’essentiel des augmentations des usages d’eau se trouvent dans un domaine que personne ne contrôle ». 

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Cette situation a poussé les experts à s’interroger sur la nécessité d’augmenter les tarifs de l’eau irriguée, alors que les gens ne paient même pas puisque ces derniers se servent à partir des nappes et qu’il n’y aucun paiement. De plus, l’augmentation ne va même pas concerner la moitié de la surface irriguée qui, d’ailleurs, ne l’est même plus aujourd’hui, car il n’y a plus d’eau dans les barrages et en fait, ce qui consomme le plus d’eau ce sont les puits. « Et là, c’est totalement clandestin car il n’y a pas de contrôle. Et donc de facto, si on souhaite faire des contrôles il faut donner des moyens à la police des eaux. D’ailleurs, plusieurs nappes aujourd’hui sont complétement épuisées et l’essentiel de l’eau va vers l’irrigation », attire un expert du secteur.

 
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