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Le Maroc se positionne dans l’intelligence artificielle [Par Charaf Louhmadi]

Intelligence artificielle, machine learning et réseaux de neurones

En informatique, on appelle « machine learning » ou apprentissage automatique les programmes qui ont la capacité « d’apprendre » sans qu’on ne modifie aucune ligne de leurs codes. Un script de machine learning utilise les entrées ou « inputs » et les sorties ou « outputs » afin de produire une méthode ou une technique permettant d’obtenir des réponses plus précises et plus optimisées à partir des résultats produits précédemment.

Les programmes d’apprentissage automatique sont ainsi opposés aux programmes dits « classiques » et basés sur des entrées « inputs » en vue de produire des sorties « outputs ». Le machine learning repose essentiellement sur des techniques et des branches des mathématiques appliquées, à l’image des statistiques, des méthodes numériques ou encore de l’optimisation. Le célèbre Chatbot ChatGPT développé par l’entreprise californienne OpenAI utilise à la fois du machine learning (Apprentissage automatique) et du deep learning (Apprentissage profond).

Les agents conversationnels IA comme ChatGPT se basent également sur les réseaux de neurones artificiels, dont la création date des années 1950 et dont l’objectif initial est de modéliser mathématiquement le comportement de neurones biologiques. Dans ce sens, des études ont d’abord ciblé les neurones se trouvant dans le cortex des mammifères.

Des psychologues de renom, comme Franck Rosenblatt, ont travaillé sur ce sujet qui par ailleurs fait le pont entre mathématiques, biologie et psychologie. Le premier réseau de neurones fut découvert par Rosenblatt en 1957 et qui utilisait des modèles linéaires très simples et une binarité qui le rendaient compréhensible, pratique, mais limité.

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De plus en plus de technologies et d’outils d’IA utilisent le « deep learning » ou l’apprentissage profond, ce dernier faisant appel à une typologie de réseaux de neurones avancés et complexes combinés à des algorithmes eux aussi assez sophistiqués. Les plus aguerris reconnaîtront des termes comme le « LSTM » (Long Short-Term Memory), le « CNN » (Convolutional Neural Nets) ou encore les « CapsNets » ou réseaux de capsules.

A noter que des techniques comme le deep learning ne sont pas parfaites car rencontrant des problèmes de convergence et de minimisation d’erreurs, du fait entre autres de la volumétrie des réseaux de neurones embarqués. Ces failles peuvent expliquer les inepties que formulent parfois des outils comme ChatGPT.

De l’utilité de l’intelligence artificielle 

L’IA a d’ores-et-déjà des conséquences sur notre quotidien et va continuer à l’impacter de manière significative. Les entreprises commencent à faire usage de ces technologies en vue de réduire leurs coûts ou encore pour améliorer et automatiser leurs processus internes. De grandes entreprises de la tech à l’image de Snap ou Shopify utilisent à titre d’exemple les API de ChatGPT qui connaît un succès planétaire car permettant la création de contenus (textes, programmes informatiques…) plus ou moins de qualité en un temps record.

Même les développeurs s’y attèlent et utilisent abondamment, et parfois sur des sujets complexes, des bouts de codes livrés par cet agent conversationnel. Avec l’intelligence artificielle, des tâches jadis chronophages deviennent réalisables en quelques secondes, voire quelques minutes. On peut citer, à titre d’exemple, la création et le design de sites Web.

De nombreux salariés et entrepreneurs commencent eux-aussi à se doter d’assistants virtuels permanents pour leur déléguer des tâches du quotidien. Les étudiants ont eux aussi saisi le potentiel de ces IA et les utilisent dans leurs exposés et travaux, bien que ces intelligences ne soient pas complètement au point aujourd’hui et génèrent de manière non négligeable des erreurs dans les réponses formulées.

Pour autant, un bon nombre de chercheurs et intellectuels s’accordent pour acter la progression fulgurante des intelligences artificielles et de l’impact que cela aura sur notre quotidien. L’utilité de l’intelligence artificielle, dont les usages croissent exponentiellement, est donc avérée.  

L’IA, quelles limites ?  

Pour illustrer certaines limites actuelles et potentiellement perfectibles de l’IA, prenons l’exemple de ChatGPT. Tout d’abord, la version publique de l’outil utilise une base de données qui s’arrête en septembre 2021. Ensuite, l’outil semble limité lorsqu’il s’agit de problématiques académiques pointues, notamment pour énoncer des démonstrations complexes de certains théorèmes mathématiques. Ainsi il a été incapable d’énoncer de bout en bout la démonstration de l’illustre mathématicien Paul Erdős du théorème des nombres premiers.

De surcroit, l’outil ChatGPT ne cite pas de sources dans ses réponses et invente même parfois des références inexistantes, ce qui est naturellement est problématique quant à sa crédibilité.  En outre, le chatbot d’OpenAI affiche parfois des bugs ou met beaucoup de temps à réagir lorsque des requêtes difficileslui sont adressées, et il n’est pas impossible de voir apparaître des messages d’erreurs du type « ChatGPT is at capacity right now » ou encore « Network error ».

