Enseignement

Comment le Maroc est devenu un hub pour les écoles étrangères

Depuis quelques années, le Maroc est devenu le point de convergence des grandes écoles étrangères. Tour d’horizon de cet écosystème éducatif : écoles françaises, espagnoles, belges…

La France, l’Espagne, les États-Unis, l’Italie et la Belgique ont fait du Maroc un véritable bassin stratégique pour l’enseignement. Avec leur réputation fondée sur la qualité de leur enseignement, ces différentes grandes enseignes de l’éducation ont le vent en poupe auprès des parents au Maroc, et ce, malgré les tarifs élevés qu’elles proposent. Quelle est la particularité de chaque système et quel est le prix à payer ? Tour d’horizon.

La mission française, la plus implantée

Pour des raisons historiques, le réseau des écoles françaises est à la fois le plus ancien et le plus dense au Maroc. Selon l’AEFE, il scolarise chaque année plus de 34 000 élèves, dont plus de 60% sont Marocains. Ils sont répartis sur 47 établissements, implantés dans les principales villes, notamment sur l’axe Rabat-Casa. Ces établissements dépendent pour 23 d’entre eux de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), tandis que neuf autres relèvent de l’Office scolaire universitaire et international (OSUI).

Les frais de scolarité y varient en moyenne entre 41 030 et 46 180 dirhams par an (entre 3 822 et 4 302 euros). Par exemple, l’Ecole internationale de Casablanca (EIC), faisant partie du réseau AEFE, propose des droits de première inscription de 16 000 dirhams ; les frais de scolarité pour la maternelle s’élèvent à 39 000 dirhams par an, et à 43 000 dirhams pour le primaire. Quant aux écoles du réseau OSUI, les tarifs en vigueur en 2018-2019 varient entre 40 000 et 50 000 dirhams de droits de première inscription et entre 43 650 et 46 170 dirhams annuels pour les frais de scolarité de la maternelle et du primaire.

Enfin, l’Ecole française internationale de Casablanca (EFI), partenaire de l’AEFE, affiche des frais de première inscription à 40 000 dirhams, tandis que la réinscription coûte 6 000 dirhams. Les frais de scolarité varient entre 43 500 dirhams pour la maternelle et 49 000 dirhams pour le primaire.

Signalons qu’à cause de leur augmentation continue, les tarifs provoquent à plusieurs reprises la colère des parents d’élèves.

L’école espagnole : une approche sans frais d’inscription

La mission espagnole est la deuxième moins chère après celle italienne. Elle se distingue par son approche qui ne requiert pas de frais d’inscription. Les frais de scolarité y sont fixés à 21 000 dirhams par an de la maternelle au lycée. En termes de présence, la mission espagnole suit la mission française.

L’école belge

L’école belge de Casablanca accueille près de 700 élèves de 2 ans et demi à 18 ans depuis 2014. Les frais de scolarité sont de 47 000 dirhams pour la maternelle [4 300 euros], 57 000 dirhams pour le primaire [5 200 euros] et 67 000 dirhams pour le lycée [6 100 euros].

L’école américaine à la mode

Considérée comme la plus prestigieuse mais aussi la plus chère, l’école américaine possède cinq établissements dans différentes villes du Maroc, accueillant 2813 élèves. Les prix annuels sont fixés à 64 170 dirhams pour la maternelle, 110 745 dirhams pour le primaire, 129 375 dirhams pour le collège et 134 550 dirhams pour le lycée.

L’école italienne : la plus abordable

L’école italienne est la plus abordable des écoles étrangères. Les frais de première inscription s’élèvent à 5 000 dirhams, payables une seule fois. Les frais de scolarité varient de 17 500 dirhams par an pour la maternelle à 19 500 dirhams pour le primaire. Elle propose également des réductions dès le troisième enfant.

L’école britannique

Les frais de première inscription s’élèvent à 40 000 dirhams et les réinscriptions sont à 6 000 dirhams les années suivantes. Les frais de scolarité commencent à 66 096 dirhams. Le système britannique se distingue par son approche “active learning” et ses propres spécificités, basées sur la collaboration, la créativité et les nouvelles technologies. L’école intègre l’enseignement supérieur britannique.

