Marché du travail

Emploi informel. La bataille devient plus rude !

L’emploi informel au Maroc constitue un défi majeur à relever. Malgré la mise en place de plusieurs mesures en vue de faire face à ce problème, il n’en demeure pas moins que la lutte contre l’informel est toujours d’actualité et la bataille contre ce fléau devient plus rude. Les raisons sont multiples, mais la sous qualification des ressources humaines devient de plus en plus pesante. Explications. 

C’est un constat toujours d’actualité, l’informel sévit encore et en force sur le secteur de l’emploi au Maroc. Un rapport publié ce mardi 18 juillet par le Policy Center for the New South a mis en lumière l’évolution du secteur informel et son poids toujours aussi important dans l’économie du pays. 

Intitulé « l’informel au Maroc : repenser la structure globale des incitations pour une économie plus inclusive et dynamique », ce rapport a bénéficié du soutien financier de la Banque mondiale, et a été réalisé dans le cadre de l’élaboration du rapport publié par cette institution sur l’informel dans la région Mena, intitulé « Informality and Inclusive Growth in the Middle East and North Africa ». En effet, le secteur informel est une composante essentielle de l’économie marocaine, employant une large partie de la population, mais nuisant à la productivité, aux recettes fiscales de l’État et à la croissance économique à long terme. Sur la base de la définition adoptée dans ce rapport et qui définit les travailleurs informels comme étant ceux qui ne sont pas couverts par les régimes contributifs de sécurité sociale de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et de la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale (CNOPS)1, le taux d’emploi informel représente près de 77 % de l’emploi total. 

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Le poids important de ce secteur est une question préoccupante pour l’économie marocaine. En effet, « ce niveau élevé de l’informel présente plusieurs inconvénients, tant pour les travailleurs (précarité et insécurité de l’emploi, bas salaires, mauvaises conditions de travail, faibles perspectives d’évolution et de développement de carrière,…) que pour l’État (pertes en termes de recettes fiscales) et, enfin, pour le tissu économique en raison de ses effets négatifs sur la productivité et de la concurrence déloyale qu’il permet vis-à-vis du secteur formel et aussi de ses effets négatifs sur la compétitivité », expliquent les auteurs de l’étude. 

Une éventuelle aubaine ? 

Toutefois, ces derniers nuancent la situation affirmant que « le secteur informel n’est pas uniquement un facteur pénalisant la croissance économique, mais aussi un filet de sécurité sociale et une source importante de revenus pour un grand nombre de familles et de travailleurs qui rencontrent des difficultés à trouver un emploi dans l’économie formelle ». Youness Sahibi, Consultant économiste, Doctorant en économie et développement durable affirme à cet effet, que « le secteur informel au Maroc présente à la fois des avantages et des inconvénients, notamment dans le contexte de crises économiques. Sa nature flexible lui permet de démontrer une certaine résilience en offrant des revenus de subsistance et des opportunités aux travailleurs et aux entreprises vulnérables pendant les périodes difficiles. Cependant, il est important de noter que la crise du COVID-19 a été une exception, car les mesures de confinement strictes ont durement touché le secteur informel, le laissant sans soutien significatif, contrairement au secteur formel ».

En effet, bien que le secteur informel puisse représenter une opportunité pour certains, il présente également des défis. « Son caractère non réglementé et informel entraîne une instabilité et limite l’efficacité des politiques publiques. Selon le compte satellite de l’emploi de 2014 du HCP, environ 67,6% de l’emploi au Maroc est informel, rendant difficile pour les politiques publiques de cibler la majorité des emplois dans le pays. Cette prévalence de l’informel a des répercussions négatives sur l’économie marocaine, notamment en termes d’équilibres macroéconomiques, d’inégalités socio-économiques et de développement global du pays » précise l’expert. De plus, les travailleurs du secteur informel font souvent face à des conditions de travail précaires, sans protections sociales adéquates, et reçoivent des salaires bas, ce qui accentue les inégalités socio-économiques.

