Exploration spatiale

Spatial. L’Afrique revendique sa part du ciel

Dans une course à l’espace dominée par les Etats-Unis, l’Afrique tente de se positionner pour réclamer sa part du ciel. Aux côtés de l’Égypte et de l’Afrique du Sud, le Maroc s’aligne pour rallier la cause spatiale continentale. Assiste-t-on pour autant aux prémices d’une économie orbitale africaine ?

C’est au cœur de Marrakech que les astrophysiciens africains convergeront, du 15 au 20 avril prochain, pour étudier le ciel, échanger et mettre en commun leurs précieuses données cosmiques, dans l’objectif d’initier une vision commune dans la recherche spatiale africaine. Ce rassemblement scientifique prévu en marge de la Conférence AFAS 2024 (voir encadré) survient après une étape importante: la création de l’Agence spatiale africaine (AfSA), actée officiellement en janvier 2023, dans le sillage d’un accord conclu entre la Commission de l’Union Africaine (UA) et le gouvernement égyptien, désignant l’Égypte comme pays hôte.

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Cette dynamique continentale se voit renforcée par l’élection, le 16 février dernier d’Amal Layachi, Experte marocaine dans le domaine de l’observation de la Terre et des systèmes d’information géographique, au Conseil de l’Agence spatiale africaine (AFSA) lors de la 44e session du Conseil exécutif de l’Union africaine. Cette élection, qui s’est déroulée avec un soutien marquant de 35 voix, confie à Layachi le rôle de représentante pour la région du Nord, et renforce, ce faisant, l’entrée en lice du Maroc dans la définition de l’avenir spatial du continent.

«C’est un nouveau jalon dans l’épopée de la conférence, traditionnellement organisée en Afrique du Sud, qui met en exergue l’engagement des scientifiques africains à s’investir de manière significative dans la recherche astronomique et spatiale», soutient Youssef Moulane, Chercheur en astronomie et sciences spatiales à l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P). En consolidant la coopération scientifique interafricaine, l’initiative vise, ce faisant, à épouser la dynamique impulsée par les États africains, en particulier, depuis la création de l’Agence spatiale africaine. «La constitution de l’Agence spatiale africaine (AfSA) constitue un tournant décisif pour le continent africain. Ce n’est pas seulement un signal fort pour les États africains, mais il ouvre également des horizons prometteurs pour les chercheurs africains», s’enthousiasme Youssef Moulane.

Un marché de «22,64 milliards de dollars » !

La vision fondatrice, telle qu’énoncée dans les statuts de l’Agence Spatiale Africaine, entend dégager des synergies entre les États membres de l’Union africaine, à même d’exploiter le potentiel naissant de l’espace, au service du «développement durable en Afrique». Au-delà de la simple exploration, l’objectif est de forger un espace où les technologies et les sciences spatiales servent directement les besoins des sociétés africaines, depuis la gestion des ressources jusqu’à la prévention des catastrophes naturelles, en passant par l’amélioration des infrastructures Télécoms.

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Cette ambition se matérialise avec le lancement réussi, le 6 décembre 2023, du satellite MisrSat-2 par l’Égypte. Selon l’Agence spatiale égyptienne, ce satellite avancé promet de faciliter la conduite de recherches à l’échelle du continent, tout en renforçant significativement l’autonomie de l’Afrique dans le domaine de l’observation terrestre. Mais au-delà de la simple utilité des outils spatiaux pour le développement des pays africains, la conquête de l’espace revêt également un enjeu économique non négligeable. L’exploration spatiale constitue, en effet, un vecteur économique majeur, avec un marché estimé à 22,64 milliards de dollars d’ici 2026, et devrait générer environ 19 000 emplois à travers le continent.

Le Maroc, bien positionné

Dans la constellation des nations engagées dans la conquête spatiale, le Maroc joue un rôle pivot dans ce projet, non seulement en tant que membre actif de l’Union africaine mais aussi en raison de ses avancées significatives en la matière. Rappelons, que le royaume a fait son entrée officielle dans le domaine spatial avec le lancement de deux satellites d’observation de la Terre, Mohammed VI-A et Mohammed VI-B, lancés respectivement le 7 novembre 2017 et le 20 novembre 2018. Ces satellites ont été envoyés dans l’espace à bord d’une fusée Vega d’Arianespace depuis le Centre Spatial Guyanais, marquant ainsi une étape décisive dans l’affirmation de sa présence sur la scène spatiale internationale.

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La stratégie spatiale marocaine couvre une gamme étendue d’applications, allant de l’agriculture à la défense nationale, en passant par la gestion des catastrophes, le suivi environnemental, et la surveillance des frontières et du littoral. Une approche qui témoigne de la volonté du royaume d’exploiter le potentiel des technologies spatiales pour répondre à divers enjeux nationaux. Après leur mise en orbite réussie, ces engins spatiaux avancent, toutefois, inexorablement vers la fin de leur cycle de vie opérationnel, prévu pour «durer au moins cinq ans». «Au-delà de la technologie et de la stratégie, le programme spatial marocain porte en lui les aspirations de jeunes chercheurs en astronomie et toute une génération qui se prépare à contribuer à l’aventure spatiale du continent», avance Youssef Moulane.

Tensions géopolitiques

Ceci dit, l’émergence d’une vision spatiale panafricaine, que les acteurs astronomiques du continent appellent de leurs vœux, ne se résume pas aux seules politiques industrielles et/ou aux questions économiques mais aussi géopolitiques. Dans le contexte africain, l’émergence d’ambitions spatiales soulève une série de considérations, allant de la gestion des ressources orbitales à l’impact des investissements étrangers.

Tout comme la gestion des espaces aériens, la compétition pour des ressources spatiales limitées, telles que les orbites géostationnaires et les spectres de fréquence, pourrait potentiellement engendrer des tensions entre pays limitrophes. L’influence des puissances étrangères dans le développement spatial de l’Afrique soulève également des questions de souveraineté et d’autonomie, où la collaboration bénéfique peut parfois frôler des dynamiques de dépendance.

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S’y ajoute la perspective d’une militarisation de l’espace, bien que pas encore prédominante, suggère des implications futures pour la sécurité régionale et nécessite une approche prudente pour éviter une éventuelle course aux armements.

Mais, c’est là qu’intervient l’Union Africaine (UA) en tant qu’instance garante de l’aspect sécuritaire. En établissant des cadres réglementaires et des directives pour la gestion des activités spatiales, l’UA aspire à prévenir les conflits en assurant une utilisation équitable et transparente des ressources spatiales. Par le biais de la diplomatie et des partenariats stratégiques, l’UA entend promouvoir, en ce sens, les principes de coopération et de non-agression.

La nécessité d’une vision panafricaine coordonnée dès lors s’impose, touchant à la promotion de la surveillance environnementale, la prévention des catastrophes, et l’amélioration des infrastructures télécoms, incontournables pour assurer la sécurité et le bien-être des populations locales.

 
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