Les raisons du succès

Contacté par Challenge.ma pour comprendre cette forte présence des écoles étrangères au Maroc, le CEO du cabinet Archimed Consulting, spécialiste en orientation et conseil éducatif, Mohammed Tazi, nous éclaire sur le sujet. « Ce phénomène n’est pas récent, mais il s’est intensifié ces dernières années. Au Maroc, le secteur privé d’enseignement secondaire payant se développe de plus en plus. Les parents sont habitués à payer des frais de scolarité élevés. Ces institutions étrangères savent pertinemment qu’il y a un bassin important d’étudiants potentiels au Maroc. Ils sont persuadés que le Maroc est appelé à devenir une destination régionale importante pour les étudiants étrangers, comme c’est le cas aujourd’hui pour la Turquie et l’Arabie Saoudite. Ces établissements considèrent l’implantation de filiales ou antennes comme un élément important de leur stratégie de développement. »

Et de poursuivre : « Le Maroc est un pays politiquement stable. Son économie est en croissance continue. Les pouvoirs publics encouragent les investissements dans le secteur de l’éducation et jouent un rôle important dans ce mouvement. Cela est de nature à rassurer les investisseurs étrangers dans ce secteur ». Selon l’expert en éducation, il y a aussi un enjeu stratégique derrière cela. « Le Maroc a une coopération assez solide avec la plupart de ces pays. Et ces écoles sont quelque part une continuité de cette diplomatie de coopération ».

Par ailleurs, dans l’enseignement supérieur également, on note une véritable percée des écoles étrangères. « Nous avons effectivement vu l’implantation de grandes écoles étrangères, telles que le Collège Lasalle, une grande école canadienne dès 1989, TBS (Toulouse Business School), l’Ecole centrale, Grande école d’ingénieurs française, l’EIGSI Grande école d’ingénieurs Rocheloise qui a aussi installé une filiale à Casablanca, ESSEC à Bouknadel, EM Lyon à Casablanca, Lasalle International College Canada qui a acquis il y a 5 ans HEM Maroc, et l’arrivée de fonds d’investissement importants, comme AfricInvest qui a racheté ISGA, Art Com et Com Sup, qui s’intéressent à l’éducation au Maroc, TBS à Casablanca, des écoles du groupe espagnol Planeta à Rabat, et récemment ESC Clermont à Marrakech… Ce mouvement va certainement s’intensifier les prochaines années ».

Selon l’expert, cela s’explique par plusieurs facteurs :

Le développement d’un enseignement privé supérieur, notamment dans le management, au Maroc, qui remonte déjà au début des années 1989, et la création par la suite d’universités privées qui s’intéressent à plusieurs domaines, dont l’architecture, l’ingénierie, le médical et le paramédical. L

e mouvement des étudiants marocains qui poursuivent leurs études à l’étranger, datant du début des premières années d’indépendance. Les étudiants marocains se rendent en France pour leurs études supérieures, mais aussi dans des pays de l’ex-URSS, en Allemagne, en Espagne, et récemment vers le Canada. Les contraintes dues à la cherté des études dans ces pays et celles liées aux problèmes d’obtention de visas pour études poussent de nombreux Marocains à rester étudier au pays. Ces établissements français, espagnols et belges ont l’habitude d’accueillir des étudiants marocains. Ils connaissent leur niveau d’études et les jugent en général bons, voire excellents pour certains d’entre eux. Il n’y a qu’à voir le nombre de Marocains dans les grandes écoles d’ingénieurs.

Les écoles et les universités marocaines accueillent un nombre important d’étudiants marocains, mais aussi de plus en plus d’étudiants étrangers, notamment ceux des autres pays africains, comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Congo, le Tchad, la Guinée Conakry, etc.

« Le Maroc est devenu un marché incontournable pour toutes ces grandes écoles étrangères qui sont conscientes que le meilleur moyen pour attirer davantage d’étudiants du Maroc consiste à ouvrir des antennes ou des filiales dans ce pays. Une directrice des relations internationales d’une grande école de commerce française m’a dit récemment que son école recrutait au minimum 100 étudiants chaque année au Maroc. Ce qui est appréciable compte tenu de la forte concurrence que se livrent ces écoles en France et compte tenu du rétrécissement du marché français. On voit également cet intérêt pour le marché marocain à travers toutes ces participations aux salons et forums d’étudiants auxquelles participent chaque année ces écoles à Casablanca, Rabat, Marrakech… », conclut notre expert.

 
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