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Pour ce faire, l’étude souligne l’importance d’aller au-delà de la simple mise en application des lois en tant que solution unique pour combattre le phénomène de l’informalité. Elle met en évidence l’importance de prendre en considération le rôle fondamental que peut jouer la structure globale des incitations dans l’influence des choix opérés par les entreprises et les travailleurs, que ces derniers optent pour des activités formelles, informelles ou une combinaison des deux.

Des ressources humaines sous-qualifiées 

Autre problème du secteur de l’emploi est la sous-qualification des ressources humaines disponibles sur le marché du travail marocain qui est un autre défi majeur pour l’emploi au pays. Cette sous-qualification peut être l’une des raisons qui poussent certains travailleurs à se tourner vers le secteur informel, car ils ne parviennent pas à s’intégrer dans le circuit formel. Cependant, il convient de noter que malgré ces défis, le Maroc attire des investissements étrangers en grande partie grâce à la disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée et flexible. Par exemple, le secteur automobile en plein essor au Maroc est demandeur de main-d’œuvre hautement qualifiée et spécialisée, tout comme d’autres secteurs industriels et de services. «Pour résoudre les problèmes liés au secteur informel et à la sous-qualification, il est essentiel pour les autorités de mettre en place des politiques publiques efficaces, de renforcer l’éducation et la formation professionnelle, et de promouvoir un dialogue constructif entre les acteurs économiques et sociaux. En combinant ces efforts, le Maroc pourrait créer un marché du travail plus inclusif, stable et compétitif», explique Youness Sahibi. Même constat à quelques différences près apparaissent au niveau des données publiées du compte satellite de l’emploi (CSE) publié par le Haut-Commissariat au Plan (HCP), qui fait ressortir un taux de près de 70% du secteur informel au Maroc. 

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Aussi, le marché de l’emploi au Maroc souffre toujours de plusieurs causes sous-jacentes. Les catégories de population les plus touchées par le chômage sont principalement les femmes et les jeunes. Selon les dernières données du HCP, le taux de chômage reste élevé chez les jeunes âgés de 15 à 24 ans (35,3%), les diplômés (19,8%) et les femmes (18,1%).

Concernant l’emploi informel, «il constitue souvent la seule option pour certaines femmes, notamment celles qui sont mères et ne peuvent pas travailler à plein temps. Ces femmes sont désavantagées dans l’accès aux postes à forte implication professionnelle. De plus, les congés de maternité peuvent représenter un handicap dans leur insertion professionnelle en raison du manque de flexibilité et de rigidité du cadre réglementaire dans ce secteur», précise Sahibi.

Les jeunes, plus touchés 

Quant au chômage des jeunes, il est un problème répandu dans de nombreux pays ayant des taux de natalité élevés. Selon le Global Development Commons, les jeunes sont environ trois fois plus susceptibles d’être au chômage que les adultes. Cette problématique a des répercussions significatives sur la croissance, le développement et la stabilité économique et politique des pays. Ignorer ce problème pourrait entraîner des conséquences graves sur la cohésion sociale.

L’inadéquation des compétences est une cause majeure du chômage des jeunes. D’un côté, il y a des milliers de jeunes peu ou non scolarisés, prêts à travailler, mais les entreprises recherchent des compétences qu’ils n’ont jamais acquises. D’un autre côté, de nombreux jeunes diplômés se retrouvent surqualifiés pour leurs emplois et sont sous-employés.

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Il est également important de noter que tous les jeunes ne sont pas également touchés par le chômage, car les inégalités d’opportunités sont assez importantes au Maroc. « Les jeunes qui ont accès à une bonne éducation, à un réseau familial solide, à des régions avec une offre abondante de travail et à des ressources financières importantes en raison de la richesse de leur famille ont une probabilité plus faible de rester au chômage » explique l’Expert.

Toujours selon ce dernier, pour faire face à ces défis, « des politiques publiques ciblées, axées sur l’éducation, la formation professionnelle, l’adéquation des compétences et la création d’opportunités économiques pour les jeunes et les femmes pourraient jouer un rôle crucial dans la réduction du chômage et l’amélioration de l’inclusion socio-économique au Maroc ». 

 
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