Economie

Retraits en espèces. Une addiction difficile à rompre

Pour l’écrasante population des détenteurs de cartes bancaires au Maroc, ces cartes servent-elles réellement à autre chose qu’à retirer du cash ?

Dans le sillage de la publication du rapport du Centre monétique interbancaire (CMI) sur l’activité monétique à fin septembre 2023, une observation qui mérite d’être soulignée remet en question le taux élevé de bancarisation au Maroc. Cette observation suggère l’existence d’une part importante de clients « faiblement bancarisés » qui utilisent principalement leurs comptes pour recevoir des salaires ou des mandats, mais qui retirent la totalité des fonds en liquide. Adnane Messaoud, expert en Telecom et Fintech, souligne ces tendances préoccupantes en déclarant : « Voici 4 chiffres qui confirment qu’au Maroc, les 20 millions de cartes bancaires servent principalement à retirer du Cash ».

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Les données citées par Messaoud sont les suivantes : Premièrement, les retraits en espèces représentent 68% de la valeur totale des opérations monétiques à fin septembre 2023. Pour lui, cela démontre clairement que la majorité des transactions effectuées avec des cartes bancaires sont destinées à obtenir des liquidités. Deuxièmement, les retraits en espèces représentent également 80% du volume total des opérations monétiques. En d’autres termes, 8 opérations sur 10 sont des retraits d’espèces, soulignant ainsi l’importance de cette tendance. En outre, l’analyste braque les projecteurs sur une croissance des retraits en espèces par rapport à la même période de l’année précédente. Troisièmement, une augmentation de 15% en valeur des retraits en espèces, indiquant une augmentation des montants retirés par les utilisateurs de cartes bancaires. Et enfin, une augmentation de 13% en volume des retraits en espèces, soulignant une augmentation du nombre de transactions de retrait effectuées.

Utilisation limitée des services bancaires pour des transactions électroniques

Ces chiffres mettent en lumière des problèmes potentiels liés à la bancarisation au Maroc. Bien que le taux de bancarisation dépasse les 60%, il est clair que de nombreux utilisateurs de services bancaires n’utilisent leur compte que comme un moyen de recevoir des paiements réguliers, tels que les salaires ou les mandats, avant de retirer l’argent en liquide. Cela suggère une utilisation limitée des services bancaires pour des transactions électroniques ou des paiements numériques.

Cette situation soulève des questions sur les raisons pour lesquelles les Marocains préfèrent les espèces aux transactions électroniques. Plusieurs facteurs pourraient contribuer à cette préférence, notamment la confiance limitée dans les systèmes de paiement électronique, les préoccupations liées à la sécurité des données personnelles et la prévalence des transactions informelles qui sont souvent réalisées en espèces.

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Pour les autorités marocaines et les institutions financières, il est essentiel de comprendre les motivations derrière cette tendance et de prendre des mesures pour encourager l’utilisation des services bancaires électroniques. Cela pourrait passer par une amélioration de la sécurité des transactions numériques, une sensibilisation accrue aux avantages des paiements électroniques et des efforts visant à réduire la dépendance à l’égard des transactions en espèces.

Les paiements chez les commerçants et les eMarchands en hausse, mais restent inférieurs aux retraits en espèces

Selon le rapport du Centre monétique interbancaire (CMI) à fin septembre 2023, les cartes marocaines ont enregistré un total de 419,4 millions d’opérations pour un montant de 340,3 milliards de dirhams (MMDH) à fin septembre 2023. Parmi ces opérations, les retraits en espèces représentaient une part significative, avec 71,8% en termes de nombre d’opérations et 87,9% en termes de montant. Les paiements chez les commerçants et les eMarchands représentaient quant à eux 28,1% en termes de nombre d’opérations et 12,1% en termes de montant, tandis que les paiements sur GAB représentaient une part relativement faible, soit 0,2% en termes de nombre d’opérations et 0,04% en termes de montant. Néanmoins, il convient de noter que les autres types d’opérations, tels que les paiements chez les commerçants et les eMarchands, connaissent également une croissance significative. Les données du CMI indiquent une augmentation de 20,3% en termes de nombre d’opérations et de 16,3% en termes de montant pour les paiements par cartes marocaines auprès des commerçants et des eMarchands affiliés au CMI.

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Il est important de souligner que cette prédominance des retraits en espèces ne doit pas occulter les avantages et les évolutions des paiements électroniques au Maroc. L’augmentation notable des opérations de paiements chez les commerçants et les eMarchands témoigne de l’adoption croissante des cartes bancaires comme moyen de paiement électronique. Cette transition vers des paiements électroniques peut contribuer à la réduction de l’utilisation des espèces, offrir davantage de sécurité et de traçabilité des transactions, ainsi que favoriser l’inclusion financière.

 
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