Autre point important, que l’on peut considérer à la fois comme une limite et une menace des IA, c’est leur sensibilité aux biais présents dans les données dans lesquelles elles s’entraînent. Cela peut générer de la discrimination par exemple dans le domaine du recrutement et des ressources humaines. Il est donc nécessaire que les concepteurs et les utilisateurs de ces outils en aient conscience et prennent cela en considération. 

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Enfin les intelligences artificielles, du fait qu’elles ne sont pas humaines, peuvent ne pas interpréter certaines formes d’humour ou de sarcasme ou encore ne pas avoir d’esprit critique.

L’IA nous menace-t-elle ?

L’une des menaces principales de l’IA, c’est la destruction d’emplois, parfois même très qualifiés. D’après des études récentes, plus du quart des emplois en Europe et aux Etats-Unis pourrait assez rapidement être remplacé par des robots utilisant l’intelligence artificielle générative. L’IA a d’ores-et-déjà fait ses premières victimes en bourse. L’entreprise californienne d’EdTech Chegg a vu s’évaporer plus de la moitié de sa valeur cotée et son patron Dan Rosensweig a expliqué que cela était directement lié à l’engouement des étudiants pour ChatGPT.

Une autre menace des IA : leur vulnérabilité aux cyberattaques et par ricochet à la manipulation. Par exemple on peut imaginer les dégâts colossaux que ferait un véhicule autonome, pilotée par une intelligence artificielle et cible d’une cyberattaque ou encore si des robots utilisant des intelligences artificielles dans les hôpitaux venaient à en être sont victimes. Toujours à ce registre, on peut citer également la sophistication inéluctable des courriels de phishing dans les arnaques. Le renforcement drastique des systèmes de sécurité des intelligences artificielles est par conséquent un sujet majeur.

Dans le domaine militaire, si des robots intelligents déployés en mission, sont victimes de cyberattaques, les vies des soldats et des civils seraient clairement en danger. Il n’est pas impossible d’imaginer dans quelques décennies, ou même quelques années, des guerres sophistiquées dans lesquelles celui qui détiendrait l’intelligence artificielle la plus élaborée aurait un énorme avantage.

Des entreprises marocaines se lancent dans l’IA 

Des start-ups innovantes, dont le cœur de métier est l’intelligence artificielle, commencent à apparaître au Maroc, souvent lancées « from scratch » grâce à un vrai travail de bénédictin. Dans le domaine de la santé, à titre d’exemple, deux startups, précisément DeepEcho et Sobrus, ont l’ambition d’en révolutionner les services. Ces deux entreprises, des plus prometteuses, ont participé à la première édition d’Investing In Innovation (i3), un programme continental soutenu par la Bill & Melinda Gates Foundation ainsi qu’Impact Lab, un catalyseur africain de l’innovation.

L’Etat s’intéresse également de plus en plus à l’IA. Le ministère de l’Emploi va procéder à la mise en place d’un observatoire utilisant l’intelligence artificielle en vue d’améliorer les processus d’orientation des demandeurs d’emploi.  Les grands groupes marocains intègrent eux aussi progressivement l’intelligence artificielle dans leurs procédés. C’est le cas de la multinationale marocaine Intelcia, qui inclut désormais ces technologies dans ses processus d’outsourcing.

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L’Université Mohammed VI Polytechnique de Benguérir de son côté, s’investit et investit dans l’IA. Elle a alloué un budget conséquent pour l’IA et s’est dotée fin 2022 d’un Centre international d’intelligence artificielle. L’UM6P a organisé en janvier dernier la deuxième édition du TechInnov Day « AI for Africa » et y a invité une pointure mondiale de l’IA, Yann le Cun, lauréat du prestigieux prix Turing en 2018 et directeur de la recherche et du développement du géant Meta. L’évènement a été coorganisé par l’Ecole Polytechnique et l’Ecole Centrale Casablanca. Au regard de cet intérêt palpable des institutions et entreprises privées et de l’Etat, il semble bien que le Royaume soit bien positionné sur ces enjeux technologiques cruciaux du 21ème siècle.

Sur les réseaux sociaux, un engouement des marocains pour les sites pratiques utilisant l’IA

De nombreuses vidéos, que l’on retrouve sur les réseaux sociaux, illustrent l’engouement croissant des marocains pour l’intelligence artificielle. Des influenceurs marocains défilent au cours de ces vidéos différents sites utiles permettant aux intéressés d’optimiser leur travail et leurs recherches. Ainsi, on peut retrouver des marocains faisant l’éloge de sites IA tels :

–          www.slides.com qui permet de générer des slides de manière automatique

–          www.meety.ai permettant de mettre en place des comptes-rendus de réunions

–          www.deapleaf.io pour aider les agriculteurs dans la détection de certaines maladies

–          www.roomgpt.io qui sert d’outil de design intérieur

–          www.atua.app une version de ChatGPT fortement compatible avec MAC

 Ces vidéos, dont les auteurs s’expriment assez souvent en « darija », rencontrent un certain succès dont témoigne le nombre de vues et de réactions. 

Charaf Louhmadi est consultant, chroniqueur & auteur d’ouvrages.

 
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