Dossier

Stress hydrique. Comment le royaume va faire face

Le déficit en eau, couplé avec la multiplication des épisodes extrêmes placent le royaume dans une situation climatique préoccupante. Le temps pour le Maroc, au plus haut niveau de l’Etat, de tirer la sonnette d’alarme.

Face aux effets déjà visibles du changement climatique, dont le stress hydrique n’est que la pointe de l’iceberg, les questions autour de la nécessaire adaptation se posent désormais avec une acuité sévère. Pour répondre efficacement aux défis climatiques, nous devons agir avec audace et parfois en rupture avec le passé, c’est ce qui explique qu’un plan sans précédent d’adaptation au changement climatique devrait être adopté suite aux instructions royales,  dont les grandes lignes  prévoient comme objectif principal une diminution drastique de la consommation d’eau d’ici à 2030.  

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Pour faire face au stress hydrique, le moment est venu pour le gouvernement de reprendre son bâton de pèlerin car la catastrophe climatique, nous impose des changements cruciaux dans les politiques menées à l’échelle du pays, à commencer par la rupture forcée avec les dogmes d’une eau abondante et bon marché qui nous ont si longtemps corsetés et nous ont laissés démunis face à la crise qui arrive doucement mais sûrement. Nous avons agi, comme toujours, en pompiers, répondant dans la hâte à chaque crise liée à l’eau et 2024 sera quoi qu’on en dise, une année de bascule où il faudra agir sur les causes structurelles de cette crise. D’autant plus que le Royaume, classé parmi les pays au stress hydrique élevé, se trouve désormais face à une situation où la demande en eau est aujourd’hui supérieure à l’offre selon le dernier rapport du World Ressources Institute (WRI) qui avait classé le Maroc à la 23e place sur un total de 164 pays. Même cri d’alarme du côté du CESE qui rappelle que  le stress hydrique évolue chaque année vers une constante structurelle avec laquelle le Maroc devra désormais composer. En effet, de 2019 à 2022, la météo a été marquée par une sécheresse qu’on n’a jamais vue depuis les années 60, aggravée par un déficit pluviométrique de -32% par rapport à la normale climatologique établie sur la période 1981-2010. Plus près de nous, on note un déficit pluviométrique de 70% par rapport à la moyenne de septembre à mi-janvier 2024. 

L’année qui rentre devra marquer l’un de ces tournants qui forgent une transition écologique forcée puisque face au défi climatique, nous devons agir avec audace et parfois en rupture avec le passé. Dans le pipe, une série d’actions concrètes déroulées devant Mohammed VI ce 16 janvier 2024,  avec un plan d’action d’urgence, décliné au niveau des différents systèmes hydrauliques du Royaume, qui prévoit notamment une diversité de mesures comprenant, à court terme, la mobilisation optimale des ressources au niveau des barrages, des forages et des stations de dessalement existantes, la réalisation d’équipements urgents d’adduction et d’approvisionnement de l’eau, et là où la situation l’exige des mesures éventuelles de restriction de l’eau d’irrigation ou des débits de distribution.

Parallèlement, il sera procédé à l’accélération des chantiers programmés ayant un impact à moyen terme, en particulier les barrages en cours d’exécution, l’interconnexion entre les bassins du Sebou, du Bouregreg et d’Oum Rabia, le programme national des stations de dessalement de l’eau de mer, le programme de réutilisation des eaux usées épurées, le programme de l’économie de l’eau au niveau des réseaux d’adduction et de distribution de l’eau potable et d’irrigation. Il faut aussi rappeler que les sécheresses et le changement d’étiage, c’est-à-dire le niveau minimal des cours d’eau, ne concernent pas seulement le fleuve et ses rivières. Les fameux lacs qui faisaient le charme des villes de montagnes comme Ifrane ou Azrou (Dait Aoua, Dait Achlaf), ont vu leur température augmenter de plusieurs degrés au cours des vingt dernières années quand elles n’ont pas carrément disparu. Non sans conséquences biologiques car la baisse d’étiage, voire la disparition brutale de l’eau, a perturbé non seulement les activités touristiques mais également la pisciculture qui faisait vivre de nombreuses familles dans ces régions. Ce qui pose désormais d’autres défis liés à la préservation de l’environnement. On le voit, les changements climatiques sont graves parce qu’ils impactent fortement l’économie des régions et modifient les pratiques, ce qui révèle la fragilité de l’économie liée aux cours d’eau qui sont sans doute les plus exposés aux phénomènes extrêmes que nous constatons. Dans ce contexte, l’état des nappes d’eau souterraines est d’ailleurs toujours aussi préoccupant.  

Des orientations royales qui reviennent comme un leitmotiv tant la question est d’une urgence vitale, au point où le Souverain en avait fait l’ouverture de son discours au cours de la première session de la deuxième année législative de la 11-ème législature en octobre dernier. Une crise de l’eau placée en haut des priorités du Chef de l’Etat qui a rappelé la nécessité de gérer la problématique de l’eau, dans toutes ses dimensions. 

Une situation qui perdure, mais qui a poussé le Roi à appeler à «un traitement diligent de la problématique de l’eau, dans toutes ses dimensions, et notamment à une rupture avec toutes les formes de gaspillage ou d’exploitation anarchique et irresponsable de cette ressource vitale tout en renforçant la politique volontariste de l’eau et de rattraper le retard dans ce domaine ».

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Pour répondre à cette situation d’urgence, le Roi avait décliné une feuille de route axée sur trois orientations : en premier lieu, le recours aux innovations et technologies nouvelles dans le domaine de l’économie de l’eau ; deuxièmement accorder une attention particulière à une exploitation rationnelle des eaux souterraines et à la préservation des nappes phréatiques et finalement ne jamais oublier que la question de l’eau n’est pas l’affaire exclusive d’une politique sectorielle isolée, mais qu’elle constitue une préoccupation commune à tous les secteurs.

C’est pour cela que dans ses dernières orientations, le Souverain a invité le gouvernement à instaurer une communication transparente et régulière vis-à-vis des citoyens sur les évolutions de la situation hydrique et concernant les mesures d’urgence qui seront mises en œuvre, tout en renforçant la sensibilisation du grand public à l’économie de l’eau et à la lutte contre toutes les formes de gaspillage ou d’usages irresponsables de cette matière vitale.

Parmi les défis qui se posent, il y a la sensibilisation à l’économie nécessaire et incontournable de cette précieuse denrée, il faut absolument que les populations aient conscience d’un avenir où la préservation de l’eau deviendra un enjeu central. L’eau est un patrimoine national, il faut nous interroger sérieusement sur sa gestion, individuellement et collectivement. Les choses doivent changer et les habitants devraient adopter d’eux-mêmes des petits gestes du quotidien pour économiser l’eau, car notre région se situe pleinement dans la problématique des changements climatiques. Elle est sans doute la plus exposée aux phénomènes extrêmes que nous constatons. Dans ce contexte, l’état des nappes d’eau souterraines est toujours préoccupant. 

 
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