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Zlecaf. Pour une nouvelle diplomatie économique marocaine

Depuis quelques décennies, le Maroc est très présent en Afrique. Avec d’énormes investissements en Afrique de l’Ouest, le Maroc s’exporte très peu dans d’autres régions d’Afrique. Pour certains experts, la Zlecaf sera la lucarne qui servira au Maroc de s’exporter plus dans les pays comme le Kenya, la Tanzanie…

Après de longues années de négociations, le projet de la zone de libre-échange continentale est en train de se concrétiser. « L’enjeu consiste à élever le niveau économique du continent et cela passe par la croissance du commerce entre pays africains. La Zlecaf consacre ce rêve millénaire des pères fondateurs d’arriver à une Afrique unie sur le plan économique et qui échange premièrement avec elle-même », nous confie l’économiste ivoirien Samuel Mathey. Cependant, il faut souligner que cette volonté de mise en place de cet espace économique Africain est partie d’un constat sur la faiblesse des relations commerciales entre pays africains, estimées à 16 % seulement contre environ 70 % avec l’Europe et l’Asie. De ce fait, la Zlecaf propose à l’Afrique la possibilité de créer la plus grande zone de libre-échange au monde, capable d’unifier 1,3 milliard de personnes, dans un bloc économique de 2.500 milliards de dollars, et d’inaugurer une nouvelle ère de croissance économique.

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Ainsi, de façon plus détaillée, les principaux objectifs de la ZLECAF consistent à donner vie à un nouveau marché continental de biens et de services, avec une libre circulation des personnes et des capitaux et à ouvrir la voie à la création d’une union douanière. Ladite Zone développera également le commerce intra-africain grâce à une meilleure harmonisation et à une meilleure coordination de la libéralisation des échanges à travers le continent. Elle favorisera de facto une augmentation de 52 % des échanges de biens et de 32 % de ceux de services. La Zlecaf renforcera en outre la compétitivité des industries et des entreprises grâce à l’exploitation des opportunités de production à grande échelle, à l’accès au marché continental et à une meilleure redistribution des ressources. D’autre part, il faut aussi noter que ce projet d’intégration économique pourra éventuellement être à la base de la création de plusieurs emplois sur le continent. Cependant, malgré le lancement triomphal, et surtout le recyclage de l’idée, sur les cendres du projet de la CEA, la Zlecaf demeure loin d’être une réalité sur le continent.

Un défi de titan
Cette initiative de l’Union africaine, qui semble porteuse d’espoir pour les économies locales, présente tout de même, de nombreux défis auxquels les pays africains doivent faire face. D’abord, l’une des contraintes majeures se situe au niveau de la volonté politique. Le laxisme observé lors de la mise en place du partenariat pour le développement économique de l’Afrique, et l’intégration inachevée des sous-régions sont des exemples patents. Ensuite, sur le volet juridique, l’accord de zone de libre-échange n’a pas pris en compte la question de la gestion des droits de propriété intellectuelle.

De plus, il y a également les problèmes de sécurité qui peuvent sérieusement impacter les transactions. Les conflits internes dans plusieurs pays, la criminalité organisée, terrorisme, instabilité politique, qui sont déjà des obstacles à l’intégration dans les sous-régions, sont à même de l’être aussi pour l’effectivité de la zone de libre-échange continentale. En clair, il faut retenir que ce projet d’intégration économique (Zleca) est indubitablement une initiative qui peut apporter un renouveau à l’économie africaine. Par contre, il faut tout de même garder les pieds sur terre et tirer les leçons du passé afin de faire de ce projet une réalité sur le continent africain.

Afrique, une nouvelle diplomatie économique…
Les échanges commerciaux du Maroc avec les pays africains se sont développés au cours des dernières décennies, et ce en raison de la pertinence de la diplomatie économique du Maroc qui a su construire un véritable couloir de coopération avec certains pays d’Afrique, notamment les pays de l’Afrique de l’ouest. Même si les efforts sont louables et que les retombées économiques sont là, cependant, le Maroc dans certaines régions du continent n’a pas encore déployé sa présence. Ce constat a été partagé par l’économiste Hicham Alaoui. Pour l’Economiste, le Maroc doit saisir la lucarne de la Zlecaf pour aller à la rencontre des régions africaines où il n’est pas encore présent afin d’y exporter son expertise.

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Et selon une étude de la DEPF, les secteurs qui bénéficieraient le plus de l’accord seraient «l’industrie Manufacturière, de l’Alimentaire et du Textile». Cependant, même si les avantages sur le plan économique et même social sont évidents, le projet de la Zlecaf présente tout de même certains défis.
Pour l’Economiste, l’un des enjeux majeurs est la vulgarisation auprès des opérateurs économiques. Notons d’ailleurs, que le patronat marocain a fait de cette question une priorité.

Par ailleurs, face à la grande problématique du cadre réglementaire, sans oublier le levier investissement qui pose le débat du montage financier d’un tel projet, l’Economiste a préconisé une Zlecaf par région. « Le Maroc n’a pas attendu la Zlecaf pour exporter son savoir- faire sur le continent. Aujourd’hui, le Maroc doit poursuivre son élan et penser une diplomatie économique qui doit anticiper les freins de la ZLECAF. Face aux défis économiques et juridiques, il faut construire la Zlecaf par région», alerte l’Economiste.

Des opportunités aux portes du Maroc
Selon l’institution de Bretton Woods, la réduction drastique des obstacles au commerce et à l’investissement devrait libérer le potentiel de croissance des secteurs exportateurs, dont le textile, les produits chimiques, le caoutchouc et le plastique, ainsi que les aliments transformés. L’industrie pharmaceutique nationale, à titre d’exemple, devrait renforcer sa présence dans le continent. Ce secteur, qui réalise près de 10% de son chiffre d’affaires à l’export, essentiellement avec les pays subsahariens francophones, devrait améliorer sa compétitivité grâce à la réduction des droits de douane et des barrières tarifaires.

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Les opérateurs pharmaceutiques marocains ont d’ailleurs investi le territoire africain depuis un bon moment, ce qui leur donne une bonne longueur d’avance. Sothema a jeté son dévolu sur la capitale sénégalaise Dakar en 2004 en y installant sa première unité industrielle dans le continent. Mieux encore, le laboratoire dirigé par Lamia Tazi est revenu à la charge, en 2013, en créant une filiale ouest-africaine, la West Africa Pharma, au Sénégal. D’autres laboratoires lui ont emboité le pas, comme Pharma 5 qui s’est installé à Abidjan ou encore Cooper Pharma qui a lancé deux projets d’unités industrielles, en côte d’ivoire et au Rwanda.

Outre l’industrie pharmaceutique, l’agro-industrie, un des secteurs phares du Plan d’Accélération Industrielle du royaume, devrait donner un coup de boost à son activité grâce à la Zlecaf. Cependant, «les exportations restent inférieures par rapport à leur potentiel», constate l’Institut marocain d’intelligence stratégique (IMIS) dans une étude sur le secteur parue en 2022. Et d’ajouter : «les produits marocains de l’agro-industrie sont en effet principalement destinés au marché domestique, les biens exportés ne représentant que 12% du total des exportations industrielles pour une valeur d’à peine 1,7 milliard de dollars».

 
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